Un Grenelle de la Montagne Pelée
et l'inscription du volcan au patrimoine mondial de l'UNESCO
Paris - Assemblée Nationale - 4 mai 2010. A l'occasion de la discussion du projet de loi relatif au Grenelle 2 de l'environnement, le député Alfred MARIE-JEANNE demande au gouvernement un Grenelle de la Montagne Pelée et l'inscription du volcan au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Monsieur le ministre, je considère le Grenelle de l’environnement comme un pacte dont l’objectif final est, selon vos déclarations, « une mutation vitale pour notre avenir et pour l’histoire de l’humanité ». Dans ces conditions, mieux vaut accélérer que temporiser. Cela passe nécessairement par l’engagement concret de chacun, sans exception, et cela implique évidemment la question du développement durable et endogène.
Tel est en tout cas le sens que je me permets d’accorder au projet de loi soumis à notre examen aujourd’hui. À cet égard, je cite vos propos à la tribune du Sénat, monsieur le ministre: « L’objectif est tout simplement de rendre aux territoires ce qui leur appartient, c’est-à-dire une certaine idée de la qualité de vie, de la proximité, de la solidarité et des savoir-faire, et la capacité à s’organiser démocratiquement pour les réaliser ».
Loin de m’opposer à cette idée, je la conforte en vous proposant l’organisation à très court terme en Martinique d’un Grenelle de la Montagne Pelée. En fait, il s’agira pour nous de relier entre eux les éléments épars d’un puzzle en construction depuis un certain nombre d’années.
Je vais vous exposer les raisons objectives qui motivent ma démarche.
Le 8 mai 1902, le volcan de la Montagne Pelée entre en éruption et anéantit l’ancienne capitale, la ville de Saint-Pierre, faisant 30000 morts en moins de quatre-vingt-dix secondes. Ce phénomène volcanique, inconnu jusqu’alors, fut décrit par le géologue Alfred Lacroix comme étant une nuée ardente, c’est-à-dire un nuage de gaz incandescents qui souffla tout. Cet aspect scientifique est à prendre en compte.
La Montagne Pelée, si dévastatrice par le passé, est aujourd’hui source de vie. Elle alimente en eau les principaux bassins versants de l’île et ses nombreuses rivières irriguent une très grande partie de la Martinique. Par ailleurs, elle constitue une réserve biologique presque unique au monde. Certaines espèces végétales qui y poussent sont endémiques, d’autres, en voie d’extinction, participent à la pharmacopée moderne: il faut en conséquence les protéger.
À cet égard, dès 2003, en tant que président du conseil régional de l’époque, j’ai œuvré pour que ce site soit répertorié comme réserve biologique. En partenariat avec l’Office national des forêts, j’ai ainsi participé à la création de la commission consultative régionale des réserves biologiques. Après l’approbation du plan de gestion de cette réserve en juillet2005, le statut de réserve biologique intégrale du versant nord fut consacré grâce à l’arrêté ministériel du 28 avril 2007.
En ce 4 mai 2010, à quatre jours de la commémoration du 108 e anniversaire de cette éruption, je me situe dans le droit fil de la dynamique du Grenelle 2 de l’environnement en demandant de sanctuariser ce monument naturel. Ce Grenelle spécifique doit intégrer Saint-Pierre, les villes avoisinantes, et les milieux marins environnants.
Je rappelle, pour la circonstance, que la baie de Saint-Pierre est très réputée. Ainsi, le schéma de développement et d’aménagement touristique l’a déjà retenue pour un futur terminal de croisière. Par ailleurs, le schéma d’aménagement régional de la Martinique y a prévu l’installation d’un quai minéralier, et la construction d’un musée plus conséquent a été proposée par la ville elle-même.
Je signale également qu’au Morne Rouge, un musée régional inauguré il y a trois ans et baptisé « La maison du volcan » est consacré à la Montagne Pelée, à l’étude des volcans de la Caraïbe et à la tectonique des plaques. Toujours au Morne Rouge, le parc naturel régional a inauguré, le 18 septembre 2009, la Maison de la nature, axée sur la richesse de la biodiversité.
Je veux également apporter des précisions au sujet de certaines villes côtières.
À Bellefontaine, il existe une réelle opportunité de produire de l’électricité de façon permanente à partir du différentiel thermique de l’eau de mer. Des études sur ce point ont déjà été réalisées et, pour ne rien vous cacher, EDF est partie prenante et connaît bien le dossier. À Case-Pilote, une zone de cantonnement fonctionne déjà. Au Prêcheur, une réserve régionale dans laquelle se trouvent des variétés de coraux et d’éponges uniques au monde est en cours de finalisation.
En résumé, nous sommes bien dans le cadre d’un projet de développement durable solidaire et intégré. Mon exposé ne prétend pas à l’exhaustivité, car d’autres atouts existent bel et bien dans le rayon d’action de la Montagne Pelée. Pour comprendre l’importance du projet à l’échelle du pays, quelques chiffres sont à citer: alors que la superficie de la Martinique n’est que de 1128 kilomètres carrés, la Montagne Pelée s’étale sur près de 120 kilomètres carrés. Vous comprendrez dès lors, monsieur le ministre, tout l’intérêt de mon intervention d’aujourd’hui.
Pour tout ce qui a déjà été préconisé, initié et mis en œuvre, je sollicite l’inscription de la Montagne Pelée au patrimoine mondial de l’UNESCO, à l’instar des pitons de la soufrière de l’île voisine de Sainte-Lucie. Depuis l’approbation de la Convention du patrimoine mondial en 1972, la communauté internationale a adopté le concept de « développement durable » pour le patrimoine naturel.
Par son histoire, par sa richesse géologique et biologique, la Montagne Pelée correspond tout à fait aux critères définis par l’UNESCO pour figurer sur la liste du patrimoine mondial. Cette inscription, qui viendrait renforcer l’intérêt faunistique, floristique et scientifique de la Montagne Pelée, constituerait un instrument supplémentaire de visibilité internationale et un indéniable atout tant touristique qu’économique.
Notre dossier sera remis au Gouvernement dans les plus brefs délais. Je lui demande publiquement son soutien, car il s’agit d’une carte vitale pour la Martinique. D’ores et déjà, monsieur le ministre, je vous invite à prendre date pour venir signer en Martinique la mise en place du comité du Grenelle de la Montagne Pelée pour, comme vous l’avez dit, « pousser l’avantage le plus loin possible et rendre irréversible la mutation en cours et la rupture avec le modèle actuel ».
Assemblée Nationale, 4 mai 2010
Alfred Marie-Jeanne, Député de Martinique