Le Sri Lanka, ex-île de Ceylan, est indépendant depuis février 1948
Qu'en est-il du respect des droits de l'homme ?
Dans la partie orientale de l'île, reprise par le gouvernement aux LTTE en 2005, les pressions sur les populations civiles suspectées d'avoir des sympathies pour les Tigres sont extrêmement fortes. Les atteintes aux droits de l'homme y sont quotidiennes. Par exemple, la semaine dernière, les locaux de la principale chaîne de télé privée MTV ont été attaqués et un journaliste, Lasantha Wickramaratne, a été assassiné en pleine rue, probablement avec la complicité de milieux proches du pouvoir.
Que demandent les rebelles tamouls ?
Pendant la trêve, entre 2002 et 2005, ils demandaient la constitution d'une grande zone regroupant le Nord et l'Est avec une autonomie de type confédéral. Mais le reste du temps, ils ont revendiqué l'indépendance totale.
Quelles sont les racines principales de ce conflit ?
Il faut remonter à la décolonisation et à l'affirmation, pendant les années 50, de la communauté cingalaise, majoritaire dans l'île avec environ 75 % de la population. Pendant la période coloniale, les Tamouls étaient très présents dans l'administration car les Britanniques les avaient favorisés, au détriment des Cingalais. Après l'indépendance, il y a eu une redéfinition de l'équilibre entre les deux communautés, passant notamment par l'abandon de l'anglais comme langue officielle au profit du seul cingalais.
À cette rivalité linguistique s'est ensuite greffée une dimension religieuse : la majorité des Cingalais étant bouddhistes, il y a eu une sorte de volonté d'affirmer l'identité bouddhique de l'État, sans qu'il y ait pour autant de religion officielle. Mais ceci a finalement contribué à rejeter les Tamouls dans une position de minorité se sentant non reconnue. À partir des années 70, les groupes militants réclamant l'indépendance des zones tamoules de l'île ont ainsi pris les armes.
Quel a été le rôle de l'Inde dans ce conflit ?
Dans les années 80, le pouvoir à New Delhi s'assura le soutien du gouvernement de Madras (aujourd'hui Chennai), en appuyant plus ou moins un certain nombre de mouvements de rebelles tamouls. En 1987, le gouvernement indien envoya une force de maintien de la paix dans les zones tamoules de l'île. Mais cette force indienne d'interposition a été incapable de maintenir l'ordre parce que elle n'a pas pu prendre le contrôle de l'un de ces groupes qu'elle avait contribué à armer, à savoir les LTTE.
Le retrait indien en 1990 a fini par donner une sorte de monopole au LTTE, qui a éliminé physiquement les autres groupes. Après l'assassinat de Rajiv Gandhi par les militants LTTE en 1991, l'Inde s'est complètement retirée de la scène. Elle a une position qui a toujours été claire : refus de la naissance d'un nouveau micro-état dans sa zone méridionale et donc défense de l'intégrité territoriale de Sri Lanka. De là à collaborer étroitement avec l'armée sri-lankaise, il y a un pas. Il se trouve quand même qu'un certain nombre d'instructeurs indiens, notamment dans le domaine des communications, sont présents au côté de l'armée sri-lankaise. Mais cela n'a rien d'un engagement massif.
En quoi les LTTE constituent-ils un mouvement terroriste et pourquoi l'Europe, dont la France, les a inscrits sur sa liste d'organisations terroristes depuis mai 2006 ?
La qualification est liée aux méthodes d'action des LTTE qui ont effectivement commis un certain nombre d'attentats visant les populations civiles du sud de l'île. Mais l'autre élément retenu contre les Tigres est le recrutement forcé de mineurs. C'est une pratique courante, sans être comparable avec des situations comme au Sierra Leone. C'est aussi un élément qui a persuadé les gouvernements occidentaux à déclarer les Tigres comme organisation terroriste, après l'Inde qui est le premier pays à l'avoir fait en 1991.
Éric Paul Meyer est un historien spécialiste du Sri Lanka, Professeur et vice-président de l'INALCO