AUTISME : DES ASSOCIATIONS DE PARENTS VEULENT FAIRE INTERDIRE LA PSYCHANALYSE

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Autisme : entre psys et antipsys, un rapport qui ne tranche rien 


 
La Haute autorité de santé (HAS) jouait sa crédibilité sur cette affaire : appelée à se prononcer sur les bonnes pratiques à adopter face à l'autisme, grande cause nationale 2012 et objet d'une bataille effrénée, elle a rendu un rapport[PDF] qui tente un impossible compromis.

Il n'y a qu'à lire les interprétations dans la presse : « arrêt de mort » de la psychanalyse, estime Le Monde, « un sursis », juge au contraire Le Figaro. 

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Depuis la fuite, dans Libération le 13 février, d'une version quasi définitive de ce rapport, c'est l'ébullition chez les associations de parents d'autistes (qui veulent, avec le député Fasquelle, faire interdire la psychanalyse dans le traitement de ce handicap) et chez les psychanalystes, notamment lacaniens, qui ont organisé une conférence de trois heures, dimanche à l'hôtel Lutetia (Paris).


La tension entre les deux camps s'est exacerbée depuis la polémique autour du documentaire Le Mur, qui a été condamné par la justice le 26 janvier.

Le rapport publié ce jeudi est légèrement différent de la version qui a circulé : la psychanalyse était classée dans la catégorie « non recommandée ou non consensuelle » , elle n'est finalement plus que « non consensuelle ».

Sur ce premier sujet, les psys ont gagné. Mais ils ont perdu sur un autre point de crispation : la pratique du « packing » qui consiste à envelopper l'autiste dans un drap humide et froid.

« En dehors de protocoles de recherche autorisés respectant la totalité des conditions définies par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), la HAS et l »Anesm sont formellement opposées à l'utilisation de cette pratique. »

Selon la Haute autorité, il n'est en effet pas possible de conclure à la pertinence de telles méthodes « même restreintes à un recours ultime et exceptionnel » (page 32).

« Freud et Lacan n'ont rien à voir là-dedans »

Ce rapport mi-chèvre mi-chou, fait déjà dire à chacun des deux camps que la HAS a cédé au lobby adverse. En réalité, en deux ans d'un travail qui a mobilisé 145 experts, aucun consensus n'a pu se dégager. Ces recommandations sont pourtant censées être « des synthèses rigoureuses de l'état de l'art et des données de la science à un temps donné ».

D'ici fin mars, les membres du groupe de travail qui ont refusé de signer le rapport feront savoir publiquement leur désaccord.

Isabelle Resplendino, mère d'enfant autiste installée en Belgique pour que son fils souffrant d'Asperger y bénéficie des méthodes comportementales bien plus développées qu'en France, est de tous les réseaux associatifs dans ce pays :

« La psychanalyse a sauvé les meubles. Dire “non consensuel” ne veut pas dire “mauvais”, donc on va se retrouver avec 10% de méthode comportementale et 90% de méthodes psychanalytiques. »

Comme nombre de parents, elle ne rejette pas l'accompagnement psychiatrique ni le soutien psychologique, mais ne voit pas leur utilité :

« Freud et Lacan n'ont rien à voir là-dedans, l'enfant ne fait pas exprès de ne pas communiquer, même de manière inconsciente, les causes de l'autisme sont biologiques. »

Pour les psy, la HAS « se décrédibilise »

De son côté, Paul Machto, psychiatre et l'un des fondateurs du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, regrette que la HAS interdise le « packing » en dehors des protocoles de recherche :

« C'est une pratique qui a des bienfaits thérapeutiques, qui apaise, permet de ressentir des éléments de son corps, d'établir un lien avec les soignants.

La HAS ne s'appuie pas sur des éléments scientifiques, elle se décrédibilise totalement en prenant ses positions sous la pression de certaines associations de parents. »

Le pédopsychiatre de l'hôpital Necker, Bernard Golse, assure qu'il ne changera rien dans ses pratiques :

« La HAS s'est déconsidérée car elle n'a fait que sentir le vent d'un coté ou de l'autre et ne remplit pas son rôle d'instance scientifique objective. Je m'étonne que les autorités ne s'intéressent pas à nos protocoles de recherche, menés avec l'Inserm et la Fédération française de psychiatrie. »

SOURCE : Rue89