CÉCILE KYENGE, MINISTRE NOIRE ITALIENNE RÉPOND AUX ATTAQUES RACISTES

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«Dire "de couleur", c’est éviter de dire que je suis noire»

Cécile Kyenge est la première femme noire d’un gouvernement italien. En poste au ministère de l’Intégration depuis le 28 avril, elle a subi de nombreuses attaques racistes.


Elle a l’air «d’une femme au foyer» (1) a déclaré à son propos l’eurodéputé de la Ligue du Nord Mario Borghezi. Cécile Kyenge, ministre de l’Intégration et première femme noire d’un gouvernement italien, a souffert de multiples attaques racistes depuis qu’elle est en poste. Membre du Parti démocrate (centre gauche), elle rejoint le 28 avril le gouvernement de coalition d’Enrico Letta.

Née dans l’actuelle République démocratique du Congo, elle arrive en Italie à l’âge de 18 ans pour suivre des études de médecine. Elle obtient la nationalité italienne avec son mariage et s’investit en politique en s’attaquant, entre autres, aux lois sur l’immigration et la citoyenneté votées en 2002, à l’époque de Silvio Berlusconi.

Pourquoi avez-vous choisi de vous lancer en politique au début de votre carrière ?

J’ai été témoin de toutes les difficultés que l’on peut rencontrer quand on est originaire d’un pays étranger: trouver du travail, se déplacer, faire des choix de vie. Je voulais rendre les choses moins compliquées pour les gens qui rencontrent ces problèmes.

Comment vivez-vous le fait d’être la première femme noire d’un gouvernement italien ?

C’est une responsabilité très forte. J’ai conscience que je dois être à la hauteur : les yeux de ceux qui ont tout perdu se tournent vers moi et je ne peux pas les décevoir.

Comment réagissez-vous à l’attaque de Mario Borghezio ?

J’ai choisi de ne pas répondre. Ce n’est pas à moi de le faire mais à la société civile. Il est important que ce soit la société qui y réponde. Le racisme, c’est le racisme. Pour l'éliminer, il faut le condamner et mettre l’individu au centre des préoccupations.

Vous avez déclaré «je ne suis pas une femme de couleur, je suis une femme noire», pourquoi ?

Je crois que si on veut combattre les stéréotypes, il faut commencer par le faire dans le langage. Dire «de couleur», c’est comme éviter de dire de moi que je suis noire, c’est comme éviter de dire d’une femme qu’elle est blonde ou brune. Il y a quelque chose d’hypocrite derrière ce mot qui renvoie à un vocabulaire plein de stéréotypes.

Vous travaillez sur le droit du sol en ce moment [la nationalité ne s’acquiert pas par droit du sol en Italie], rencontrez-vous des difficultés à avancer dans cette ambiance ou avec des membres du parti de Berlusconi dans le gouvernement ?

Je veux attirer l’attention de tous sur la nouvelle photographie de l’Italie. C’est un pays métis. Il y a 2,5 millions de travailleurs étrangers et ils versent plus de 8 milliards à l’Etat. On ne peut plus l’ignorer, il faut en tenir compte. [Au sein du gouvernement], il est nécessaire d’avoir la possibilité de se confronter et de trouver des réponses, mais il faut avancer en équipe. Et je voudrais souligner que la question du droit du sol n’est pas mon seul combat, c’est celui de tout un parti. Il n’est pas question de victoire personnelle. Ce n’est pas une proposition qui doit émaner de mon ministère, mais de celui de l’Intérieur.

SOURCE : Liberation