CHAOS À L'UNIVERSITÉ DES ANTILLES - LE CAS DU PÔLE MARTINIQUE par Gérard DÉSERT

L’Université, la plus grande maison d’instruction d’une nation, semble ici chez nous, dans notre espace archipélique de Guadeloupe et de Martinique, montrer des signes de grandes faiblesses, de dépression. Des signes inquiétants de mal-développement ou mieux encore de sous-développement, apparaissent à la surface des réalités des offres de formation et de l’encadrement inhérent, que les instances de l’université nous soumettent désormais depuis le C.A. du mardi 22 janvier 2019. Pour autant qu’il m’en souvienne, l’écrivain cubain Edmundo Desnoes nous apprend dans ses Mémoires du sous-développement, que «le sous- développement est l’incapacité à pouvoir accumuler de l’expérience ». Notre Université est donc frappée d’un sous-développement symbolique, d’une douce inertie, d’une anesthésie fonctionnelle généralisée affectant le personnel en général dont on peut voir certains « se prélasser sur la terrasse de leur rêves buvant leur clairin et fumant leur cachimbo ». 

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L’Université, la plus grande maison d’instruction d’une nation, semble ici chez nous, dans notre espace archipélique de Guadeloupe et de Martinique, montrer des signes de grandes faiblesses, de dépression. Des signes inquiétants de mal-développement ou mieux encore de sous-développement, apparaissent à la surface des réalités des offres de formation et de l’encadrement inhérent, que les instances de l’université nous soumettent désormais depuis le C.A. du mardi 22 janvier 2019. Pour autant qu’il m’en souvienne, l’écrivain cubain Edmundo Desnoes nous apprend dans ses Mémoires du sous-développement, que «le sous- développement est l’incapacité à pouvoir accumuler de l’expérience ». Notre Université est donc frappée d’un sous-développement symbolique, d’une douce inertie, d’une anesthésie fonctionnelle généralisée affectant le personnel en général dont on peut voir certains « se prélasser sur la terrasse de leur rêves buvant leur clairin et fumant leur cachimbo ». 

Il va de soi que l’on ne peut dissocier le problème de l’Université des Antilles de son environnement politique et économique (local-régional-national). En effet, les convulsions de 2013 causées par l’Affaire CEREGMIA, semblent se prolonger de manière souterraine, invisible, perfide, occulte voire cabalistique. Les peuples respectifs concernés savent et retiennent qu’un certain trio politique a été un facteur déterminant au démantèlement et à l’atomisation du trio polaire, et a sonné le glas des relations entre le pôle Guyane d’une part, et la Guadeloupe et la Martinique, d’autre part. Adeptes de la politique du pourrissement, les membres de ce trio n’ont pas daigné bouger leur petit doigt, du haut de leur fonction et de leur mandature, pour sauvegarder les intérêts de la jeunesse apprenante de nos régions. 

Le chaos provoqué par cette affaire a produit son effet papillon, à la faveur de l’investiture du président Eustase Janky, qui se refuse résolument à l’application de la loi et des statuts de l’université, et qui obrepticement, est dans le déni délibéré de justice couvrant de fait une forfaiture pour nos régions. Les sollicitations ô combien multiples de la vice-présidente du pôle Martinique, Odile Marcelin François-Haugrin, et des autres administrateurs de ce pôle, sont restées à ce jour, lettre morte, et il apparaît une volonté formelle, de violer systématiquement l’autonomie des pôles universitaires, contrairement aux dispositifs prévus par les statuts de l’Université de Antilles, lesquels, rappelons-le, sont l’émanation du code de l’éducation. 

La configuration polaire, comme celle des Antilles Guyane, est évidemment la plus intelligente et originale des configurations, surtout quand on est compris dans un ensemble archipélique. En témoignent les performances en matière de recherche et de formation de l’Université des Indes Occidentales (University of the West Indies), fondée en 1948, et qui fait fonctionner son implexité organisationnelle et structurelle avec dix-sept États et territoires de la Caraïbe. La logique d’un tel discernement évident, serait de se saisir de ce levier pour faire émerger un modèle unique, indivisible sur la base d’une autonomie de gestion régie par la loi, enjeu essentiel de nos régions respectives. Ce modèle, s’il est appliqué réellement, assurera, de toute évidence, une bonne représentativité de l'ensemble des sensibilités de la communauté universitaire et permettra à chacun, personnels (enseignants, administratifs, techniques) et étudiants compris, d'être représenté à tous les échelons de décision de l'université. Mais au lieu 

de l’application de cette prudence, le président opte pour une relecture singulière et controuvée des statuts visant la recentralisation des missions de l’Université des Antilles. 

Pour mieux comprendre la situation, il sera nécessaire de revenir sur certains points des statuts approuvés au Conseil technique et au Conseil d’Administration en juin 2016, notamment l’organisation institutionnelle de l’UA et en particulier le 12ème alinéa de l’article 6 sur les compétences du président régies par l’Article L781-2 du Code de l’éducation : 

- Outre les fonctions prévues à l'article L. 712-2, le président de l'université assure par ses arbitrages, la cohésion et l'équilibre entre les pôles universitaires régionaux en concertation avec les vice-présidents de pôle. Il est dit dans les statuts, que le Président, dans le respect du 5ème alinéa de l’article L781-2 du Code de l’éducation et tenant compte des éléments qui résultent de ce dialogue de gestion, élabore et soumet à l’approbation du Conseil d’administration la proposition de répartition des emplois et des crédits alloués à l’université par les ministres compétents en prenant en compte notamment les effectifs des étudiants, les enseignements dispensés et l'activité de recherche de chaque pôle. Il explicite les éléments qui déterminent cette proposition. « Notamment » ne signifie pas « exclusivement » comme le souligne l’ancien vice-président délégué aux affaires juridiques et contentieuses de l’UA, en la personne de Joby Aglaé, dans sa lettre ouverte à la communauté universitaire du 14 décembre 2018. Cela revient à dire très clairement que d’autres critères peuvent être pris en compte. 

Le Conseil d’Administration, qui est souverain, dans le respect de la loi et des statuts, détermine la politique de l'établissement, il a donc une fonction organique, d’arbitrage et d’équilibrage, d’homogénéisation constitutionnelle. L’article 4 du Chapitre II, conforté par l’article L719-5 du Code de l’éducation, stipule bien que le pôle est doté d’un budget propre intégré au budget de l'établissement dont il fait partie. Ce budget est approuvé par le conseil d'administration de l'établissement, qui peut l'arrêter lorsqu'il n'est pas adopté par le conseil de l'unité ou n'est pas voté en équilibre réel

En ma qualité de membre du Conseil Académique, ayant pris part aux travaux du Conseil Académique plénier plénier du 10 janvier 2019, où il était question de la campagne d’emploi 2019 des enseignants-chercheurs, je dénonce, en vertu de cet article L719-5 du Code de l’éducation, avec fermeté et véhémence, l’usage abusif de pouvoir du président de cette université qui s’octroie des prérogatives de gestion, en faisant des pouvoirs (ou des voix) un usage qu’il sait contraire à l’équilibre et aux intérêts de l’Université des Antilles, en favorisant délibérément le Pôle de la Guadeloupe. Je dénonce de même, une manipulation systémique et organisée de la part de certains membres des deux pôles de cette université, dans la répartition des emplois et le manque patent d’équilibre voulu, qui aurait dû s’opérer sous le principe de l’objectivité et de la rationalisation (en prenant en compte notamment les effectifs des étudiants, les enseignements dispensés et l'activité de recherche de chaque pôle ), principe censé réorganiser et améliorer le fonctionnement du Pôle Martinique. Il s’est avéré lors de cette séance de travail du 10 janvier que les 7 postes demandés par la Guadeloupe ont été validés en tir groupé comme une lettre à la poste dans les domaines de la biologie, des mathématiques appliquées, de l’informatique et de la biochimie, de la science de l’information. Quant aux demandes de 16 postes formulés par le Conseil de Pôle de la Martinique, elles ont été passés au crible, car, semble-t-il des enseignants du Pôle Martinique avaient envoyé préalablement au Président Janky des courriers faisant remonter des griefs scandant une soi-disant non- collégialité des décisions, une non-concertation, un non-respect des procédures du Conseil de Pôle, les jugeant invalides, ce qui justifiait l’examen scrupuleux, la recherche de failles inventées pour rendre caduque la demande de moyens de la Martinique. Résultats des comptes : 6 postes ont été validés ! Il est inutile de vous dire que les demandes de la faculté des LSH 

(Lettres et Sciences Humaines) et du DSI (Département Scientifique Interfacultaire), émanant des membres du Conseil de Pôle en toute collégialité, ont essuyé un refus catégorique de la part d’une équipe organisée de détracteurs, de contempteurs. Voilà donc dressée, de manière succincte, l’ambiance qui règne au sein de nos instances, où sont remis en cause la légitimité de la Vice-présidente du pôle Martinique et de son Conseil de Pôle. Comprenons que si le président dispose d’une autorité sur tout le personnel de l’UA (Alinéa 4 de l’article 6 des statuts) et les VP pôle aussi sur leur personnel respectif (Code de l’éducation), il ne faut surtout pas oublier que c’est la compétence qui fait l’autorité

Alors, doit-on à la lumière de ces éléments soulevés, considérer que l’instance de Conseil de Pôle est nulle et non avenue? Que le travail effectué de longue haleine par ses représentants est invalide ? Qu’il n’existe plus ? 

Doit-on accepter dans cette grande maison d’instruction de la région Martinique que nous soyons dépourvus de nos moyens et que notre pôle, exsangue, ne réponde plus aux besoins de formation et de développement de notre territoire et des générations futures ? 

Guadeloupéens et Martiniquais de bonne volonté, Doubout ! C’est un devoir impérieux de réagir ! Notre combat est celui d’une Université Unie respectueuse de la loi et de ses statuts. Je formule par cet écrit un NON catégorique à la scission de l’Université et exige le respect plein et entier de l’autonomie du pôle de la Martinique, CAR, SI NOUS PERDONS CE COMBAT, C’EST L’AVENIR DE NOTRE ILE QUE NOUS SACRIFIONS SUR L’AUTEL DE LA DERAISON, DE L’ABSURDE, DE L’OBSCURANTISME. 

Dans un document rédigé par les soins de Michel H. Geoffroy, Vice-Président du Pôle de la Guadeloupe sous la mandature de Corinne Mencé-Caster, aujourd’hui Vice-Président du Conseil d’Administration du président Eustase Janky, en mars 2014, à Pointe-à-Pitre, intitulé Quelle autonomie pour l’Université en Guadeloupe ?, nous pouvons lire :
« Nous nous trouvons à un tournant historique et devant une opportunité unique nous permettant de doter la Guadeloupe d’un outil universitaire d’une qualité jamais atteinte à ce jour dans notre région. Pour atteindre cet objectif l’université en Guadeloupe doit acquérir une autonomie totale en matière financière et administrative d’une part et en matière d’offre de formation et de recherche d’autre part ». 

En novembre 2013, la communauté du pôle universitaire de Guadeloupe (étudiants, enseignants-chercheurs, enseignants, personnels administratifs et techniques) s’est réunie au sein de plusieurs ateliers durant deux jours afin de réfléchir à l’avenir institutionnel de l’université en Guadeloupe. A l’issue de ces réflexions, « 7 orientations ont été arrêtées en assemblée générale le 20 novembre 2013. Celles-ci ont ensuite été validées par les élus du conseil d’administration de l’UAG siégeant au titre du pôle universitaire de Guadeloupe. Les 7 orientations du pôle universitaire de Guadeloupe (20 novembre 2013) :

1-Toutes les décisions concernant l’avenir institutionnel de l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG) en Guadeloupe devront préserver l’intérêt des étudiants.
2-Le Pôle universitaire de Guadeloupe doit acquérir une autonomie financière et administrative ainsi qu’une autonomie en matière d’offre de formation et de recherche.
3-Il est nécessaire de mutualiser certains services communs et formations sur les trois territoires (Guadeloupe, Guyane, Martinique).
4-Il est nécessaire de maintenir tous les moyens du Pôle universitaire de Guadeloupe sur ce pôle.
5-Il est nécessaire de développer des coopérations mutuellement bénéfiques avec les pôles universitaires guyanais et martiniquais.
6-Il est nécessaire de créer dans l’avenir un comité de bonne gouvernance. 

7-La communauté universitaire réunie en assemblée générale est contre une université des Antilles qui serait la réplique de l’UAG privée du pôle guyanais »

Ce précieux document que l’on pourrait nommer le Manifeste de Geoffroy, nous exonère véritablement d’une quelconque responsabilité sur la question de la division des Pôles et montre bien que dans sa stratégie actuelle menée avec la gouvernance, M. Geoffroy affecte de ne pas comprendre ce qu’est l’autonomie qu’il définit pourtant remarquablement bien, en déclinant de manière exhaustive les différents types d’autonomie indispensables au bon fonctionnement de l’université de l’archipel de la Guadeloupe

  • -  Autonomie financière 
  • -  Autonomie administrative 
  • -  Autonomie en matière d’offre de formation initiale et continue 
  • -  Autonomie en matière de recherche 
  • -  Autonomie politique
  • Enfin, M. Geoffroy décrit la Martinique comme un véritable boulet mais en même temps, il prétend renforcer des interactions régionales.
    Voyez les contradictions évidentes de ce manifeste
    occultant bien évidemment les véritables motivations de ce projet ambitieux visant l’Excellence dans la Caraïbe :
    «
    Une université des Antilles », dit-il en conclusion, « en revanche, ajoutera lourdeur et complexité aux rivalités oiseuses déjà bien ancrées entre les deux pôles universitaires antillais. Une université des Antilles nécessairement déséquilibrée car implantée sur deux territoires distincts, aux institutions distinctes (département et région en Guadeloupe, collectivité unique en Martinique), aux projets et axes stratégiques différents sera très certainement vouée à l’échec et à l’éclatement ».
    On est en droit de s’interroger aujourd’hui, avec le recul, sur les intentions réelles de M. Geoffroy. 
  • Si le Vice-président Michel H. Geoffroy manifeste de réelles inquiétudes vis-à-vis de l’autonomie, maintenant qu’il est aux commandes, qu’attend-il pour mettre en œuvre et démontrer sur le terrain que sa lumineuse théorie de l’autonomie est véritablement effective, et un levier de développement, éléments pourtant très formels dans les statuts ? Encore une autre contradiction, véritable art de la dissimulation. 
Gérald DESERT
Enseignant Département d’espagnol
Université des Antilles, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Pôle Martinique
Membre du bureau de la Vice-présidente du pôle Martinique Membre du CAC (Conseil Académique)
Membre Commission Recherche de l’UA
Membre de la Section disciplinaire de l’UA
Membre de la CSTM Education-Université 
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