Un texte en ce sens sera déposé au Parlement avant l'été, a annoncé le ministre de la Défense, Hervé Morin. Il était initialement promis pour janvier 2009.
Une commission indépendante, constituée de médecins et présidée par un magistrat, examinera les dossiers au cas par cas. Si la demande est acceptée, la réparation du préjudice sera intégrale, précise le ministre dans un entretien publié mardi dans Le Figaro.
"Une première enveloppe de 10 millions d'euros est déjà prévue pour la première année sur les crédits du ministère de la Défense", déclare-t-il.
A la demande des associations, le gouvernement a choisi de travailler sur une liste élargie de 18 maladies - celle de l'Onu - et a renoncé à fixer un seuil d'exposition minimal.
Environ 150.000 personnes ont participé en tant que personnel civil et militaire aux 210 essais nucléaires français - dont une cinquantaine en atmosphère - réalisés dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966 puis en Polynésie française, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, entre 1966 et 1996.
"Compte tenu de ce qu'on sait des niveaux d'exposition", le nombre de victimes devrait être, in fine, de "quelques centaines au maximum", a dit Hervé Morin sur France Info.
Un chiffre largement sous-évalué, estime Jean-Paul Teissonnière, avocat des victimes, qui demande que les indemnisations soient étendues aux familles.
"Il faudra aussi prendre en compte les cas passés et les (...) familles qui luttent depuis des années pour voir reconnaître l'imputabilité du décès de leur époux, de leur père, à leur présence sur les tirs nucléaires", a-t-il dit, également sur France Info.
"AUCUNE RECONNAISSANCE"
Cette indemnisation arrive, selon l'avocat, bien tard.
"Sans vouloir polémiquer, nous sommes 49 ans après le 1er tir, intervenu dans le Sahara en 1960", a-t-il fait remarquer. "Si on prend en compte le délai de latence des pathologies radio-induites, qui est de l'ordre de 10 à 30 ans environ, il faut considérer que de très nombreuses victimes sont déjà, hélas, décédées (...) sans aucune reconnaissance".
A la différence des Etats-Unis et du Royaume-Uni, l'Etat français refusait jusqu'ici de reconnaître officiellement le problème. Les victimes étaient contraintes de saisir la justice et de démontrer le lien entre leur maladie et leur exposition à des radiations pour obtenir éventuellement des indemnisations.
"Les gouvernements ont longtemps pensé qu'ouvrir la porte à l'indemnisation était une menace à l'effort considérable déployé par la France pour avoir une dissuasion nucléaire crédible", dit Hervé Morin dans Le Figaro. "Quand j'ai abordé la question dès l'été 2007, l'accueil de mes services et des autres ministères a été réservé. Mais il était temps que la France soit en conscience avec elle-même."
Fin février, 12 anciens militaires souffrant de maladies graves imputées aux conséquences des essais nucléaires français dans les années 1960 ont demandé à la cour d'appel de Paris de contraindre l'Etat à les indemniser.
Ils ont fait appel de décisions de cours régionales des pensions militaires et de la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales de Paris rejetant leurs demandes.
Ces instances ont estimé que le lien entre les maladies et les essais n'était pas établi ou ont jugé l'indemnisation impossible au regard de l'ancienneté des faits.
Depuis 2004, deux juges d'instruction parisiens du pôle de santé publique instruisent une information judiciaire pour "homicides involontaires et atteintes involontaires à l'intégrité physique" ouverte sur plainte de certaines victimes
Source : Reuters