L'exposition à la chlordécone a une influence sur le nombre de cancer de la prostate. C'est le résultat d'une étude menée par l'Inserm et le CHU de Pointe-à-Pitre. Il y a un risque de 80% de contracter un cancer de la prostate pour les hommes exposés au pesticide contenant la molécule chlordécone
PHOTO : Dr Pascal Blanchet, chef de service urologie au CHU de Pointe à Pitre.
SOURCE : Karine Sigaud-Zabulo RFO Martinique
Après les doutes, les déclarations, voici venu le temps de la certitude scientifique. La molécule chlordécone contenue dans un pesticide utilisé jusqu’en 1993 dans l’agriculture aux Antilles, peut provoquer chez l’homme un cancer de la prostate. Cette certitude se base sur une étude menée par des chercheurs de l’Inserm et du CHU de Pointe-à-Pitre. Les recherches baptisées Karuprostate ont été menées entre 2004 et 2007. Les cas de 709 hommes atteints récemment du cancer de la prostate ont été comparés aux caractéristiques de 723 hommes non malades. La majorité des individus vivent en Guadeloupe, les autres en Martinique.
L’étude
L’exposition à la molécule très résistante et toujours présente dans les sols, dans les légumes racines, dans certains poissons et crustacés, et dans des cours d’eau, varie selon les habitudes des uns et des autres aux Antilles. Plus l’exposition est grande, plus le risque de développer un cancer de la prostate chez l’homme est élevé. Les scientifiques parlent de risque élevé avec une concentration en chlordécone supérieure à 1 microgramme par litre de sang.
Mais l’exposition à la chlordécone n’est pas la seule cause. L’étude montre que le risque est grand quand le sujet a des prédispositions génétiques. Quand son père, grand-père ou frère a déjà développé un cancer de la prostate. L’autre catégorie de la population plus à risque, ce sont ceux qui vont vivre dans un pays industrialisé et qui reviennent, précise Pascal Blanchet, chef du service d’urologie au CHU de Pointe-à-Pitre « c’est ceux qui pourrait avoir, à travers une migration temporaire dans un pays plus industrialisé que nos régions, qui pourraient avoir modifié leur mode de vie, c’est-à-dire aller dans une ville où on va subir un autre type de pollution, ou bien on va changer son mode de vie alimentaire en adoptant des modes de vie que l’on décrit comme occidentaux, et où la nutrition est souvent de moins bonne qualité que notre nutrition traditionnelle. Donc là encore on a une population qui est à risque lorsqu’elle retourne au pays, elle retrouve en plus le chlordécone à l’intérieur de son île ».
Recommandations
Pour éviter une exposition trop grande à la molécule, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments fixe des valeurs limites maximales de résidus de chlordécone consommables dans l’alimentation. Des listes d’aliments à éviter sont établis. Outre les légumes racines dont le risque peut être élevé, les produits de la pêche peuvent également avoir des taux élevé de chlordécone. C’est le cas de la langouste, le vivaneau, ou encore la sarde à queue jaune, pêchés dans certaines zones.
En attendant une dépollution des sols et de l’eau des recommandations sont formulées par l’Afssa. Elles consistent à limiter à un jour sur deux certains produits contenant des taux limites de chlordécone. Le dachine, la patate douce, la carotte, l’igname, le chou caraïbe et certains produits de la mer sont identifiés en raison de leur forte contamination. Pointé du doigt également, le concombre, les bananes « tinain » et fruits, et les fruits de type corossol à cause de leur consommation élevée. Sortis en revanche de la liste des produits suspects, le melon, la tomate, et la viande de poulet.
Par Karine Sigaud-Zabulo
Source : RFO Martinique