Un homme averti en vaut deux ! Habitué aux coups de Jarnac dans le dos du peuple, le député Letchimy vient d’être pris à son propre piège par le gouvernement. Rapporteur d’une commission d’enquête parlementaire tronquée sur le Chlordécone, il a occupé l’espace télévisuel des heures durant en juin-juillet-décembre 2019 avant de dresser aujourd’hui un affligeant constat d’impuissance à l’Assemblée nationale.
Interpellant le Ministre de la Justice Dupont-Moretti au cours du débat sur la représentation de l’Outre-Mer au Conseil Economique et Social, le député Letchimy est revenu sur sa commission tronquée sans oublier de lancer aux députés de la majorité quelques menaces dont il raffole : « Donnez pas un mauvais signe ! Continuez pas à donner un mauvais signe ! » avant, la mort dans l’âme, de passer aux aveux : « On a l’affaire de la Chlordécone qui est un grave problème en Martinique et en Guadeloupe où il n’y a aucune réponse de la part de l’Etat, aucune réponse ! » (sic !).
Et, désabusé, le député poursuit tout en interpellant à nouveau Dupont-Moretti « … et monsieur le Ministre, vous connaissez bien ce sujet-là en tant qu’avocat. Eh bien ça, il n’y a pas de réponse par rapport à la Chlordécone. On pollue les terres de la Martinique et de la Guadeloupe pendant des années, 50 ans globalement, 30 ans de pollution, aucune réponse ! ». « Une commission d’enquête qui a été établie et qui a fait 49 propositions, la responsabilité de l’Etat est engagée. Pas de réponse ».
Nous ne voyons pas par quelle opération du Saint-Esprit, le député Letchimy parviendrait-il à établir des responsabilités alors même que cette mission relève de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire. C’est d’ailleurs ce rappel à la règle de droit que la Garde des Sceaux a transmis au Président de l’Assemblée nationale (voir document en annexe). Pendant que nous y sommes, pourquoi s’arrêter à la seule responsabilité de l’Etat ? N’est-ce pas trop facile ? Quid de la responsabilité des latifundistes qui ont racheté la molécule aux mains des Américains, synthétisé dans un laboratoire de Béziers, fabriqué au Brésil avant de l’importer aux Antilles en prenant soin de changer le nom commercial de ce terrible poison ? Le Képone est devenu Curlone.
Pourtant, on se souvient encore de notre mise en garde sur les limites de ladite commission dès lors qu’une instruction judiciaire est en cours (voir vidéo ITW Martinique 1ère). Le député qui vote les lois, sait pertinemment qu’au nom du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, il ne peut établir des responsabilités et procéder à l’indemnisation des préjudices des victimes. Et pourtant !
Pour conclure, comme à l’accoutumée, dans une sorte de solipsisme qui le caractérise bien, Letchimy termine son intervention par une fumeuse prophétie : « vous avez construit le cocktail qui risque de nous embraser ».
En final de compte, l’amendement du Député Letchimy qui n’avait rien à voir avec le Chlordécone a été rejeté. Pathétique !
Louis Boutrin