CLAUDE LISE OU LE RENDEZ-VOUS RATÉ AVEC L’HISTOIRE

Il y a des hommes et des femmes politiques qui marquent l’histoire de leur pays et d’autres qui, aussi longtemps sont-ils restés à des postes de pouvoir, s’effacent à jamais du paysage. Cela risque fort d’être le cas de Claude Lise, président pour encore quelques jours de l’Assemblée de Martinique.

L’interview qu’il a, en effet, accordée ce jour au quotidien local n’est pas digne de quelqu’un qui a présidé l’ex-Conseil général pendant deux décennies et qui fut également député et sénateur. Certes, si l’on peut comprendre qu’il ait eu des divergences avec Alfred Marie-Jeanne et le Conseil exécutif, si l’on peut également comprendre que celles-ci ont abouti à une rupture avec Chaben et les Conseillers exécutifs qui l’ont entouré durant ces cinq dernières années, c’est totalement manquer de hauteur de vue que d’accuser Marie-Jeanne d’être « un homme qui divise pour régner » et d’être dans une logique du « pouvoir pour le pouvoir ».

En décembre 2015, chacun s’en souvient, A. Marie-Jeanne avait littéralement rescapé Claude Lise d’une noyade politique en le plaçant d’autorité sur la liste du « Gran Sanblé » au lieu de céder à l’injonction du maire de Sainte-Marie, B-N. Azérot, qui soumettait son ralliement à l’éviction de C. Lise. Ce dernier, à l’époque, avait donc bénéficié de « l’autoritarisme » de Marie-Jeanne qu’il dénonce aujourd’hui dans les colonnes du quotidien local. Il feint d’oublier également que la décision de Marie-Jeanne ne fut aucunement un diktat puisque j’ai dû insister personnellement auprès de Chaben pour que Lise figure sur la liste. Même si aujourd’hui, Alfred Marie-Jeanne me le reproche publiquement lors de nos conférences, il me semblait plus pertinent et plus crédible auprès des électeurs d’associer en 2015 les deux expériences à la présidence des deux ex-collectivités majeures dans l’optique de la mise en place de cette Collectivité unique tant espérée par les Martiniquais. Démonstration est aussi faite que, contrairement à ce que raconte le leader du RDM, Marie-Jeanne est quelqu’un qui sait écouter et qui écoute beaucoup avant de trancher.

Quant à la métaphore empruntée à Raffarin (France d’en haut / France d’en bas) pour évoquer de manière la plus éhontée qui soit le « personnel d’en haut » en opposition au « personnel d’en bas », elle reflète bien le fond de la pensée du personnage. Et que dire de ses allégations relatives à une prétendue « prime donnée au personnel régional » au motif « Monsieur Marie-Jeanne est ancien président de Région » ? Tout cela serait tout à fait risible, si ce n’est que Claude Lise, une fois de plus, sous son air bonhomme, touche le fond et dégringole dans l’estime de bon nombre de Martiniquais.

En réalité, le Directeur Général des Services vient du corps préfectoral de l’État, son adjoint de l’ex-Département et sur les 9 Directeurs Généraux Adjoints nommés par Alfred Marie-Jeanne, 4 viennent du l’ex-Département et 2 de l’ex-Région. Les 3 autres sont des recrutements externes.  S’agissant des 53 Directeurs, 29 sont issus de l’ex-Département et 24 de l’ex-Région. Nous sommes donc loin des insinuations nauséabondes relevées dans l’interview de Claude Lise à France-Antilles.

Autre accusation dans cette même interview : celle qui voudrait que Marie-Jeanne soit dans « la jouissance du pouvoir » et qu’il n’aime pas le partager. Ceci est évidemment faux !

Chacun se souvient en effet qu’il avait transmis sur un plateau d’argent la circonscription du Sud à Jean-Philippe Nilor qu’il considérait comme son dauphin pour aller présenter sa candidature sur la circonscription du Centre-Atlantique où, de l’avis même de son entourage politique, il avait fort peu de chances d’être élu. A l’époque, et c’est là un point important à retenir, si Alfred Marie-Jeanne avait été battu, il aurait tout simplement disparu du paysage politique martiniquais, ne disposant plus d’aucun mandat politique. Est-ce que quelqu’un qui « aime jouir du pouvoir » aurait pris pareil risque que nombre de ses proches jugeaient beaucoup trop risqué ? Non ! Je me rappelle d’une longue discussion que nous avions eu en tête à tête sur le sujet, essayant en vain de l’en dissuader. A l’époque Marie-Jeanne avait voulu transmettre le flambeau à la jeunesse.

A propos de cette dernière justement, Claude Lise couvre Jean-Philippe Nilor d’éloges, lui reconnaissant toutes les vertus de la terre, en le présentant, sans rire, comme un gros travailleur alors que, même avec la meilleure des indulgences du monde, on a le plus grand mal à trouver un seul amendement ou une proposition de loi que le Lucéen ait fait voter à l’Assemblée nationale en faveur de la Martinique. Quant à son travail en tant que Conseiller territorial et chef de la majorité, il est tout aussi mince que sa production en tant qu’attaché parlementaire d’Alfred Marie-Jeanne et, croyez-moi, je sais de quoi je parle ! Je n’ose même pas évoquer son absentéisme chronique pour ne pas dire durable. Mais là-dessus, Nilor ne dupe personne !

Cet amour débordant et soudain de Claude Lise pour JP Nilor sonne donc faux car le Président de l’Assemblée de Martinique est mieux placé que quiconque pour savoir de quoi il en ressort. Ce n’est qu’une énième attaque venimeuse contre celui qui l’avait fait vice-roi en 2015. Car, malgré toutes ses ambiguïtés, la loi du 27 juillet 2011 demeure très claire : C’est le président du Conseil exécutif le représentant légal de la Collectivité Territoriale de Martinique, c’est lui qui dirige l’institution, il en est le chef du personnel et l’ordonnateur. Et, cela, l’ex-président de l’ex-Département ne l’a jamais accepté !

Il y a quelque tristess tout de même à voir un homme politique non dénué de qualités tel que Claude Lise s’abaisser, au moment de son départ, à d’aussi mesquines considérations. Cela ne grandit ni l’homme ni l’image que les Martiniquais ont de leur personnel politique.

 

Martinique, le 31 mai 2021

Louis BOUTRIN
Conseiller exécutif de la CTM