Un accord sur le climat enfin adopté à Varsovie
Les 195 pays de la Convention des Nations unies sur le climat réunis depuis le 11 novembre à Varsovie sont finalement parvenus à un accord samedi en fin de journée, plus de vingt-quatre heures après la clôture officielle.
Les tractations ont été extrêmement dures pour trouver un équilibre entre les exigences des pays en développement dont la priorité a été de mettre les pays industrialisés face aux engagements pris en 2009 à Copenhague, et la nécessité d'aller de l'avant en adoptant une feuille de route jusqu'en décembre 2015, date à laquelle un accord mondial engageant pour la première fois tous les pays doit être signé. Il entrera en vigueur en 2020.
Varsovie, qui ne devait être qu'une "conférence d'étape" sans enjeu majeur, aura montré à quel point la défiance reste grande et laisse présager des difficultés qu'il faudra surmonter lors des prochaines étapes à Lima en décembre 2014 puis à Paris en décembre 2015. Un bon compromis est celui "où tout le monde repart frustré mais de façon équitable", selon la formule familière aux négociateurs. A n'en pas douter, tout le monde repart frustré. Le deal est-il équitable ? Non, mais chacun a préféré faire des compromis pour sauver ce qu'il jugeait essentiel et ne pas repartir les mains vides.
C'était l'enjeu principal pour les Européens qui veulent encadrer le processus de négociations le plus possible de façon à ne pas se retrouver fin 2015 dans une situation d'impréparation comparable à celle de Copenhague.
Ils souhaitaient que les pays mettent sur la table de premiers engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre dès 2014 de façon à avoir le temps d'évaluer l'ensemble des offres et de vérifier s'ils sont compatibles avec l'objectif de limiter le réchauffement à 2° C d'ici à 2100. Ils ne l'ont pas obtenu mais le texte "invite" les pays à remettre "leurs contributions bien avant" la Conférence de Paris et "d'ici le premier trimestre 2015 pour les pays qui le peuvent".
Les pays en développement ont monnayé durement ce calendrier et il a fallu des heures pour trouver un compromis en remplaçant notamment le mot "engagement" jugé trop contraignant par celui de "contribution" qui y figure au final.
Tous les pays repartent de Varsovie avec la mission "d'intensifier" leur travail pour élaborer leur contribution à l'accord de 2015. Un premier projet d'accord devra être finalisé - comme le prévoient les règles de la Convention -, six mois avant la Conférence de Paris, c'est-à-dire en mai 2015. D'ici là, plusieurs rendez-vous intermédiaires ont été fixés dont le sommet des chefs d'Etat à l'initiative du secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon en septembre 2014 à New York.
A Varsovie, les pays en développement unis au sein du groupe du G-77 et la Chine n'ont eu de cesse de dénoncer les promesses non tenues depuis 2009. A Copenhague, les pays industrialisés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 et à créer un Fonds vert qui accueillerait une partie de ces fonds.
Trente milliards environ ont été versés entre 2010 et 2012 au cours d'une période dite de "fast start". Mais depuis, les pays en développement n'ont plus aucune assurance sur les années à venir. Ils réclamaient que les pays industrialisés s'engagent sur une trajectoire de financement avec un objectif intermédiaire de 70 milliards de dollars en 2016. Ils ne l'ont pas obtenu. Néanmoins, les pays industrialisés se sont engagés à augmenter progressivement leurs versements et à faire preuve de davantage de transparence dans la provenance des ces fonds. Ceux du "fast start" ont en effet montré que la plupart des pays avaient recyclé des crédits provenant de l'aide publique au développement pour tenirleurs engagements.
Le comité des Finances de la convention-climat vérifiera tous les deux ans d'ici à 2020 les informations que lui fourniront les pays industrialisés sur le montant de l'effort, la part des fonds publics et des fonds privés mais aussi la place accordée à l'adaptation au changement climatique par rapport à l'atténuation des émissions. C'est là aussi une demande forte des pays les plus vulnérables qui ont obtenu une recapitalisation du Fonds d'adaptation au changement climatique à hauteur de 100 millions de dollars grâce à l'engagement des Européens.
L'Allemagne versera ainsi 30 millions d'euros et la France, 5 millions. Les pays du sud n'ont en revanche pas réussi à imposer une date et un montant – ils souhaitaient 20 milliards- pour une première levée de fonds destinée à ce Fonds vert.
La création de ce mécanisme a suscité des affrontements jusqu'au dernier moment, les pays industrialisés ayant fixé comme ligne rouge que cela ne conduise pas à la création d'une nouvelle institution. La formule finale reste assez floue pour ne pas préjuger de l'avenir.
Ce "mécanisme" aura notamment pour ambition de coordonner tous les dispositifs d'intervention dans les situations d'évènements climatiques extrêmes et rassembler toutes les connaissances sur les moyens d'y faire face. Il jouera aussi un rôle de conseil auprès des pays les plus vulnérables.
Les trajectoires d'émissions actuelles conduisent sur la voie d'un réchauffement plus proche de 4°C que de 2°C. Et une majorité de pays ne tiennent pas les engagements de réduction qu'ils avaient promis en 2009 à Copenhague, comme le montre l'étude de Carbon Action Tracker publiée cette semaine.
L'effort des pays industrialisés n'atteint pas 20 % de réduction des émissions d'ici 2020 alors que les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat préconisent une fourchette comprise entre 25 % et 40 %, n'ont pas manqué de rappeler les pays en développement. Ceux-ci ont accusé les pays riches de vouloir transférer le fardeau de la lutte contre le changement climatique sur leurs épaules dans le cadre du futur.
Le compromis de Varsovie consacre plusieurs paragraphes à cette question de "l'ambition" qui sera centrale dans les discussions à venir. Il presse les pays développés mais aussi dans la mesure de leurs moyens, les pays en développement d'agir dans ce sens. Sans être cependant parvenu à aboutir sur quelque chose de concret comme aurait pu l'être par exemples l'élimination des gaz HFC utilisés dans l'industrie du froid. L'inde qui en produit beaucoup et l'Arabie saoudite qui en a besoin pour ses systèmes de climatisation s'y sont opposés.
SOURCE : LeMonde