Partie réelle
Le 16 août 2005, un avion-poubelle colombien de la West-Caribbean Airlines s’écrasait dans la jungle vénézuélienne avec 152 de nos compatriotes à son bord. Cette compagnie, aujourd’hui fermée, avait pour principaux actionnaires des officiers de l’armée colombienne, notamment trois généraux dont l’identité est parfaitement connue.
Un reportage d’ENVOYE SPECIAL a montré, quelques semaines plus tard,
qu’au mépris des règles les plus élémentaires de la sécurité aérienne,
cette compagnie s’approvisionnait en pièces de rechange trafiquées ou
vendues au marché noir, pièces qui ont pour effet de détériorer l’état
de navigabilité des appareils qui les utilisent.
Si la West-Caribbean Airlines s’est intéressée à la Martinique et à la Guadeloupe, c’est bien évidemment à cause de l’euro, monnaie plus forte que le dollar, en circulation dans nos pays. En bref, des généraux colombiens s’en sont mis plein les poches en faisant leurs avions-poubelles profiter de l’aubaine, avions auxquelles ils imposaient des rotations absolument démentielles par rapport à l’âge des appareils. Dans la même journée, ces derniers pouvaient, en effet, rallier Panama deux fois à partir du Lamentin ou de Pointe-à-Pitre, décollant à des heures impossibles (4h du matin par exemple) afin d’éviter les contrôles de l’Aviation Civile française. Le McConnell Douglas MD-B2 en cause dans le crash qui a coûté la vie à nos compatriotes avait, par exemple, avait effectué 11 rotations en seulement 20h de vol. Proprement démentiel quand on sait que cet appareil avait près de 30 ans d’âge !
Ce sont ces mêmes généraux qui, grâce à un renseignement américain, ont repéré le téléphone satellitaire du n° 2 des FARC, Raul Reyes, et ont bombardé le camp dans lequel il se trouvait avec ses compagnons alors même que ledit camp se trouvait en territoire étranger, équatorien plus précisément. Evidemment, ni les Etats-Unis ni l’Europe n’ont condamné cette violation flagrante de la souveraineté nationale de l’Equateur, eux si prompts à dénoncer, dans le même cas,
Je répète : des généraux, actionnaires de la West-Caribbean Airlines et donc responsables de la mort cruelle de 152 de nos compatriotes, ont ordonné la destruction du camp des FARC en Equateur, sans doute grâce à une trahison des services secrets européens qui négociaient depuis plusieurs semaines la libération d’Ingrid Betancourt avec Raul Reyes.
Là où il y a scandale, c’est que jamais
Et qu’on ne vienne pas me dire que ce n’est pas la même chose ! Faire mettre une bombe dans un avion de ligne et faire voler un avion de ligne dont on sait pertinemment qu’il est un cercueil volant revient exactement au même. Je n’exagère pas : l’Aviation Civile Colombienne elle-même avait épinglé
Oui, cela revient exactement au même car à l’arrivée, ce sont des cadavres par centaines ! Dans les deux cas, il s’agit de terrorisme. Nos 152 compatriotes ont donc été victimes du terrorisme d’état pratiqué en Colombie, terrorisme qui s’exerce d’ailleurs à l’encontre du peuple colombien, et notamment des Noirs. Le fait que Martiniquais et Guadeloupéens soient majoritairement noirs ne compte pas pour rien dans le mépris de
Dans ce vaste pays, il y a deux populations noires différentes et vivant très loin l’une de l’autre géographiquement : les Noirs de la côte caraïbe ou « costenos », presque tous métissés, disposant d’une culture « criolla » (créole) assez semblable à la nôtre, qui subissent une forme de paternalisme ; les Noirs de la province du Chaco, sur la côte pacifique du pays, qui ont gardé un mode de vie très africain et qui subissent un racisme violent de la part des « Blancs » qui règnent à Bogota. Ces généraux colombiens font donc partie de cette minuscule élite pseudo-blanche, qui se prétend descendante directe des Espagnols, et dont le mépris à l’endroit des « morenos », « negros », « pardos » et autres « zambos » est proprement hallucinante.
C’est elle qui traite Hugo Chavez de « mono » (singe) parce qu’il est métis et Evo Morales de « sauvage » parce qu’il est amérindien. C’est aussi à cette élite, pire que son alter ego des Etats-Unis (qui, elle au moins, a mauvaise conscience), qu’appartient l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa lequel dans une chronique virulente publiée dans le quotidien espagnol « El Pais », suite à l’altercation entre le roi d’Espagne Juan Carlos et Hugo Chavez (altercation au cours de laquelle Sa Majesté a lancé publiquement au Singe « Ferme ta gueule ! »), s’est indigné que l’Amérique du Sud soit désormais dirigée par des « non-civilisés ».
L’Espagne civilisée ? Laissez-moi rire ! Ou plutôt relisons ces mots de Las Casas :
« Lorsque les Espagnols entraient dans les villages indiens, ils immolaient à leur rage, les vieillards, les enfants et les femmes, n’épargnant même pas celles qui étaient enceintes ou qui venaient d’accoucher : ils leur ouvraient le ventre à coups de lances ou d’épées. Ils égorgeaient le peuple comme un troupeau de moutons dans un parc, et pariaient à qui couperait le mieux un homme en deux d’un coup de taille, ou à qui enlèverait le plus adroitement ses entrailles. Ils arrachaient les enfants du sein de leurs mères, et les prenant par une jambe, ils leurs écrasaient la tête sur une pierre ou les plongeaient dans le ruisseau le plus voisin pour les noyer, en leur disant : « C’est pour vous rafraîchir ! ».
Pour en revenir au crash, avez-vous remarqué comment la Colombie du « chiot de l’Empire américain » qu’est Uribe, s’en est lavée les mains ? Avez-vous remarqué qu’alors même que l’avion, pourtant colombien, est tombé, certes en territoire vénézuélien, mais à quelques dizaines de kilomètres de la frontière colombienne, au lieu-dit La Cucharita très exactement, l’état colombien n’a dépêché sur place aucune équipe de secours ? Avez-vous remarqué que lors de la cérémonie de deuil de Dillon, Uribe n’avait dépêché aucun représentant et que deux jours après, une sous-ministre de la culture colombienne est venue déposer une gerbe au pied de la stèle, expliquant hypocritement qu’elle n’avait pas pu gagner la Martinique à temps ?
Partie fictionnelle
(Ce qui suit est de la pure fiction. Comme on sait, les écrivains ont le droit absolu à l’imagination. Le poète Paul Eluard n’écrivait-il pas que « la lune est bleue comme une orange » ? Et puis, les Martiniquais sont trop gentils garçons pour faire ce qui va être dit…)
Puisque l’Etat français se moque de ses devoirs régaliens envers la Martinique et ne s’est jamais préoccupée de demander des comptes aux généraux actionnaires de la West-Caribbean Airlines, c’est donc à nous de le faire. Quand je dis « nous », je ne pense pas à nos familles endeuillées, écrasées par leur douleur et qui n’ont toujours pas obtenu réparation. Je ne pense même pas à nos hommes politiques empêtrés dans leurs compromis et compromissions avec l’Etat français.
Quand je dis « nous », je parle de n’importe quel Martiniquais.
Après l’attentat de Septembre Noir aux Jeux Olympiques de Munich, en 1972, les frères, parents, amis et alliés des victimes ont mis deux ans, trois ans, cinq ans, avant de retrouver les terroristes l’un après l’autre les pour leur régler leur compte et cela jusqu’au dernier puisque aucune instance internationale ne s’était préoccupée de le faire. Il y a 500.000 Martiniquais qui vivent en France. Beaucoup travaillent à ADP (Aéroport de Paris), à la douane, à la police, à la Poste, dans l’hôtellerie. Ils ont tout à fait les moyens de savoir qui voyage, qui arrive et qui repart. Nous mêmes qui vivons au pays, nous voyageons souvent à travers la Caraïbe et En Europe, et nous avons, nous aussi, les moyens de le savoir.
Ces généraux colombiens qui ont froidement assassiné 152 de nos frères viennent fréquemment faire leur shopping à Paris pour acheter des robes Christian Dior à leurs femmes et maîtresses. On sait quelles boutiques des Champs Elysées ils fréquentent. On sait dans quel hôtel 5 étoiles ils résident. On sait dans quels restaurants de luxe ils dînent et dans quels cabarets, ils se rincent l’œil.
En Colombie même, on sait que deux d’entre eux habitent le quartier huppé de Rosales-Nobral-Cabrera à Bogota, secteur où un appartement F4 coûte 1 million de dollars, et le troisième la ville de Medellin.
« Nous » le savons…
Et, mes chers amis, un petit coup de Las Casas avant de finir ? Voici :
« Un chasseur espagnol en parcourant les bois vit que ses chiens avaient faim : il se saisit d’un petit Indien qui le suivait pour l’aider, lui coupa les bras et les donna à manger à ses dogues. »
(Un ami anglophone (jamaïcain) à qui j’ai transmis ce texte et qui n’est pas très sûr de son français m’a demandé ce que j’entendais par « gentils garçons ». Je lui ai répondu : « Gentil garçon : personne à qui on crache à la gueule et qui dit merci »)