Frondeurs, les maires de France ? On a pu le penser ces derniers jours, au vu des tirs nourris d'élus de droite et du centre contre la réforme des rythmes scolaires. Qu'ils appellent au "boycott" de la "réforme Peillon", à son "abrogation",à sa "suspension" ou plus simplement à son "report", tous ont avancé, en guise de justification, le coût que fait erséqunaphçules communes le retour à la semaine de 4,5 jours d'école.
L'enquête que l'Association des maires de France (AMF), réunie en congrès jusqu'au 21 novembre, a diligenté auprès des 4 000 communes ayant changé de rythmes à la rentrée, prétend dépolitiser le débat. Elle révèle notamment que 83 % des maires sont satisfaits de la mise en place de la réforme. Les difficultés existent, mais elles ne sont pas insurmontables – et pas là où les attendait.
Pour un peu plus d'une commune sur deux, la dépense serait inférieure ou égale à 150 euros par enfant et par an – soit le "coût médian" communément admis par les associations d'élus pour organiser trois heures d'activités périscolaires en plus, chaque semaine. Cette somme est comprise entre 101 et 150 euros pour "près de 40 %" des municipalités, peut-on lire dans le compte-rendu de l'enquête, et en deçà de 100 euros pour "moins de 15 %".
"TROP TÔT POUR CHIFFRER LE COÛT"
Cela n'exclut pas, pour d'autres, des dépenses plus importantes : un quart des communes se situent dans la "fourchette" 151-200 euros, 15 % ont dépensé entre 201 et 300 euros, 10 % plus de 300 euros… Il n'empêche : pour près de 55 % des répondants, les sommes investies au titre de la réforme sont couvertes, en totalité ou pour les deux tiers, par l'aide apportée par l'Etat (de 50 à 90 euros par enfant et par an) et par les Caisses d'allocations familiales (53 euros).
De quoi nuancer fortement, sans les démentir pour autant, les estimations lâchées dans la presse par certains élus UMP réticents à appliquer la réforme à la rentrée 2014. Quelque 350 euros par enfant et par an selon Jean-Michel Fourgous, maire d'Elancourt (Yvelines) et animateur d'un "collectif" d'une cinquantaine d'édiles hostiles aux nouveaux rythmes. De 20 à 25 millions d'euros annuels rien qu'à Marseille, d'après son maire Jean-Claude Gaudin. 5 millions d'euros à Nice, selon Christian Estrosi…
Ces chiffres ont été accueillis avec prudence par l'AMF. "Seulement deux tiers des 1 100 communes ayant répondu à notre questionnaire ont été en mesure de renseigner cette question", soulignent les analystes de l'association. "Il est encore trop tôt, selon elles, pour chiffrer le coût de la réforme avec précision. Beaucoup, aussi, se sont contentées d'avancer un ordre de grandeur…" Une large majorité (77 %) témoigne en revanche de difficultés à dégager le budget adéquat, seulement un petit quart affirmant avoir financé "sans difficulté" la réforme des rythmes.
SATISFACTION MASSIVE
Et pourtant, elles sont plus de huit sur dix à se dire satisfaites de sa mise en œuvre – 60 % "plutôt satisfaites", 23 % "tout à fait". Si le degré de satisfaction n'atteint pas le niveau record avancé par le ministère de l'éducation – 93,5 % ! –, il n'en demeure pas moins massif. "Les maires qui ont déjà sauté le pas sont, sans surprise, moins angoissés que ceux qui doivent encore le faire, alors que les élections municipales se profilent", analyse-t-on à l'AMF.
Contrairement aux idées reçues, les difficultés de recrutement auxquelles se disent confrontés près de quatre élus sur dix s'accroissent avec la taille des communes. Elles concernent les trois quarts des villes de plus de 30 000 habitants, contre un tiers des communes rurales. Une "bonne surprise" que l'association tient à relativiser : "Si les maires ruraux n'ont pas autant de mal que prévu à recruter des animateurs cette année, c'est qu'ils sont minoritaires à avoir sauté le pas, mais l'an prochain, ils risquent de se les disputer…"
Autre résultat peu attendu, la participation des enseignants – relative, mais avérée – aux ateliers périscolaires. On les a parfois caricaturés en un bloc monolithique hostile au changement de rythmes, ils prêtent en réalité main-forte dans 20 % des communes – et dans 55 % de celles de plus de 30 000 habitants. Pourtant, nombre d'édiles déclarent que la "résistance" des enseignants à la réforme accentue leurs difficultés.
DIFFICULTÉS EN MATERNELLE
Côté élèves, en dépit de l'inquiétude relayée par bien des parents, la participation aux ateliers est massive : une commune sur deux déclare un taux de fréquentation de plus de 85 %, près des trois quarts au-delà de 70 %. C'est dans les zones rurales, celles qui sont les moins bien pourvues en infrastructures et en personnels dédiés à l'animation, que la fréquentation apparaît la plus élevée.
L'enquête confirme les difficultés et dysfonctionnements que l'on pouvait observer sur le terrain, sans pouvoir précisément les chiffrer. La maternelle, "point noir" de la réforme pour les enseignants, l'est également pour les élus. Ceux-ci font part de "difficultés à structurer les après-midi et à proposer des activités", même s'ils ne sont que 9 % à ne pas proposer d'ateliers aux 3-6 ans, 13 % à les réserver aux grandes sections. "Les plus petits ont moins d'autonomie et réclament plus de personnels d'encadrement", témoigne Bernard Weisbecker, maire (EELV) de Leffrinckoucke (Nord). Seule une commune sur cinq est parvenue à différencier les horaires en maternelle et élémentaire.
Autre obstacle à surmonter, la question de la taille des locaux qui pose massivement problème, puisqu'une commune sur deux se dit concernée. Et ce même si, dans les deux tiers des cas, les enseignants auraient accepté d'ouvrir leurs salles de classe.
Esquivant la principale revendication portée par l'AMF – un "financement pérenne" de la réforme –, le premier ministre Jean-Marc Ayrault a rappelé aux élus, mardi 19 novembre, que la seule façon valable d'aborder la réforme c'est "en ayant en tête l'intérêt de l'enfant". Les élus ont le sentiment que l'Etat leur a "refilé" la responsabilité de sa réforme. A eux d'assumer
SOURCE : LeMonde