EGYPTE : FACE A LA CONTESTATION, MOUBARAK COUPE L'ACCES A INTERNET.

Comment contourner la censure en Egypte ?

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Face à la montée de la contestation, Moubarak a décidé de couper l'accès à Internet. Les internautes égyptiens cherchent désormais à contourner la censure. PHOTO : - Modem 56K CC Flickr CC by Markusram.

 

Depuis le jeudi 27 janvier 22h30, la majeure partie de l'Internet égyptien ne répond plus. Après avoir bloqué mardi l'accès aux réseaux sociaux (Twitter, Facebook), l'État Égyptien a tout simplement décidé la coupure quasi-totale du réseau à l'intérieur du pays (voir ce visuel assez évocateur).



Comment les autorités égyptiennes sont-elles parvenues à établir cette censure? Peut-elle être contournée ?


 Jusqu'à présent, l'État égyptien s'était contenté de méthodes de filtrage classique empêchant l'accès aux réseaux sociaux, qui servaient aux manifestants pour s'organiser et cordonner leurs manifestations. Mais ce filtrage était imparfait, si le site public de Twitter ou Facebook était bien inaccessible, les applications sur téléphones mobiles notamment continuaient de permettre d'y accéder.

En prévention de la journée test de ce vendredi 28 janvier, le gouvernement a donc décidé d'aller beaucoup plus loin en interdisant aux quatre principaux fournisseurs d'accès (FAI) d'établir des connexions à l'intérieur ou à l'extérieur du pays. Alors qu'en France, nous comptons une centaine d'opérateurs, en Egypte, ces quatre opérateurs privés bénéficient du quasi-monopole sur le trafic internet. Entièrement soumis à l'exécutif, ils n'ont opposé aucune résistance à la requête d'Hosni Moubarak, plongeant ainsi dans le noir la grande majorité des internautes égyptiens.

Quasiment «historique», selon Benjamin Bayart, président de la French Data Network, un des fournisseurs d'accès historiques français, puisque contrairement à la Tunisie où Internet avait été coupé pour les particuliers mais restaient accessible pour les entreprises, ou en Iran, où le gouvernement avait joué sur le ralentissement du débit pour en limiter l'utilisation Là, le «blackout» toucherait 88% de l'internet égyptien. Unique exception : le fournisseur d'accès (le Groupe Noor) hébergeant le site de la bourse égyptienne aurait échappé à la censure. Seule la Birmanie avait osé aller aussi loin jusqu'à présent.

Comment le gouvernement égyptien a procédé? En ordonnant aux fournisseurs d'accès d'interrompre l'accès aux protocole BGP (Border Gateway Protocol) et DNS. Pour faire simple, l'Internet égyptien n'émet plus d'adresse IP et n'a plus de «routes» pour accéder à Internet. Les ordinateurs sont reliés physiquement à Internet puisqu'il n'y a pas eu de destruction matérielle mais les IP ne répondent plus, les routeurs internationaux sont coupés. 3500 routes ont été ainsi retirées sans laisser de chemin valide. Un peu comme si on avait supprimé tous les panneaux d’indications d’un système routier.

Les autorités égyptiennes ont également suspendu les réseaux de téléphonie mobile.

Mais si le réseau haut-débit ne répond plus, il reste cependant le bon vieux réseau analogique de liaison radio amateur qui peut permettre de contourner partiellement cette censure. La situation est assez similaire à celle des résistants pendant la seconde guerre mondiale, la problématique de communication et les risques sont les mêmes, à savoir que ce type de radio sont très facilement localisables pour la police. Telecomix, un groupe d'hacktivistes suédois multiplie ainsi les passerelles afin «d'acheminer les IP» des Egyptiens qui utilisent ce genre de radio amateurs.

Le gouvernement n'ayant pas encore osé éteindre l'intégralité du réseau téléphonique, avec une ligne fixe et un modem 56k, les Egyptiens peuvent aussi accéder au web. Notamment grâce à FDN, qui vient de lancer un réseau téléphonique commuté permettant aux Egyptiens capables de joindre la France par téléphone, d'accéder à Internet. Malheureusement, la bande passante reste très limitée.

Enfin pour les journalistes et les élites du pays, il reste le réseau satellitaire mais qui demeure trop onéreux pour représenter une véritable solution alternative.

Ce black-out de l’Egypte sur elle-même représente une solution d'urgence qui aura de toute manière dû mal à être soutenu sur le long terme. La Birmanie avait réussi à le maintenir durant deux semaines mais n'avait pas les mêmes besoins politico-économiques que l'Egypte. Internet est tellement intégré la société et à l'économie égyptienne que les pertes seront considérables. Si le groupe Noor qui héberge la bourse égyptienne a été épargné, des hackers parlaient aujourd'hui de lancer des attaques DDOS afin de le faire tomber.

Les autorités devront aussi mesurer que si l’Internet représente un contre-pouvoir au régime tunisien, il est aussi une soupape de sécurité. Nul doute que la censure des réseaux risque de faire monter un peu plus le niveau d'exaspération de la société. 

David Doucet