Claude Guéant en déplacement en Martinique et en Guadeloupe ce week-end, Marine Le Pen à la Réunion la semaine précédente, Nicolas Sarkozy en Guyane fin janvier, une semaine après la tournée de François Hollande aux Antilles, qui prévoit un déplacement en mars à la Réunion et à Mayotte ... À mesure que le premier tour approche, les candidats à la présidentielle, présumés ou déclarés, multiplient les déplacements dans les départements (DOM) et les collectivités (COM) d'Outre-mer (voir encadré). Passage obligé dans la course à l'investiture suprême, l'Outre-mer représente un vivier de voix non négligeable.
• Près de 3 millions d'électeurs
Selon les inscriptions sur les listes électorales en 2009, les ultramarins, répartis sur onze territoires, représentent plus de 1,6 million d'électeurs. Le poids électoral de chaque département et communauté d'Outre-mer varie sensiblement. Ainsi, la Réunion, département ultramarin le plus peuplé, dispose de 540.000 électeurs. Guadeloupe et Martinique comptent près de 300.000 électeurs chacune, contre 177.000 pour la Polynésie ou 154.000 pour la Nouvelle-Calédonie. À Saint -Pierre et Miquelon, ils sont près de 5000 à être inscrits sur les listes.
À ces chiffres doivent s'ajouter le plus d'un million de personnes originaires des DOM et COM installés en métropole. Les attaches avec le territoire d'origine sont fortes, puisque selon une étude de l'Insee parue mercredi, un tiers d'entre eux sont nés dans un département d'Outre-mer, essentiellement aux Antilles et à la Réunion. Leur vote peut donc être influencé par le programme des candidats pour ces régions.
Au total, la population d'Outre-mer, diaspora comprise, représente plus de 7% du corps électoral. Le poids de cet électorat n'est donc pas négligeable, surtout si une élection s'annonce serrée. En 2002, «la différence entre Jospin et Jean-Marie Le Pen était de 200.000 voix. On s'est rendu compte que chaque voix compte, et celles des Outre-mer aussi», explique à l'AFP Frédéric Régent, historien à Paris IV Panthéon-Sorbonne. Par leur poids démographique, «la Réunion est incontournable, les Antilles aussi - et on ne peut pas aller en Guadeloupe sans aller en Martinique. La Guyane, ils y poussent leur voyage s'ils ont le temps et s'ils sont vaccinés contre la fièvre jaune».
Un autre détail de poids explique l'intérêt des politiques pour les voix d'Outre-mer. Jusqu'en 2007, les ultramarins votaient tous le dimanche. Mais, décalage horaire oblige, la plupart de ces territoires accédaient aux bureaux de vote alors que les résultats de la présidentielle étaient déjà proclamés à Paris ... De quoi les dissuader d'aller voter. Pour règler ce problème, les habitants de Polynésie, des Antilles, de Guyane, et de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre et Miquelon votent désormais avec un jour d'avance, le samedi.
• Un vote différencié selon les territoires
L'examen des résultats de l'élection présidentielle de 2007 dans les DOM et les COM montre qu'il n'existe pas un vote ultramarin monolithique. Ségolène Royal a ainsi obtenu d'excellents scores à la Martinique (60,52%), à la Réunion (63,57%), à Saint-Pierre et Miquelon (60,86%) et à Mayotte (60,04%), tandis que Nicolas Sarkozy obtennait 62,98% des voix en Nouvelle-Calédonie. Les résultats dans les autres territoires étaient eux beaucoup plus serrés, avec un avantage pour Nicolas Sarkozy, sauf à la Guadeloupe.
Les mêmes tendances se retrouvent lors de l'élection de 1995. Lionel Jospin recueillait 58% des voix en Martinique, 56% à la Réunion, et 55% en Guadeloupe, alors que Jacques Chirac emportaient 57% des votes en Guyane.
Néanmoins, eu égard au poids démographique de la Réunion et des Antilles, le vote ultramarin est quantitativement porté vers la gauche. Si l'on agrège les résultats de la présidentielle de 2007 dans tous les DOM et COM, Ségolène Royal obtenait 55,67% des voix, contre 47% à l'échelle nationale. Autre spécificité de ces territoires, le vote Front national est très bas par rapport à la métropole, avec en moyenne 5% des voix.
• Des problématiques spécifiques à l'Outre-mer
Statistiquement, François Hollande a donc de très bonnes chances de remporter les voix de l'Outre-mer. «Il bénéficie d'un contexte favorable à la gauche dans cette élection marquée par la crise économique et le chômage qui touche en moyenne 20 % de la population dans les DOM», estime auprès de France24 Bruno Jeanbart, directeur des études politiques chez Opinion Way.
L'Outre-mer souffre en effet de deux maux: un chômage endémique, notamment chez les jeunes (près de 60% en Guadeloupe), et la cherté de la vie, qui avait donné lieu à d'importants mouvements sociaux en 2009. Selon une étude de l'Insee datant de 2010, les produits alimentaires coûtent en effet jusqu'à 40% plus chers en Guyane, et près de 30% plus chers en Martinique par rapport à la métropole. Or, si le gouvernement a lancé des états généraux de l'Outre-mer après les grèves de 2009, de l'avis général, rien n'a vraiment changé depuis. Résultat, «il y a un ras-le-bol de Sarkozy, notamment aux Antilles et à La Réunion», note Bruno Jeanbart.
Les DOM et les COM
Les départements d'Outre-mer comprennent la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion, et depuis 2011 Mayotte. Ils ont les mêmes droits et devoirs que n'importe quel autre département français.
Les collectivités d'Outre-mer disposent elles de plus d'autonomie par rapport à la métropole, notamment au niveau fiscal, et ne sont pas toujours concernées par les lois votées dans l'Hexagone. Saint-Pierre et Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Barthélemy et Saint-Martin font parties des COM.
La Polynésie française est depuis 2004 un «pays d'Outre-mer au sein de la République». Quant à la Nouvelle-Calédonie, elle bénéficie du statut de «collectivités sui generis» en attendant le résultat de son référendum d'autodétermination prévu en 2014: elle pourrait alors voter son indépendance.
SOURCE : Le Figaro