Élections indiennes

mawayati.jpgMayawati, reine des intouchables et futur Premier ministre ?

Héroïne des pauvres et présidente du Bahujan Samaj Party, lequel vient de fêter ses 25 ans, Mayawati Kumari est devenue une figure incontournable de la politique indienne. Forte de sa popularité dans sa base d’Uttar Pradesh elle tente désormais de donner une dimension nationale à son parti, grande inconnue de ces élections.

 

 

Son charisme et sa détermination sont incontestables, son ascension politique, un conte de fée. Partie du bas de l'échelle sociale pour atteindre les hautes sphères du pays, Mayawati Kumari symbolise à la fois le triomphe de la démocratie indienne et l'opportunisme qui régit le système politique du sous-continent. Réélue pour la quatrième fois, en 2007, à la tête du gouvernement d'Uttar Pradesh, elle compte désormais peser de tout son poids sur ces élections avec son Bahujan Samaj Party (BSP) qu'elle dirige de manière quasi-autocratique.

"Rien ne m'empêchera de devenir Premier ministre", affirmait-elle l'été dernier dans un entretien à l'hebdomadaire India Today sur la couverture duquel elle trônait, installée dans un large fauteuil. Puis Mayawati avait fait son entrée dans le classement des "femmes les plus puissantes du monde" du magazine Forbes, à la 59ème place.

 
Dans son dernier numéro, le magazine Newsweek a fait sa Une sur la leader Dalit, la qualifiant d' "anti-Obama" dénonçant sa politique "démagogique de lutte des classes". Mayawati partage cependant avec l'actuel président américain une ascension inespérée.

Née dans le village de Badalpur il y a 53 ans, avant d'emménager dans un bidonville de New Delhi, Mayawati est avant tout issue d'une famille dalit ou "intouchable". Après des études de Droit, elle travaille en tant qu'institutrice, puis rejoint le Bahujan Samaj Party (BSP), parti naissant fondé par Kanshi Ram en 1984 et dédié à la mobilisation des dalits. Repérée par ce dernier qui devient rapidement son mentor, elle lui succède bientôt à la tête du parti. Elle n'a que 39 ans lorsqu'elle remporte les élections en Uttar Pradesh en 1995, une victoire historique pour une intouchable.

Mayawati a depuis été contrainte de faire des compromis pour rester aux commandes dans son état. "Elle a intégré des Brahmans, des musulmans, des représentants de castes intermédiaires à son gouvernement, considérant que c'est une nécessité pour obtenir et conserver une partie du pouvoir", explique Gilles Vernier, chercheur à l'Institut Politique de Paris et spécialiste de l'Uttar Pradesh.

Ambitieuse, Mayawati adopte une stratégie politique purement pragmatique et n'hésite pas à courtiser, s'allier avec tel parti, quitte à le lâcher ensuite. Ainsi, après s'être alliée au parti du Congrès, elle s'est par deux fois fait élire à la tête de l'Uttar Pradesh grâce au Bharatiya Janata Party (BJP-nationaliste hindou), qui sert pourtant les intérêts des hautes castes.

Vaniteuse aussi, elle fait construire des statues d'éléphants grandeur nature car c'est le symbole de son parti mais aussi de Kanshi Ram, de l'emblématique leader dalit Ambedkar et...d'elle même. Mayawati, dont les gâteaux d'anniversaire géants sont désormais célèbres en Inde, aurait également 72 propriétés et plus de cinquante comptes en banque à son nom. En 2007, elle a payé plus de 4 millions d'euros d'impôts, selon des sources officielles. Malgré ses goûts de luxe, la popularité de Mayawati auprès des intouchables ne faiblit pas pour autant. "Son succès est perçu comme un signe d'assertion, d'encouragement pour les dalits", explique Gilles Vernier.

Sous l'impulsion de son chef, le BSP tente depuis plusieurs années d'étendre son influence au-delà des frontières d'Uttar Pradesh, un des états clés de ces élections avec 80 sièges au Parlement. Pendant la campagne électorale, Mayawati a sillonné le pays, organisant plus de 150 rassemblements dans de nombreux états d'Inde. Preuve que le BSP nourri des ambitions nationales sérieuses, le parti présente cette année 500 candidats aux élections législatives contre 400 pour le parti du Congrès et 430 pour le BJP.


Si le manque de viabilité du parti de Mayawati, qui au-delà de la défense des dalits n'a aucun programme clair, est souvent souligné cette dernière vit actuellement son heure de gloire. Le Troisième Front, la coalition que tentent d'ériger les communistes, alternative aux deux principales menées par le Congrès et le BJP, aimerait accueillir le BSP. Mayawati semble cependant attendre le moment opportun pour choisir ses alliés et se rendre indispensable à la formation du nouveau gouvernement. Reste à savoir si elle sera en position de le diriger et pour combien de temps.