ENSEIGNEMENT - SUPPRESSIONS DE POSTES 2011 : L'ACADEMIE DE MARTINIQUE, PRINCIPALE VICTIME

L'école et le collège, principales victimes des réductions de postes

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A la rentrée 2011, les effectifs enseignants vont fondre dans toutes les académies métropolitaines. Collèges et écoles vont subir les 16 000 suppressions de postes prévues au budget 2011. Depuis 2007, 66 000 postes ont disparu.



Jusque-là, une mauvaise anticipation du nombre de départs en retraite avait préservé l'école primaire, y laissant plus d'enseignants que les calculs ministériels ne le prévoyaient. Dans le second degré, même si les remplacements d'enseignants absents devenaient très aléatoires, les gains de postes restaient presque invisibles. Cette fois, le nombre d'élèves par classe devrait remonter. Tout un symbole.

Dans le premier degré, des classes seront fermées puisqu'on attend 8 900 nouveaux élèves et que 8 967 postes d'enseignants disparaissent. Dans le secondaire, 48 500 élèves supplémentaires sont attendus et il faudra faire avec 4 800 postes de moins. C'est essentiellement le collège qui sera ponctionné puisque le ministre Luc Chatel a promis des moyens constants pour installer sa réforme du lycée général. Alors que le groupe des élèves qui ne maîtrisent ni la lecture ni les mathématiques ne cesse de croître, ce sont les classes durant lesquelles se réalisent ces apprentissages de base qui vont être les plus touchées.

La répartition académique de l'effort vient d'être dévoilée. En février, chaque département connaîtra son contingent de profs et, en mars, chaque établissement. Syndicats et parents manifesteront le 22 janvier.

L'école primaire à laquelle la France consacre déjà 15 % de moins que la moyenne des pays de l'OCDE va voir diminuer encore un peu la scolarisation des moins de 3 ans, une partie des enseignants qui travaillaient sur les réseaux d'aide va être rapatriée dans les classes ainsi que tous les enseignants de langues vivantes.

Dans l'enseignement primaire, c'est l'académie de Lille qui, avec 336 postes en moins sur 20 938, subit en valeur absolue le plus de pertes, suivie par l'académie de Nancy-Metz avec 298 suppressions sur 12 243. Les documents ministériels indiquent cependant qu'une baisse des effectifs d'écoliers est attendue dans deux académies à la prochaine rentrée.

Ce qui n'est pas le cas sur tout le territoire. A la hausse des effectifs prévue pour la rentrée, l'entourage de Luc Chatel, le ministre de l'éducation, rétorque que le phénomène ne sera pas durable. "On aura quoi qu'il arrive une baisse du nombre d'élèves dans le premier degré ces prochaines années."

D'autre part, l'argumentaire ministériel insiste sur le fait que les coupes actuelles concernent "des surnombres accumulés ces dernières années" et "des enseignants qui ne sont pas devant les élèves, sauf de manière épisodique".

Ce à quoi les syndicats rétorquent que, d'une part, les maîtres en surnombre ont bel et bien été employés et que dans son savant calcul le ministère oublie de dire qu'outre les 5 600 postes en surnombre, il s'attaque aussi à 3 367 postes d'enseignants qui eux assuraient bien des enseignements.

Face à un tel bilan, le SNUipp-FSU, principal syndicat du primaire, dénonce une "asphyxie de l'école", alors même que le crédit de l'école primaire n'est plus aussi haut dans l'opinion publique et que les enseignants se battent au quotidien pour laisser le moins d'enfants sur le bord de la route. "Pour la première fois depuis plus de vingt ans, cette coupe claire historique se traduirait par une baisse du nombre d'enseignants devant les élèves. Dans les départements, seule la règle à soustraction fonctionnera", se désole le secrétaire général du Snu-ipp, Sébastien Sihr.

Dans l'enseignement secondaire (collèges et lycées), les académies les plus touchées en valeur absolue sont celles de Versailles (493 postes supprimés) Lille (470 postes), Créteil (426 postes) et Nancy-Metz (524 postes). Des grosses académies. En proportion, celles qui perdent le plus de postes sont la Martinique (moins 3,9 %) et Nancy-Metz (3,4 %). Le ministère justifie ces mesures par la baisse démographique dans ces deux académies, de même qu'il justifie par l'augmentation attendue des effectifs d'élèves les augmentations de postes en Guyane et, pour le seul secondaire, dans certaines collectivités d'outre-mer.

Cependant, des hausses du nombre d'élèves sont également attendues dans les académies de Lille et de Créteil, qui subissent respectivement une perte de 1,8 % et de 1,5 % de leurs postes. Pour le Snes-FSU, le plus puissant syndicat dans les lycées et collèges, "les suppressions porteront cette année sur des postes devant les élèves", et cela "au moment où le ministère annonce une augmentation des effectifs dans le second degré public de 48 500 élèves".

Ce nouveau coup de rabot n'est pas une surprise : le projet de loi de finances pour 2011, adopté le 15 décembre par le Parlement, avait confirmé la suppression de 16 000 équivalents temps plein (ETP), toujours en application de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite.

Ce qui change, c'est la procédure adoptée. Cette fois, le ministère ne gère pas ces coupes depuis la Rue de Grenelle. Il s'en remet aux recteurs, qui lui-même travaille avec ses inspecteurs. "Il n'y aura aucun cumul des remontées des recteurs" donnant à voir le nombre de suppressions de postes "par catégorie" au niveau national, avait prévenu Luc Chatel, au printemps. "Les grandes lignes des gisements d'efficience ne seront pas connues", insistait-il. "Je ne veux pas de statistiques nationales qui diraient "voilà, on a trouvé tel gisement dans telle académie"", avait-il alors souligné.

En revanche, le ministre croit dans l'échange d'expériences. En clair, il aimerait utiliser pour récupérer des postes une mutualisation qui a bien du mal à voir le jour en ce qui concerne les bonnes pratiques pédagogiques.

En juin, Luc Chatel affichait une grande sérénité, confiant "ne pas être inquiet" sur la capacité du système à digérer cette nouvelle vague de coupes. "Il y a de la marge", ajoutait encore son entourage en septembre.

Côté syndical, la colère monte. Le 22 janvier 2011, pour protester contre ce "budget de pénurie", une journée nationale de mobilisation est prévue à l'initiative du collectif L'éducation est notre avenir, qui rassemble 25 organisations dont la quasi-totalité des syndicats d'enseignants et la plus grosse fédération de parents. Cette journée ne se traduira pas forcément par des grèves mais "prendra des formes variées dans les départements".

Reste que le mécontentement pourrait s'échelonner sur une partie du printemps puisque certains départements, élections cantonales obligent, ne connaîtront la répartition des coupes qu'après le scrutin.

Maryline Baumard in LeMonde.fr