L'armée équatorienne a pris d'assaut, tard jeudi soir, l'hôpital de Quito où était réfugié Rafael Correa, lui permettant d'en sortir pour regagner le palais présidentiel. Correa était encerclé à l'hôpital depuis plusieurs heures par des policiers qui manifestaient contre les mesures d'austérité.
Il y avait trouvé refuge dans la journée après avoir été agressé en essayant de parlementer avec les manifestants, et avait alors dénoncé une tentative de coup d'Etat.
Certains soldats avaient épousé jeudi la cause des policiers furieux de voir certaines de leurs primes diminuer. Un groupe de soldats a pris momentanément le contrôle du principal aéroport du pays, à Quito, ce qui a provoqué pendant plusieurs heures l'arrêt des vols internationaux. Aucun signe de véritable soutien populaire aux policiers en colère n'a cependant été constaté dans le pays.
Correa, qui a 47 ans, est arrivé au palais peu après l'assaut de l'hôpital puis s'est montré au balcon, et la télévision locale a diffusé des images d'une vaste foule de ses partisans qui l'acclamaient en brandissant des drapeaux équatoriens.
"Quelle loyauté, quel soutien ! Cela servira d'exemple à ceux qui veulent arrêter la révolution, non par les urnes mais par les armes", s'est exclamé Correa en arrivant sur le balcon face à la foule qui l'applaudissait.
"Je remercie vivement les héros qui m'ont accompagné tout au long de ces événements difficiles", a-t-il lancé à ses partisans. "Malgré le danger, bien que nous soyons encerclés, des ministres et des hommes politiques sont accourus, pour mourir s'il le fallait. Avec un courage, une telle loyauté, rien ne peut avoir raison de nous!", a-t-il lancé du balcon de la présidence.
CRISE POLITIQUE
Il s'est félicité d'autre part de ne pas avoir cédé face aux manifestants. "Nous n'avons jamais cédé, nous n'avons jamais accepté de négocier quoi que ce soit. Sous la pression, rien !", a-t-il martelé.
Deux policiers ont trouvé la mort dans l'assaut de l'hôpital par l'armée, a rapporté la Croix-Rouge. Au cours de la journée de jeudi, au moins 88 personnes ont été blessées dans les échauffourées entre partisans de Correa et policiers aux abords de l'hôpital. Des troubles ont été signalés également dans d'autres villes.
Les Nations unies ainsi que plusieurs Etats du continent américain ont apporté jeudi leur soutien à Correa.
Les dirigeants d'Amérique du Sud, réunis à Buenos Aires pour un sommet de l'Unasur (Union des nations sud-américaines), se sont félicités du retour de Rafael Correa au palais présidentiel et ont annoncé qu'ils allaient dépêcher leurs ministres des Affaires étrangères à Quito pour lui manifester leur soutien.
"Nous pouvons nous féliciter de ce que notre camarade, le président d'Equateur Rafael Correa, ait été délivré et se porte bien(...). La situation en Equateur est maîtrisée", a déclaré la présidente argentine Cristina Fernandez, hôte de ce sommet.
Le président colombien, Juan Manuel Santos, a estimé que la condamnation des troubles de jeudi à Quito par les dirigeants sud-américains montrait que "L'Amérique du Sud est unie".
"Nous sommes unis dans la région pour défendre la démocratie. C'est un signal très important", a-t-il dit.
Elu en 2006 puis réélu en 2009, le président socialiste, allié de son homologue vénézuélien Hugo Chavez, s'est aliéné les investisseurs internationaux mais jouit d'une bonne popularité auprès de l'opinion équatorienne. Correa prône un renforcement du contrôle étatique sur les ressources naturelles du pays.
L'histoire de l'Equateur, pays de 14 millions d'habitants, est émaillée de périodes d'instabilité politiques. Pas moins de trois présidents ont été renversés sous la pression de la rue dans les dix années qui ont précédé la première élection de Correa, en 2006.
Les troubles qui ont éclaté jeudi sont intervenus dans un contexte de tensions politiques entre Correa et une partie de sa majorité parlementaire, à qui le président reproche de freiner ses réformes. Accusant l'opposition de chercher à favoriser un coup d'Etat, Correa a confirmé son intention de dissoudre le Parlement ainsi que l'autorise la nouvelle Constitution, promulguée il y a deux ans.
La moitié des 124 membres du Congrès sont officiellement des partisans de Correa, mais certains éléments de son parti, l'Alliance Pays (gauche), bloquent les projets de budget visant à réduire le train de vie de l'Etat.
Le président pourrait diriger le pays par décret jusqu'à la tenue de nouvelles élections présidentielle et législatives, mais il faudrait pour cela qu'une telle décision reçoive le feu vert de la Cour constitutionnelle.
SOURCE : Reuters