FORT-DE-FRANCE - COMPTE ADMINISTRATIF 2013 : L'ÉCONOMISTE MICHEL BRANCHI FAIT LE POINT

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Compte administratif de Fort-de-France

QUEL EXCEDENT ?

Michel Branchi sur www.lepalima.org

Quel excédent ? De nombreux travaux annulés ou différés. Pression fiscale et dette continuent à augmenter.

La majorité PPM a affiché fièrement un excédent de 1,19 millions d’euros (M€) sur un budget atteignant quelque 200 millions d’euros lors de la présentation le 24 juin du compte administratif 2013 retraçant l’exécution du budget de la Ville de Fort-de-France l’an dernier.


C’est aussi ce que retient France-Antilles qui titre le 25 juin 2014 : « Fort-de-France : 1,19 million d’excédent budgétaire en 2013 ». Manière de bien faire savoir que la Ville n’est pas en déficit. Dans l’édito du « Progressiste » du 2 juillet, Alain Alfred voit dans cet excédent que « la Ville a ainsi fait la démonstration d’un grand sérieux dans sa gestion. Notons que cet excédent ne représente que 0,6 % des dépenses. Cette majorité se vante également d’un taux de réalisation du budget primitif de 97 % en fonctionnement, mais avoue seulement 66 % en investissement (en fait il n’est que de 57,8 %). Il est avancé comme explication à ce sujet les délais de recouvrement des financements des travaux annoncés au budget initial, ce qui justifierait les retards dans leur démarrage.

Le résultat positif obtenu serait du à la « maîtrise des dépenses » alors que les dotations, notamment de l’Etat, seraient en diminution de 0,1% avec 41 M€ ? Seule la fiscalité en augmentation de 3 % aurait permis une marge de manoeuvre qui est reconnue comme « étroite » en recettes. Et la majorité de se féliciter d’avoir pu augmenter les investissements.

Alors qu’en est-il ?

Ainsi que l’opposition de l’Union et celle de Miguel Laventure l’ont souligné, une fois de plus il faut dénoncer, en dépit de son amélioration, le manque de transparence du document de synthèse présenté.

Manque de transparence des comptes

Les taux de réalisation par rapport au budget primitif et les comparaisons avec l’année précédente 2012 ne sont mentionnés que lorsqu’ils sont favorables et autrement le plus souvent passés sous silence. Pour voir clair, il faut se reporter au tableau annexe (taux de réalisation) ou aller dans les comptes antérieurs (comparaisons avec année N-1). Cela n’est pas ainsi pour le compte administratif 2013 du Conseil général, par exemple.

En outre, des comptes aux appellations vagues regroupent des sommes importantes sans détail : autres produits de gestion courante (1,16 M€), autres charges de gestion courante (20 M€), services extérieurs (3,9 M€), autres services extérieurs (3,7 M€), etc. Des sommes bien supérieures à l’excédent de 1,19 millions d’euros (M€) souligné à l’envi.

Le mode de calcul des travaux en régie qui sont inscrits en investissement pour 6,48 M€, en augmentation de + 18 % par rapport à 2012 (soit 1 million d’euros de plus), n’a pas été indiqué malgré notre demande en séance. Or la Ville de Fort-de-France s’était fait épingler par la Chambre régionale de comptes (rapport CRC du 8/12/2011 pages 13 à 16) sur le fait que des travaux en régie comptabilisés en investissement relevaient du fonctionnement. L’état détaillé de travaux d’investissement en régie réglementaire (rapport CRC page 15) n’est pas fourni.

Des observations et demandes d’éclaircissement ont été formulées par Michel Branchi au nom de l’Union.

Fonctionnement : Hausse de la fiscalité et des charges financières

Ainsi les recettes de fonctionnement, réalisées à 96 % des prévisions, se montent à 158,5 millions d’euros (M€) et augmentent de + 5,45 % sur 2012, soit 8,2 M€ de plus. Il a été fait remarquer que cela résulte notamment de l’augmentation de la fiscalité (+ 3 M€ et + 3 %) et particulièrement des impôts locaux qui rapportent 1,1 M€ de plus (soit + 2,5%) et de l’octroi de mer (2,2 M€ de plus et + 6,3%). Compte tenu d’une inflation de 1,3 % en 2013 en Martinique, la pression fiscale par foyalais a augmenté, en particulier pour les couches moyennes inférieures qui paient l’impôt, a-t-il été souligné.

Immédiatement, Didier Laguerre suivi de Johnny Hajjar se sont récriés que les taux des impôts locaux n’ont pas augmenté et que seules les bases (nombre d’assujettis et valeur locative) avaient progressé. Il a été répliqué que les taux des impôts (taxe d’habitation et taxe foncière) sont déjà à des niveaux record (« ces taux d’imposition sont au taquet », a déclaré Michel Branchi)) et qu’avec une inflation à 1,3 % en 2013 la pression fiscale a encore augmenté avec une augmentation de 2,5%. De plus les bases (valeur locative) augmentent plus vite que le nombre d’assujettis. A titre d’exemple, rappelons que la taxe d’habitation à Fort-de-France est au taux de 23,95 % de la valeur locative contre en moyenne 17 % en Martinique. Avec la taxe au taux de 9,77 % prélevée par la Cacem, cette taxe d’habitation culmine au taux record de 33,72 % en Martinique. Francis Carole a défendu l’idée que les taux d’imposition devraient progressivement baisser à Fort-de-France.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est affirmé, les dotations de l’Etat et participations se montant à 41 M€ n’ont pas diminué en 2013 de – 0,1 % comme affirmé, mais augmenté de 1,1 M€, soit + 2,7 %. Ainsi la dotation globale de fonctionnement a atteint 23 M€ contre 22,4 M€ en 2012 et le reste à l’avenant (DSU,DNP, DGD, etc). Ces dotations avaient été surévaluées au budget primitif à 45,1 M€. D’où une réalisation de 93 % dont se plaint la majorité municipale à tort.

Donc la Ville a bénéficié de ressources en augmentation. Si baisse des dotations il y a, elle est à venir.

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement (réalisées à 95 % ), elles se montent à 156,8 M€. Il faut noter qu’elles ont augmenté de 4 % , soit plus 6,1 M€. Et cela est du à l’augmentation des achats (+ 1,07 M€, + 17,8 %), des services extérieurs ( + 0,7 M€, + 21,8 %), des charges financières résultant des intérêts des emprunts ( + 0,82 M€ et + 9,37 %), des dotations au Sermac ( + 1,3 M€ et + 36,7 % pour l’année Césaire) . Par contre, les charges de personnel ont diminué de 1,2 M€ en 2013, soit moins 1,2 % et non augmenté de plus 1,3 % comme mentionné. Selon la majorité PPM, le personnel, y compris les satellites (Caisse des Ecoles et CCAS) aurait baissé de 3 881 agents en 2001 à 2850 en 2014 ( – 1031) et le nombre d’agents ayant bénéficié du plan de départs volontaires à la retraite serait de 680 agents. Pas de chiffres sur l’année 2013 spécifiquement.

Il n’y a donc pas eu véritablement maîtrise des dépenses (excepté la baisse des charges de personnel) ni de baisse des ressources en fonctionnement. L’excédent de fonctionnement de plus de 1 million d’euros (alimentant l’excédent global de 1,19 million d’euros) s’explique principalement par la hausse de la fiscalité et des dotations de l’Etat.

Des investissements financés pour plus de moitié par l’emprunt

Du côté des investissements, les recettes ont baissé de 44,3 M€ en 2012 à 37,6 M€ en 2013 ; soit 6,6 M€ et 14,8 % en moins. Elles n’ont été réalisées qu’à 53,4 % des prévisions budgétaires. Cela résulte de reculs de plusieurs postes de recettes. Notamment : dotations et fonds divers réalisées à 37 % seulement tels que FCTVA, Taxe locale d’équipement ( 2,9 M€ au lieu 8,6 M en 2012, soit moins de 5,7 M€ et – 66%), subventions d’équipement ( 7,78 M€ au lieu de 15,06 M€ en 2012, soit 7,28 M€ en moins et – 48,3 %). Ainsi la baisse du fonds de compensation de la TVA (FCTVA), par exemple, est la conséquence de la baisse des investissements les années antérieures. Par contre, l’emprunt a été réalisé à 100% des prévisions et passe de 14,2 M€ en 2012 à 20 M€ en 2013, soit 5,8 M€ en plus et 40,8 % d’augmentation !

L’emprunt représente donc plus de la moitié des ressources d’investissement (53,2 %).

En ce qui concerne les dépenses d’investissement, réalisées à 62 %, elles s’élèvent à 43,7 M€ en 2013 contre 39,4 M€ en 2012, soit + 4,4 M€ et + 11,16 %. Le remboursement du capital de la dette atteint 15,27 M€ en 2013 contre 14,28 M€ en 2012, soit 1 M€ de plus et + 6,93 %. Dans le même temps, les dépenses d’équipement ne sont réalisées qu’à 42 % et baissent de 0,23 M€ et de 8,6 % sur 2012. Quant aux travaux leur montant recule de 1,4 M€ alors qu’ils ne sont réalisés qu’à 46 %. Les travaux en régie comptabilisés en investissement augmentent eux de 1 M€ et plus 18 % d’une année à l’autre. Le programme de rénovation urbaine a été plus conséquent de plus 2,58 M€ qu’en 2012 tout en n’étant réalisé qu’à 64 %.

Donc l’augmentation affichée des dépenses d’investissement recouvre en grande partie l’accroissement du remboursement du capital de la dette (1 M€) et une majoration de l’évaluation des travaux en régie (1 M€).

Alourdissement du poids global de la dette

Le poids du remboursement annuel de la dette (intérêts + capital) passe de 22,7 M€ en 2012 à 24,9 M€, soit + 9,7 % et 2,2 M€ de plus si on prend le chiffre des intérêts de 9,6 M€ du rapport. Il devient 28,6 M€ si on retient celui des intérêts de 13,3 M€ figurant dans un tableau récapitulatif du même document. Dans ce cas, le poids de la dette s’alourdit en 2013 de 5,9 M€ et de 25,9 %. Sur le chiffre exact des charges financières aucun éclaircissement n’a été apporté par la majorité qui à propos de l’endettement a préféré reprendre le vieux refrain que Fort-de-France supporte des « charges de centralité » et que la Ville a du accueillir toute la Martinique.

Incroyable : Le montant de l’encours (le total) de la dette en fin 2013 n’est pas communiqué dans les comptes 2013. Il était de 213,4 millions d’euros en 2012 contre 156 millions d’euros en 2002, soit une dérive de + 36,8 % depuis le départ d’Aimé Césaire. Encore un refus de respecter la transparence déjà relevé par la Chambre régionale des Comptes (rapport cité- pages 6 et suiv).

L’annuité de la dette représente entre 54,6 % et 62,7 % (selon le montant de la charge financière retenue) des impôts locaux.

Conclusion En dépit de l’affichage d’un excédent de 1,19 million d’euros, la vérité est que le montant des travaux et dépenses d’équipement a reculé par rapport à l’année précédente malgré l’augmentation des impôts, des dotations de l’Etat, de l’emprunt.

Il faut retenir que la Ville a continué à accroître la pression fiscale, a augmenté sur l’emprunt pour investir et que beaucoup de travaux annoncés ont été reportés pour manque de financement. Le poids de la dette s’alourdit donc encore. C’est la fuite en avant.

Cependant la baisse annoncée des dotations de l’Etat (plan Valls) implique une réflexion urgente sur les véritables priorités dans la Capitale du pays.

Le groupe de l’Union pour le changement à Fort-de-France a logiquement voté contre le compte administratif 2013 de la Ville de Fort-de-France.

Michel Branchi (5/07/2014)

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Transparence des comptes à Fort-de-France : Qu’a dit la Chambre régionale des comptes fin 2011 ?


Sur le manque de transparence des comptes un échange très vif a opposé Francis Carole au maire Didier Laguerre. Didier Laguerre a affirmé que jamais la Chambre régionale des comptes (CRC) n’avait jugé non sincère ou non transparents « totalement » les comptes de Fort-de-France. Il a été démenti catégoriquement par le représentant de l’Union.


Citons le rapport de la CRC du 8/12/2011 : « (…) L’examen des documents budgétaires a montré que la ville de Fort-de-France n’a pas toujours fait preuve, en ce domaine, d’une totale transparence. En effet, les annexes du bilan relatives à l’état de la dette et aux provisions, de même que celles relatives aux engagements donnés par la ville et celles qui précisent certains produits et charges, ne sont pas conformes aux prescriptions réglementaires de forme ou de contenu (…)


(…) Certains documents ne sont pas présentés à l’assemblée délibérante ou comportent des irrégularités qui en altèrent la lecture et la compréhension des opérations retracées dans les comptes(…)


(…)Cependant, compte tenu des insuffisances et lacunes existantes au moment du contrôle, la vision patrimoniale de la ville de Fort-de-France ne peut être actuellement considérée comme sincère et complète (…) ».


En conclusion il était dit : « Les comptes de la ville doivent traduire une image fidèle de l’ensemble des opérations budgétaires de la collectivité. Sur ce point, les documents budgétaires de prévision et d’exécution montrent encore un certain nombre de lacunes qui, sur certains points, peuvent à donner de la situation financière de la ville une image qui n’est pas strictement conforme à la réalité, et, de ce fait, peut conduire à une analyse faussée de sa situation ».

M.B