La réforme territoriale a été adoptée, à l'usure
Par LILIAN ALEMAGNA
PHOTO : L'hôtel de région d'Aquitaine à Bordeaux en février 2004.
Ce devait être une des réformes majeures de Nicolas Sarkozy, elle finit dépiautée, à bout de souffle. Issue des travaux du comité présidé par l’ex-Premier ministre Edouard Balladur, la réforme des collectivités territoriales a été définitivement adoptée mercredi par le Parlement.
A l’Assemblée nationale, 258 députés contre 219 ont ratifié le texte issu de la commission mixte paritaire, compromis entre les élus du Palais Bourbon et le Sénat. Mais que ce fut dur! Après de multiples aller-retours entre un Sénat où le dernier vote a été acquis à quatre voix de majorité, et une Assemblée nationale dont la majorité a suivi à la lettre les consignes du gouvernement, cette réforme est assez loin du «rendez-vous historique pour la décentralisation», annoncé par le chef de l’Etat lors de son discours de Saint-Dizier en octobre 2009.
«Le texte a souffert de la durée. Cette réforme a eu une gestation qui s’est usée au fil du temps», concède son rapporteur à l’Assemblée, l’UMP Dominique Perben. «Les métropoles ont un peu été abandonnées en cours de route. On n’est pas allé assez loin dans la régulation de la dépense publique et sur une répartition plus stricte des compétences», ajoute l’ancien garde des Sceaux qui se réjouit néanmoins de la création du conseiller territorial. Cet élu qui, à partir de 2014, siègera à la fois à la région et au département «est une petite révolution», une «articulation entre la région et le département qui aboutira à la fusion des institutions d’ici une génération», ajoute Perben.
Au final, 3496 conseillers territoriaux remplaceront les 4037 conseillers généraux et 1880 conseillers régionaux existants. Une hérésie pour la gauche: «C’est une erreur de rapprocher les régions des départements. Les deux collectivités n’ont pas la même culture», critique Alain Rousset, président PS de l’Assemblée des régions de Frances (ARF). Lui plaide pour un rapprochement du conseiller général avec les conseillers communautaires. «On crée une espèce de collectivité hybride avec moins de proximité et moins portée sur les enjeux du futur», reproche Claudy Lebreton, président PS de l’Assemblée des départements de France (ADF).
«Le conseiller territorial est électoralement meurtrier pour les compétences de la région», poursuit Rousset. Car au final, les nouveaux élus le seront au scrutin uninominal à deux tours dans des cantons agrandis. «Ce mode de scrutin est plébiscité, en particulier dans le monde rural», défend Perben.
«On ne va retenir que ce que le conseiller aura fait pour son propre canton: la crèche, le rond-point, la route… et non l’innovation, la formation, qui sont des politiques qui se mènent à l’échelle de la région», répond Alain Rousset.
Autre critique de la gauche: les coûts. «On double voire triple le nombre d’élus régionaux! s’insurge Rousset. Il va falloir construire des lieux capables de les recevoir!» Le patron de l’ARF chiffre ce coût à 600 millions d’euros pour les régions. «On est au niveau du gag! Si dans les hémicycles, on ne peut pas rajouter des sièges…» repousse Perben qui concède cependant que «le nombre de conseillers territoriaux est un sujet. La commission permanente devra alors avoir un rôle plus important». «C’est grotesque! Chez moi en Aquitaine, je ne peux pas passer de 85 à 211 comme ça!» répond Rousset, pointant les moyens de secrétariat, d’accueil, les frais de déplacements et d’hôtels qu’engendreront le travail des futurs conseillers territoriaux.
«C’est un bilan désastreux. On recentralise au lieu de démocratiser, on rend les choses plus complexes et on crée une compétence malsaine entre départements et régions au lieu de moderniser et introduire plus de justice», tacle Elizabeth Guigou, secrétaire nationale PS aux collectivités locales.
Les socialistes promettent de supprimer cette réforme si la gauche revient au pouvoir. Pour quoi faire? «L’acte III de la décentralisation», explique-t-on au PS. Ils proposent de transférer davantage de compétences aux régions (bâtiments universitaires, service public de l’emploi, enseignement professionnel et agricole, gestion des fonds européens agricoles…) et aux départements (logement social, lutte contre la déminquance juvénile notamment).
Le PS prône également de définir des «chefs de file» pour la répartition des compétences et «accorder aux collectivités les moyens financiers via une grande réforme de la fiscalité», demande Lebreton. Le président de l’ADF plaide également pour des mesures favorisant la parité et la diversité sociale dans les assemblées locales.