Qu'est-ce qu'elle a notre gueule ?
Il faut donc annuler le feu. Ainsi va la vie moderne. Un monstre de la chanson, couvé par ses producteurs, couvert par toutes les assurances possibles et imaginables, suivi, on imagine, par une horde de médecins et de servants aux petits soins, bat en retraite face à un microbe, un virus qui fait éternuer, tousser, monter la fièvre.
Par un simple fax, la maison Camus annonce, un gros vendredi soir, comme on dirait ici, que la Réunion ne sera pas sur la Route 66 du dernier monument de la chanson française. C’est écrit en toutes lettres dans le communiqué du producteur : on a suivi les "recommandations formulées par les pouvoirs publics français et les autorités sanitaires internationales", préférant "ne pas exposerl’ensemble de l’équipe artistique et technique aux risques liés à la grippe A".
C’est que les assurances, figurez-vous, couvraient bien les risques liés aux pandémies "il y a encore quelques mois", selon un spécialiste de l’organisation de grands événements, interrogé mi-août par l’AFP. "Mais désormais, le fait que le risque soit avéré ne relève plus de l’aléa", ajoutait-il.
Comprenez qu’une assurance préfère vous assurer lorsque vous n’avez aucune chance de subir un préjudice. Et la Réunion dans tout ça ? Une terre peuplée de malades, contagieux, pestiférés. Et tant pis si une ministre de la Santé est venue il y a quelques jours, sans masques et sans gants, faire la bise à des Réunionnais et serrer des mains, sans rapporter, du moins à notre connaissance, la moindre petite goutte au nez.
C’est que Johnny, vous comprenez, est bien plus important qu’un ministre, sa vie vaut plus cher. Johnny, c’est cet immmmmmmense artiste qui ne veut ni payer ses impôts en France ni choper la grippe outre-mer. Pourtant, dans sa longue et brillante carrière, Johnny a bien dû jouer plus d’une fois dans des stades hivernaux de métropole avec la moitié du public sous Efferalgan et mouchoir en mains.
Il devait même s’en trouver quelques milliers qui étaient porteurs de gastro ou de virus encore plus graves. Et Johnny, surtout, n’aurait pas pris grand risque s’il nous avait fait l’honneur de venir nous voir : il serait passé de la loge à la scène puis de la scène à l’hôtel en voyageant en taxi aseptisé, sans même l’obligation de serrer la moindre main.
Même pas besoin d’adopter les gestes-barrières, Johnny : il aurait séjourné à la Réunion entouré de barrières. En attendant, les barrières du stade de l’Est, il n’y a plus qu’à les ranger.
D. C.