Le LKP ira-t-il aux élections régionales ? La question est sur toutes les lèvres suite aux déclarations d'Alain Plaisir, membre influent du LKP, publiées par CaraibCreoleNews. Selon CCN, une nouvelle structure politique devrait être annoncée dans les jours à venir. Pour l'heure, l'analyse présentée par Alain Plaisir peut-être considérée comme une véritable profession de foi.
Si l'hypothèse d'une candidature du LKP aux futures régionales s'avérait confirmée, nul doute que l'échiquier politique risquerait d'être considérablement bouleversé en Guadeloupe et ce, malgré les rumeurs d'un parachutage de Marie-Luce Penchard par l'Elysée.
Basse Terre. Lundi 23 novembre 09. CaraibeCreoleNews. Après Luc Reinette, qui a lancé il y a peu de temps le « Mouvman Ka » c’est au tour d’Alain Plaisir, leader de la CTU, mais aussi membre éminent du LKP, de porter sa contribution au débat politique. Le texte que CCN publie, sans être la profession de foi, d’une nouvelle structure politique, est une analyse sans concession de l’état du pays Guadeloupe. Selon nos infos, le Comité d’Initiative Pour un Projet Alternatif ( CIPPA) devra très prochainement faire sa première apparition publique.
Le comité d’initiative pour un projet alternatif regroupe des hommes et des femmes de toutes générations pour un combat émancipateur est une aspiration partagée autour de valeurs, de principes et d’une éthique afin de promouvoir l’avènement d’une nouvelle société guadeloupéenne.
Nous lançons un appel à l’ensemble de la population guadeloupéenne pour maintenir et protéger cette conscience collective qui nous anime et qui exprime un besoin de responsabilisation, de construction et d’apaisement.
C’est par notre devoir de transparence et pour notre exigence démocratique que nous révélons à la Guadeloupe notre ambition pour ses enfants d’aujourd’hui et ses héritiers de demain.
Un élan populaire alternatif est en train d’émerger afin d’offrir à la Guadeloupe une nouvelle ère de construction. Des hommes et des femmes de toutes générations souhaitent conjuguer leurs forces afin d’instaurer les bases d’une nouvelle société : une société protégée des dérives du capitalisme, soucieuse de se responsabiliser durablement et qui se donne les moyens de relever les défis du XXI siècle.
I/ le contexte social :
Depuis décembre 2008, nous vivons l’un des moments les plus importants et déterminants de l’histoire de la Guadeloupe.
Pour la première fois de notre histoire, un mouvement unitaire, organisé principalement autour des organisations syndicales, mais aussi progressistes, réformistes, écologiques, nationalistes et autonomistes, a réussi à entraîner derrière lui de nombreuses forces contestataires : syndicats paysans, associations de consommateurs, de défense des locataires, des usagers de l’eau, le mouvement culturel, les personnes en situation de handicap, les jeunes, les aînés, les étudiants, les intellectuels.
Le peuple guadeloupéen tout entier s’est reconnu à travers les révélations, dénonciations et revendications exprimées et a soutenu dans l’unité le mouvement social conduit par le LKP.
De grandes victoires ont été acquises à la suite de 44 jours de grève.
Cette grande mobilisation et ce combat frontal contre les profiteurs n’ont été possibles que grâce à l’unité des travailleurs et des couches populaires.
Cette première victoire des travailleurs ne doit pas faire oublier que les problèmes fondamentaux de la Guadeloupe sont toujours d’actualité : le chômage est toujours à la hausse, les rares activités productives et le tourisme sont en déclin. Aucune perspective optimiste n’est offerte à la Guadeloupe. Nos traditions se diluent dans une modernité mondialisée et perdent de leur substance. La transmission de valeurs nécessaires à la cohésion sociale et aux réconciliations solidaires est devenue un enjeu sur lequel nous ne pouvons plus fermer les yeux. La qualité de vie, dangereusement altérée par différentes pollutions encore trop souvent tolérées, devient de moins en moins accessible. L’environnement de notre territoire est agressé, voir empoisonné par des affairistes qui bénéficient d’une tolérance étatique inacceptable. Enfin, une insatisfaction généralisée perdure sous les coups des difficultés liées aux exigences ultralibérales.
Par ailleurs, le chômage et le sous emploi engendrent des frustrations qui ne sont pas seulement matérielles. Beaucoup de jeunes luttent contre le découragement et la fatalité. Les plus fragilisés, face au désarroi, entrent trop souvent dans une spirale où la drogue et la délinquance sont les prémisses de tragédies que chaque Guadeloupéen peut subir. La perte de repères, de valeurs, et de modèles, l’individualisme exacerbé et l’inactivité professionnelle, se traduisent par l’amplification d’un grave malaise humain et identitaire, individuel et collectif.
Ce malaise est aussi perceptible dans la Fonction Publique : la politique de l’Etat consiste à réduire les emplois entre autres par le non-remplacement des départs à la retraite. Cette politique ne diminue pas seulement l’emploi, elle dégrade le service public dont les principaux bénéficiaires sont les classes défavorisées. Aujourd’hui, beaucoup d’enfants des classes moyennes se prolétarisent, et L’Etat est de moins en moins un Etat providence.
Le LKP qui représente un réel espoir pour la population, traversé par plusieurs courants, n'a pas vocation à proposer une alternative politique car il est un mouvement social avant tout.
Aujourd’hui, personne ne peut ignorer que le système capitaliste est capable de reprendre d’une main, ce qu’il a été contraint de lâcher d’une autre main. Ainsi, malgré les luttes héroïques des paysans et des ouvriers guadeloupéens, on assiste au laminage de nos activités de production, à la disparition des terres agricoles et à une domination croissante des profiteurs. Comment peut-on imaginer que les héritiers du colonialisme et que le capitalisme libéral nous donneront des instruments pour mettre fin à leur domination ?
La Guadeloupe a hérité d’une économie de plantation. De nos jours nous subissons un système favorisant une économie de prédation où l’homme est réduit à son seul rôle de consommateur, d’outil de production, et en individualiste compétitif. Le sucre et la banane sont en déclin irrésistible. Un chiffre illustre la faiblesse de notre économie : le taux de couverture de la balance commerciale est de 6%, alors qu’il était encore de 80% en 1950. L’économie de plantation est devenue un marché de consommation de 2,5milliards d’euros pour les capitalistes européens qui exportent en Guadeloupe.
La départementalisation, l’intégration européenne, puis l’insertion au marché mondial par le biais de la mondialisation, ont eu pour conséquence le laminage de la plupart des activités productives. Le modèle économique mis en place est celui d’une consommation effrénée de biens importés grâce aux transferts publics, dans une formation sociale où l’emploi autre que tertiaire tend à se résorber. Entre 1977 et 1985, les exportations de la Guadeloupe vers l’Europe ont augmenté globalement de 81%, mais au cours de la même période les importations en provenance de l’Europe ont augmenté de 215%. Depuis, le mouvement n’a fait que s’accélérer avec l’effondrement des productions traditionnelles (sucre, banane) et la crise persistante du tourisme. Nous assistons à un scandale économique qui ne devrait plus se banaliser : notre croissance est une croissance sans développement ! Cette croissance n’est « tirée » essentiellement que par les dépenses des administrations et la consommation des ménages. D’où le triste constat d’une Guadeloupe avec un parc automobile individuel impressionnant et une absence presque totale de production et de création de richesse. Les transferts publics alimentent la consommation. D’où une triple dépendance : dépendance politique (qui paie décide !) une dépendance alimentaire (notre nourriture arrive par le bateau et par l’avion), et enfin une dépendance idéologique (incapacité d’imaginer un autre modèle de développement).
III/ le contexte politique :
Le mouvement social du LKP a ébranlé les fondements du vieil édifice colonial. Après les Etats-Généraux, après le Congrès des élus, c’est Sarkozy qui propose un changement de statut, en prenant soin de mettre sur orbite Monsieur Lurel et Madame Penchard (une manière d’avoir deux fers au feu, un à gauche, l’autre à droite), pour sauvegarder les intérêts stratégiques de la France et les profits des capitalistes.
Dès lors, le microcosme politique s’agite de toutes parts, pour être dans le bon coup, pour ne pas dire dans le bon wagon …
Ce sont aussi ces politiciens traditionnels (UMP, Fédération socialiste, GUSR..) qui fourbissent leurs armes et se préparent à la fois pour les élections régionales et pour un changement de statut…à condition de garder le pouvoir.
Il est dommage de constater que la plupart des organisations ne font aucune analyse sérieuse des ravages de l’assimilation après 3 siècles de colonisation, des conséquences économiques, sociales et culturelles de 60 ans de départementalisation, de la présence sur le sol français de milliers de Guadeloupéens qui n’aspirent qu’à l’intégration dans un pays où ils vivent depuis des dizaines d’années, ou y sont nés. Enfin les leçons à tirer de la consultation de décembre 2003 ne semblent pas être prises en considération.
Même si la Guadeloupe peut être considérée comme une colonie, nous ne pouvons occulter, que sa situation ne ressemble à celle d’aucune autre colonie de l’ex empire colonial français. L’avenir de notre pays est une chose trop sérieuse pour que nous fassions l’impasse sur ces questions.
Il nous faut donc inventer à la fois un modèle d’émancipation et un nouveau modèle économique et social.
C’est le double défi qui nous attend.
Notre action doit être marquée par :
la responsabilisation politique
Il serait absurde de ne pas prendre en compte le sentiment national qui existe au sein de tous les peuples. Les Guadeloupéens doivent s’approprier le destin de la Guadeloupe. Ce sentiment national ne doit pour autant conduire, ni au nationalisme étriqué, ni au chauvinisme. Il doit tenir compte de la situation réelle et concrète du pays. Dans le contexte social, économique et politique du pays, il semble qu’un statut de large autonomie soit la revendication qui, non seulement ait le plus de chance d’aboutir, mais qui, dans la période actuelle soit celle qui corresponde au domaine du souhaitable.
Une autonomie qui n’exempterait pas la Guadeloupe d'une large partie des contraintes du Marché unique européen en ne lui conférant pas le droit de protéger son marché intérieur ne serait que pure illusion. Cette autonomie doit être conquise dans le cadre d’une forte mobilisation populaire et non être octroyée aux notables qui dirigent actuellement la Guadeloupe.
Une nouvelle gouvernance économique
La crise récente montre (s’il en était besoin) que le capitalisme est la loi du profit, de l’exploitation des hommes, la loi de la jungle. Bref, un système où l’homme est un loup pour l’homme. Lutter contre la pwofitasyion, c’est lutter pour une juste répartition des richesses produites par l’homme. Lutter pour une nouvelle gouvernance économique c’est privilégier la satisfaction des besoins nécessaires au maintien d’une vie décente et digne. Instaurer un système économique juste et dynamique favorisant un développement endogène, c’est s’offrir les conditions d’une qualité de vie accessible à tous. Moins de rivalité et plus de solidarité pour que la relation de fraternité entre les hommes ne soit plus une utopie vaine pour nos enfants.
L’Internationalisme.
Les capitalistes ont transformé les nations en un vaste marché mondial. Ils ont aboli les frontières nationales pour vendre leurs marchandises, et mis les travailleurs du monde entier en concurrence. Il faut donc une solidarité active entre les peuples et les travailleurs du monde.
Dès lors, il devient impératif de contribuer à des liyannaj entre les peuples et les travailleurs de tous les pays afin d’œuvrer à l’instauration d’un monde meilleur. En ce début du 21ème siècle, l’internationalisme a aussi revêtu les habits de l’altermondialisme, dont l'une des expressions les plus fortes est aujourd'hui la lutte pour la défense de l'environnement. Le creuset caribéen est l’espace à travers lequel notre volonté d’établir des solidarités actives peut s’exprimer avec force. Nous devons recréer du « lien » entre tous les peuples de la Caraïbe afin que de ces contacts naisse et progresse l’identité d’une région jusqu’ici morcelée à l’infini. D’un nouveau rapport de solidarité doit émerger une intégration caribéenne sur la base de la complémentarité entre nos pays.
Le féminisme.
Changer les rapports sociaux, ce n’est pas changer seulement les rapports d’exploitation capitaliste, c’est aussi donner à la femme toute sa place dans la société. Trop de femmes souffrent encore de propos sexistes, de harcèlement sexuel, de violences conjugales, de discrimination à l’embauche, de bas salaires, de sous représentation politique…
Nous invitons les femmes à s’engager résolument dans ce combat émancipateur.
L’écologie.
La formation de la société coloniale est à l’origine de la 1ere grande crise écologique qu’a connue l’ensemble du bassin caraïbe qui s’est traduite, entre autres, par la disparition de diverses espèces végétales et animales.
Il faut de toute urgence préserver notre environnement, c’est une question vitale pour nous et nos enfants. L’écologie n’est pas simplement la protection de notre environnement immédiat, c’est aussi la lutte pour préserver la planète de l’effet de serre, de la déforestation, et pour la protection de notre potentiel phytosanitaire.
Le devenir de nos régions insulaires dépend de notre implication dans la lutte planétaire qui se mène contre le réchauffement climatique. Il s’agit de militer, ici comme ailleurs, pour le développement des énergies renouvelables, non polluantes, afin d’évoluer au sein d’un environnement plus « vivable » et plus durable aussi.
IV- SUR LA QUESTION DE L’UNITE :
Nous sommes fondamentalement pour le liyannaj entre organisations politiques désireuses de réconcilier l’élu et le citoyen au sein d’un projet de responsabilisation et d’émancipation. Nous mettrons tout en œuvre pour faciliter cette unité, voire des fusions entre différentes organisations ; mais cela ne doit pas se faire dans un consensus mou. Au contraire, un débat franc, fraternel, mais sans concession sur les valeurs de démocratie, de progrès social, de solidarité entre les peuples, nous semble salutaire pour l’ensemble du mouvement alternatif . D’ores et déjà, nous appelons les travailleurs, les chômeurs, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes et les organisations et partis politiques à débattre, à rapprocher leurs points de vue, à élaborer les grandes lignes d’un programme économique et social pour la Guadeloupe, répondant aux aspirations de justice et de progrès social.
V- SUR LA QUESTION DU STATUT :
Le peuple ne se prononcera pour un changement qu’en toute connaissance de cause. Le fameux « chat an sak » reste dans tous les esprits. Certains militants disent : « nous voulons l’autonomie de la Guadeloupe, mais nous n’avons pas à nous prononcer sur un article de la Constitution Française ». C’est bien pour la phraséologique révolutionnaire, mais l’époque où le peuple se contentait d’un flou artistique est révolue. A moins d’un très puissant rapport de force, il ne reste pas d’autre choix que d’opter pour une autonomie dans le cadre de la Constitution Française.
Ce statut doit donner le pouvoir d’auto-organisation et permettre d’établir de nouvelles relations avec l’Union Européenne, exemptant la Guadeloupe d'une grande partie négociée des contraintes du marché unique (libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux).
L’article 74 ouvre la possibilité de négocier un statut qui pourrait aller jusqu’à une large autonomie.
VI- SUR LA QUESTION DES ELECTIONS :
Des camarades ont posé à juste titre la question des élections. Nul ne peut éluder cette question. La vocation d’un parti est de mettre en œuvre son projet et il est donc légitime d’aspirer se trouver dans les lieux où se prennent les décisions. Trop souvent, par dogmatisme, ou disons le par sectarisme, certaines organisations d’extrême gauche se sont contentées d’une attitude de protestation, refusant toute alliance, au nom d’une pureté doctrinale. Dans ces conditions, les revendications formulées par ces organisations gardent le plus souvent un caractère social et protestataire et n’offrent aucune perspective politique concrète. Après avoir suscité l’espoir, ces organisations stagnent et perdent progressivement leurs adhérents. Comment peut-on demander indéfiniment des sacrifices à des militants, s’ils n’ont pas à court ou à moyen terme, l’espoir d'un début de changement, voire même d’une vie meilleure, pour eux et leurs familles ? Le militantisme véritable doit avoir comme objectif de changer la vie.
Donc, les élections restent un moyen de créer les conditions pour changer la vie. La participation aux élections doit se faire avec ou sans alliance, à partir d’une réflexion sur chaque élection pour décider de la participation ou non, la problématique de l'alliance n'étant pas stratégique mais tactique.
VII/ QUELLES PERSPECTIVES ?
La Guadeloupe se trouve à la croisée des chemins. Toutes les composantes du peuple guadeloupéen doivent maintenant se rassembler pour proposer et définir une nouvelle voie. Cette voie devra être celle de l’émancipation sous toutes ses formes, de la tolérance, de la concertation, d’un nouveau développement économique, de la solidarité active, de la responsabilisation et surtout celle d’un projet de société cohérent, réaliste et porteur de bien-être pour tous. Pour l’heure, des hommes et des femmes travaillent avec conviction et espoir afin de la tracer. Chaque jour, des hommes et des femmes ayant pris connaissance de ce fondement de principe et de valeur souhaitent s’y consacrer dans un esprit d’unité.
Oui, chers compatriotes, la voie existe et il nous faut maintenant l’emprunter ensemble !
Pour le CIPPA,
Alain Plaisir.