Tristes Tropiques disait Claude Levis Strauss. Le célèbre ethnologue s'en est allé la semaine dernière sans s'être penché sur le cas de Joseph Virassamy. Un énergumène qui, hier encore, tentait de nous convaincre de la nécessité d'un Forum Social Caraibéen pour sortir la Martinique de l'impasse et qui, aujourd'hui, déclare vouloir exhiber sa peur de l'article 74 à chaque Martiniquais.
Un monument de délire que l'on pourrait intituler ... l'Eloge de Honte. Photo : De gauche à droite, Marc Pulvar (DCD), Joseph Virassamy, Philippe Pierre Charles (Actuellement Président du K5F).
Je m‘appelle Joseph Virassamy et j’ai peur de l’article 74. Et je le déclare tout net : Je n’ai pas honte d’avoir peur. Et je veux exhiber cette peur face à chaque martiniquais qui voudra bien m’entendre. J’ai peur. J’ai peur de ce débat de savants auquel je ne comprends rien : Article 74, 73,72 avec des tirets 2, 3, 4….tout ça tourne dans ma tête d’autant plus vite que j’ai déjà assisté à plus de 10 débats après lesquels je ne retiens rien. Tiens, l’autre soir, à l’atrium y en avait deux qui s’envoyaient des tas d’arguments à la figure. La seule chose que j’ai retenue c’est que plus le numéro de l’article baissait plus la salle applaudissait. Et je me suis dit que, ou bien le 74 avait du plomb dans l’aile, ou bien l’orateur de 73 était plus talentueux. Et je suis parti, laissant les deux gladiateurs face au public en me disant : et s’il advenait une catastrophe en janvier, serais-je pris comme un rat dans cette ile ? J’ai peur que d’ici janvier on vienne encore me remplir la tête de juridique, d’économique, de constitutionnel, enfin de tas de gros mots mensongers qui n’ont pas le même sens pour les uns, pour les autres et qui ramène tout ça au niveau de l’éternel marchand d’illusions. D’ailleurs, quand les choses sont vraiment importantes, c’est pas ma tête qui m’informe, mais ce que je ressens dans mon estomac, dans mon ventre. C’est là le siège de mes peurs. Et quand tous ces savants me parlent, ils cherchent à parler à ma tête et dans le même temps, les peurs grouillent dans mon estomac. C’est pour ça que je n’arrive pas à les entendre au niveau de ma tête. Oui, c’est bien dans le siège de mes peurs que se situe le débat sur l’avenir institutionnel de la Martinique. C’est là que ça fait mal. Quand j’ai mal à ces endroits là, c’est que c’est très important et mon corps se met en quatre pour me prévenir. Je deviens primaire comme une bête qui défend son territoire, la peur la renseigne, la peur lui est utile pour sa survie. Les scientifiques connaissent bien ces mécanismes de défense. Et je revendique d’être à l’affût de mes peurs. Ce sont mes amies, mes anges gardiens et mon dialogue avec elles toujours élémentaire, basique, ras le sol. C’est comme çà que l’autre semaine j’étais en France, enfin dans l’hexagone, chez des amis français de longue date. Ça n’a pas raté : Alors, vous allez devenir des étrangers ? qu’ils m’ont demandé Ah, comment çà ? je réponds Mais vous demandez à quitter la France et Sarkozy vous a dit Banco ! Et vous, vous me considérez déjà comme un étranger ? je demande Après un moment d’hésitation, l’un d’eux me répond Nous non, mais notre voisin sûrement. Mais alors ma sœur, ma tante, mes neveux qui vivent dans l’hexagone, seront considérés comme des étrangers à qui l’on demandera de présenter leurs papiers dans les rues, dans les administrations, comme on demande aux étrangers ? Normal puisque vous demandez à partir ! m’ont répliqué mes amis Mais qui vous dit qu’on demande à quitter la France ? C’est ce qu’on a lu et entendu dans les journaux. C’était jusque là un aspect de la question qui m’avait échappé. Qu’est-ce qu’ils me disent mes anges gardiens, mes peurs, mon ventre, mon estomac ? Entre les années galères de ma jeunesse, début des années 60 et maintenant, il y a eu une véritable explosion du niveau de vie des martiniquais, que j’en reste encore effaré. Que si l’on dépouille l’argumentation de ceux du 74, voici ce qu’il reste de leur discours, ils disent aux français et à l’Europe : « Donnez-nous le fric et tirez vous ! ». C’est bizarre d’entendre ça. Et pourtant chaque fois qu’ils prennent la parole, c’est cette petite chanson qu’on perçoit en toile de fond, car rien de leurs fabuleux projets ne saurait tenir debout. En somme, la finance contre la défiance ! Qu’est-ce que la France a à gagner à ce troc ? J’ai bien peur que Sarko finisse par dire : Vous voulez qu’on déguerpisse ? Banco ! Coqgemm pa ka kaillé !! J’ai peur de ne plus pouvoir m’adosser à la solidarité de 65 millions d’individus J’ai peur des ravages des cyclones et des tremblements de terre sans réparation J’ai peur de perdre les conquêtes sociales de 2 siècles de combats de la classe ouvrière J’ai peur de perdre, d’un seul coup, tous les progrès, chèrement acquis, de la démocratie J’ai peur de perdre la liberté de dire, de penser, d’agir J’ai peur des colères macoutistes de nos dirigeants de la Région J’ai peur du carrièrisme de nos politiques J’ai peur des envolées lyriques des indépendantistes qui nient la baisse-SDF du niveau de vie qui paierait l’indépendance J’ai peur des plans qui reposent sur le bon vouloir financier des autres J’ai peur des tsunamis de la mer et des grosses vagues politiques J’ai peur des tremblements de terre quand dérivent les continents et quand glisse l’autonomie vers l’indépendance J’ai peur des ouragans de nos querelles intestines J’ai peur des agenda 21 et des schémas de développement qui effeuillent à tous vents comme une litanie-sans-un-sou et qui sortent des fondamentaux de l’Union Européenne J’ai peur pour ma retraite J’ai peur pour mon salaire J’ai peur pour l’avenir de mes enfants j’ai peur de ceux qui ont peur de faire peur, quand MIM mute en MAM (Mouvement Autonomiste Martiniquais) et quand MAM vire à MIM J’ai peur des votes à main levée J’ai peur de ceux qui ont peur de voter à main nue levée J’ai peur de ceux qui disent que pour 1 euro qui entre en Martinique, il en ressort 6 qui repartent au bénéfice de la France. J’ai peur de ce raisonnement que je n’ai jamais réussi à comprendre, et je crains pour le mental de ces mentors de l’économique. J’ai peur de ces politiques qui font les naïfs et qui jouent à croire dans les paroles des politiques et qui fondent leurs projets sur des promesses (…le président de la République l’a dit !!!) J’ai peur pour ceux de SAINT-MARTIN qui commencent à regretter d’être passés au 74 J’ai peur de ceux qui refusent d’entendre les avertissements de ceux de SAINT-MARTIN qui nous crient : « ne faites pas cette connerie-là !! » J’ai peur de ceux qui oublient que MAYOTTE a fait le chemin à l’envers. J’ai peur de la précipitation J’ai peur des inconnues de l’équation 74 J’ai peur de l’assemblée unique des mêmes à recommencer, sans le test de « l’unique assemblée » DE 2003 à 2010 j’ai peur à bâbord j’ai peur à tribord quand les galériens de l’indépendance tirent des bords à bateau ivre. Oui, toutes ces peurs me sont amicales. Elles me parlent aux fondements de mon existence. Elles s’agitent, me renseignent et me réveillent quand ma base est menacée. C’est avec mes peurs que j’irai voter. Dans l’isoloir je me pincerai pour les réactiver comme on réactive une mémoire et je leur demanderai de glisser mes deux NON dans l’urne. Joseph VIRASSAMY