Le texte spécifie toutefois que le procureur peut décider, "en considération des circonstances particulières tenant à la nécessité de rassembler ou conserver les preuves, de différer la présence de l'avocat lors des auditions pendant une durée ne pouvant excéder douze heures". "Par exemple, un enfant enlevé par un pédophile et non retrouvé, c'est typiquement le genre de cas dans lequel le procureur pourra dire que la présence de l'avocat doit être différée", a précisé la ministre.
"BANALISATION"
Les questions de la présence de l'avocat, actuellement limitée à un entretien de trente minutes avec son client au début de la garde à vue, et du nombre élevé de gardes à vue ont été ces derniers mois au cœur d'une polémique entre politiques, citoyens, policiers, magistrats et avocats. Plus de 790 000 mesures de gardes à vue ont été décidées en 2009, dont plus de 170 000 pour les seuls délits routiers.
Pour mettre fin à cette "banalisation", selon l'expression du Conseil constitutionnel (dont la décision déclarant la garde à vue inconstitutionnelle est disponible ici), le projet de loi prévoit de limiter le recours à la mesure aux "crimes et délits punis d'une peine d'emprisonnement". La prolongation au-delà de vingt-quatre heures ne sera possible que si les faits sont passibles d'une peine supérieure ou égale à un an de prison. Autre innovation : le texte introduit la possibilité d'une "audition libre" de la personne suspectée, en dehors du régime de garde à vue, "pendant le temps strictement nécessaire à son audition", sous réserve de son consentement.
L'avant-projet de loi rétablit également le droit au silence du suspect en garde à vue et encadre strictement le recours aux fouilles à corps intégrales "particulièrement humiliantes" en les limitant aux cas indispensables "pour les nécessités de l'enquête". Les modifications ne s'appliqueront pas aux dispositions dérogatoires actuelles existant pour les affaires de terrorisme, trafic de stupéfiants et criminalité organisée.
La réforme de la garde à vue avait été mise en chantier dans le cadre de la refonte de la procédure pénale en 2009. Mais le ministère de la justice a été pressé d'aller plus loin dans ses propositions par une décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet censurant le régime de la garde à vue de droit commun. Après examen de l'avant-projet de loi sur la garde à vue par le Conseil d'Etat, auquel a été transmis dans le même temps la première partie de la réforme sur le procédure pénale, ces deux textes pourraient être présentés au Parlement à partir de fin octobre-début novembre, a précisé Mme Alliot-Marie.