LA MARTINIQUE BASCULE DANS LA VIOLENCE. QUE FAIRE ?

Violence

Pour un sursaut porteur d'espoir et de renouveau.

par Michel Branchi in Justice.

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« 19 meurtres commis en 2010 », titrait le quotidien France-Antilles daté des 10 et 11 novembre.

C’est ainsi que depuis le début de cette année 19 personnes ont été tuées par arme à feu ou par arme blanche, soit plus du double que l’année dernière à la même époque.

La Martinique bascule dans la banalisation de la violence.

Les autorités ont monté des opérations coup de poing vendredi 12 novembre dans les quartiers « chauds » de Dillon, Volga-Plage, Terres Sainville. Il s’agit de se montrer et de le faire savoir. Bien sûr, il est nécessaire de ne pas se laisser constituer des zones de non-droit, des no man’s land, des guettos où pourraient s’épanouir tous les trafics, ceux des drogues illicites ou d’armes à feu.notamment.

Mais, en réalité, la Martinique se trouve placée devant une montée sans précédent de la violence, en particulier celle des jeunes.

Interrogé sur les raisons de cette violence, le sociologue Louis –Félix Ozier-Lafontaine estime que « la violence découle de la défectuosité de socialisation des jeunes. Il faut savoir que la socialisation n’est pas un phénomène psychologique. La socialisation, c’est un processus dans un système ». Et d’indiquer qu’il y a en Martinique entre 8 000 et 10 000 jeunes « en déshérence » (voir dans ce numéro le compte-rendu du débat à l’AMEP sur la violence).

Pas étonnant, le chômage frappe 61 % des jeunes de 15 à 24 ans (23 % en France). Pour la première fois depuis 1946, l’activité économique est en recul de 6,5 %.

Un processus dans un système…est-il dit

A l’autre bout de la planète, à Séoul se sont réunis au même moment les chefs d’Etat du G20 qui rassemble les pays les plus puissants de la planète pour tenter de juguler la crise financière capitaliste révélée au grand jour par le séisme de septembre 2008. En se servant de la création de milliards de dollars pour rééquilibrer ses déficits abyssaux, Washington a encore exacerbé les antagonismes avec les pays émergents (en particulier la Chine et le Brésil) et avec l’Union européenne (principalement l’Allemagne). Ce groupe du G20 représente 80 % du commerce mondial, les deux tiers de la population mondiale et plus de 90 % du PIB de la planète.

Miné par les contradictions, le G20 a accouché d’une souris en adoptant une déclaration renvoyant à plus tard le traitement de la guerre des monnaies ou des déséquilibres commerciaux En 2011, Nicolas Sarkozy prendra la présidence du G8 et du G20. Comme à son habitude, il se vante de « casser la baraque », de « moraliser le capitalisme ». Il veut instrumentaliser cette fonction pour redorer son blason au plan interne. Le même Sarkozy a démontré en France avec sa loi sur les retraites qu’il veut rester l’ami de la Haute Finance. Le système capitaliste n’est pas prêt de sortir de la crise et de nous y entraîner.

Le système qui est incapable de socialiser les jeunes, c’est-à-dire de leur faire une place dans la société, a un nom : c’est le système capitaliste dans la forme qu’il a pris en Martinique, à savoir les système néo-colonial départemental. Un système à bout de souffle et en pleine déliquescence économique, sociale et morale comme la crise de février-mars 2009 l’a révélé en pleine lumière.

En l’espèce, il nous faut penser globalement et agir localement. Certes les causes de la violence des jeunes sont diverses : pertes des valeurs, éclatement de la famille, échec scolaire, influence des médias et des modèles culturels extérieurs, etc.

Mais il s’agit des symptômes d’un mal plus profond qui touche à l’identité et à la cohésion de la société martiniquaise projetée brutalement, en l’espace de quelques décennies, dans la société de consommation capitaliste à partir d’un processus pensé et impulsé de l’extérieur. Dans le même temps, ce système a rendu fragiles et dépendantes ses victimes qui ont peur que le moindre changement institutionnel ou statutaire leur fasse perdre les quelques subsides qui leur permettent de survivre dans la tourmente de la crise. Elles sont d’autant plus paralysées que une partie de ceux en qui elles avaient placé leur confiance pour défendre leur dignité, leur identité s’acharne à joindre leurs efforts à ceux qui ont toujours nié l’existence même d’un peuple martiniquais, d’une communauté martiniquaise.

La société martiniquaise présente bien des traits d’une « société bloquée » : A savoir une société grosse de l’impérative nécessité de réformes structurelles et incapable de dégager les forces sociales capables de les mettre en oeuvre

Ce que nous vivons a été déjà décrit par Frantz Fanon dans son ouvrage phare « Les damnés de la terre ». C’est le pourrissement de la société capitaliste et coloniale telle qu’elle a historiquement pris forme dans ce pays. Ce pourrissement peut déboucher sur une violence incontrôlée et autodestructrice.

Pour résoudre la question de la violence, il faut un sursaut martiniquais de toutes les énergies de ce pays. Seul un authentique pouvoir martiniquais démocratique et populaire (l’Autonomie véritable), fondant sa légitimité dans notre histoire et notre culture, peut engager cet effort de renaissance du pays martiniquais. Un pouvoir martiniquais porteur d’une véritable Alternative de progrès, d’un projet partagé.

A cet égard, ceux qui s’échinent à retarder la petite avancée que peut constituer la mise en place de cet instrument de cohésion que peut être la Collectivité Unique prennent une lourde responsabilité. Nous ne pouvons attendre.

Dans l’immédiat, dans les structures actuelles, la société civile martiniquaise dans toutes ses composantes doit réfléchir sur les moyens d’endiguer cette violence en agissant pour un jour être en capacité de l’éradiquer.

Michel Branchi


Rédacteur en chef de Justice


Le 15/11/2010