LA MINISTRE C. TAUBIRA VEUT AUTORISER LES "CLASS ACTIONS" EN FRANCE

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Taubira veut autoriser les «class actions» en France

 

FOCUS - La garde des Sceaux a annoncé vendredi dans une interview au Parisien son intention de permettre les actions groupées en justice. Une procédure régulièrement envisagée mais dont l'intitulé recouvre bien des possibilités.



• Qu'est-ce qu'une «class action»? C'est un recours collectif en justice entrepris par un grand nombre de personnes qui ont toutes subi le même préjudice. Aux États-Unis, ce type de procédure est né dans les années 50, suite à une catastrophe industrielle. Aujourd'hui, elle est le plus souvent utilisée par des consommateurs ou des actionnaires lésés par une société, mais peut aussi concerner un scandale sanitaire.

La particularité de cette «class action», c'est que les dommages et intérêts auxquels l'entreprise est condamnée le cas échéant ne concernent pas uniquement les victimes qui ont directement porté plainte. Une fois le jugement prononcé, même celles qui n'étaient pas partie au procès peuvent en bénéficier, si elles se font connaître dans un certain délai et qu'elles démontrent leur appartenance à la catégorie des victimes.

• Existe-t-il un équivalent en France? Le principe de notre système judiciaire est que chaque victime agit individuellement. Plusieurs plaignants peuvent joindre leurs plaintes, mais chacun doit avoir engagé au préalable une procédure individuelle. Le problème c'est que, quand des milliers de victimes ont subi un préjudice individuel minime (comme dans le cas des trois opérateurs téléphoniques condamnés pour entente illégale), il leur faudrait engager des frais d'avocats et se lancer dans plusieurs années de procédure pour récupérer quelques dizaines d'euros. Elles y renoncent donc.

L'action en représentation conjointe est, à l'heure actuelle, ce qui se rapproche le plus en France d'une action de groupe. Elle permet à une association de consommateurs agréée d'agir au nom de plusieurs victimes ayant subi le même préjudice. Mais en cas de dommages et intérêts, l'argent est versé à l'association.

• Quelle sont les oppositions à une «class action» française? Du Québec à l'Australie, de nombreux pays à travers le monde - dont plus d'une dizaine en Europe - ont déjà adopté la «class action». En France, elle a été promise plusieurs fois, notamment par le président Jacques Chirac et par son successeur Nicolas Sarkozy. Mais à chaque fois, le sujet a été enterré sous la pression du patronat. Le Medef considère en effet que les actions de groupes font peser une menace économique sur les entreprises, que le syndicat a même chiffrée: plus de 16 milliards d'euros par an.

• Des projets français et européen. Malgré les blocages, un projet (porté par deux sénateurs PS et UMP) a été adopté en première lecture au Parlement en décembre dernier. Mais telle qu'elle est envisagée dans ce texte, la «class action» à la française n'a pas grand-chose à voir avec sa version américaine. Son champ d'application est en effet limité au droit de la concurrence, et seules les associations de consommateurs agréées seraient habilitées à agir. Un champ d'action également retenu par la Commission européenne, qui se penche de son côté sur un projet de directive. Dans les deux cas, les victimes de scandales sanitaires, comme celui des prothèses PIP, ou de drames type Concordia, ne pourraient donc avoir recours à ces «class actions».

En annonçant vendredi son intention «de permettre les actions de groupe», Christiane Taubira n'a guère donné de détails sur l'étendue des domaines que couvrirait la procédure. Mais en évoquant «la réparation de petits litiges», la ministre de la Justice paraît ne pas vouloir lui donner l'ampleur qu'elle peut avoir outre-Atlantique.