L'Amérique dérape
46 millions d'Américains ne bénéficient d'aucune couverture médicale et sont contraints d'aller faire la queue aux services des urgences des hôpitaux ou dans les "hôpitaux de campagne" installés dans les gymnases des grandes villes.
D'où le projet de réforme de l'assurance-santé, cher à Barack Obama, qui provoque une avalanche de critiques.
Débats publics qui tournent au pugilat, références à l'Allemagne nazie... Réactions beaucoup trop vives pour être honnêtes.
En quelques jours, le débat sur la réforme du système de santé aux Etats-Unis a sérieusement dégénéré. Les actes d'intimidations et de vandalisme à l'encontre des élus démocrates se sont multipliés et les menaces s'étendent désormais à Barack Obama lui-même. Le parlementaire démocrate de l'Etat de Washington, Brian Baird, a reçu une photo du président américain grimé comme le «Joker», l'ennemi juré de Batman. Sur le front d'Obama, l'expéditeur du courrier a dessiné le symbole communiste de la faucille et du marteau croisés, écrivant en dessous «Mort à tous les marxistes. A l'étranger comme aux Etats-Unis». Dans la même veine, David Scott,représentant démocrate de Géorgie, Etat du vieux Sud, a découvert mercredi une croix gammée peinte sur l'entrée de sa permanence électorale. Ce parlementaire noir d'origine afro-américaine a lui aussi reçu, il y a quelques jours, plusieurs lettres racistes et présentant le 44e président américain comme un communiste. Le swastika inversé tagué a indigné la Maison-Blanche. «Invoquer l'Holocauste est hors de propos»,a martelé le porte-parole du président. «Cela montre que les choses ont complètement dérapé». Mais cet incident n'est pas isolé. Certains citoyens opposés à la réforme de santé n'ont pas hésité à affubler sur des pancartes le visage d'Obama de la moustache d'Adolf Hitler ou à imprimer des photos du Führer déclarant : «Nous adorons ta nouvelle réforme». Alors que Barack Obama animait mardi un débat à Portsmouth, une manifestante brandissait à l'extérieur de salle une pancarte superposant les traits du président avec ceux d'un officier nazi. Lors de cette même manifestation, la police a gardé un œil sur William Kostnic. Ce protestataire était non seulement venu avec sa pancarte mais aussi avec son pistolet attaché à sa hanche… Une pratique tout à fait légale dans le New Hampshire du moment que l'arme est visible de tous. Sur le web des conseils pour «animer» les débats C'est justement dans ces réunions de quartier que sont apparus les premiers signes de radicalisation du débat. L'exercice a tourné le plus souvent au pugilat verbal pour les élus favorables au projet. A l'image d'Arlen Specter. Le sénateur démocrate de Pennsylvanie a ainsi été copieusement invectivé mardi. «Un jour Dieu sera devant vous et vous jugera !», lui lance un homme, déçu de ne pas avoir pu lui poser une question. «Vous ne m'écoutez pas parce que je ne suis pas un lobbyiste capable de remplir votre poche, vous êtes malhonnête», conclut-il. » Arlen Specter malmené par son auditoire «Le problème, c'est la transformation de ce pays en une Russie, en un pays socialiste», enchaîne une autre participante. «Avec cette loi, le gouvernement a le droit de nous contrôler depuis le ventre de notre mère jusqu'à la tombe», se plaint un autre électeur. Très calme, Arlen Specter a salué dans ces remarques, «une manifestation de la démocartie». «Je n'en veux à aucun de ses participants même s'ils me font passer un quart d'heure infernal, ils méritent d'être écoutés» » Le meeting du sénateur Ben Cardin Le même type de scènes s'est répété, pour leplus grand plaisir des télévisons, dans le Maryland, où le sénateur Ben Cardina été accueillis par des huées, dans le Dakota du Nord où un collègue a essuyé les hurlements de la foule, dans le Missouri une maréede mains levées a accueilli la sénatrice qui demandait «qui est opposé à la réforme ?» Les deux sénateurs destinataires de lettres de menaces, Brian Baird et David Scott, avaient également été pris à parti oralement dans leurs meetings. La réunion de quartier houlouse de David Scott Brian Baird a même accusé les contradicteurs les plus violents «d'avoir une mentalité de lyncheurs. Selon CBS, certaines associations conservatrices ont publié sur internet une série de recommandations «pour animer les réunions de quartier et donner aux élus une dose de réalité populaire». «Soyez aux aguets de la meilleure occasion de lui hurler dessus, cela le déstabilisera», explique le mémo. Et la bataille ne fait que commencer : la chambre de commerce américaine a lancé jeudi une campagne de publicités télévisées (anti-réforme dans 20 Etats. Le camp démocrate n'est pas non plus exempt d'initiatives controversées. La semaine dernière, le blog officiel de la Maison-Blanche a demandé aux citoyens de rapporter, par email, toutes les informations «louches» ou les rumeurs qui circulent sur le projet de réforme du système de santé duprésident. Une chasse aux rumeurs qui a indigné les républicains. «L'engagementdes citoyens ne doit pas se heurter à la crainte que le gouvernement ne surveille la liberté d'expression», souligne-t-on.