La Tribune de Raphaël Confiant

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RENDRE A MARIE-JEANNE…

Il faut rendre à Marie-Jeanne ce qui est à Marie-Jeanne…

   Je n’ai jamais été membre du MIM (Mouvement Indépendantiste Martiniquais) et ne suis pas membre du MIM, mais j’ai été scandalisé par les attaques venimeuses lancées contre « Chaben » sous la plume de gens qui n’ont jamais fait de même à l’encontre des politiciens traitres de la Gauche dite classique que je préfère, pour ma part, appeler la Gauche-lapia.

   Et pourquoi ce vitriol ?


   Parce que Marie-Jeanne avait déclaré à la télévision que, sans aucunement suspendre les négociations, il fallait desserrer l’étau sur la population au niveau de l’alimentation et de l’essence. Jamais « Chaben » n’a demandé d’ « arrêter lagrève » comme l’ont mensongèrement affirmé ses contempteurs. Jamais ! Il est à noter d’ailleurs que d’autres politiciens, notamment Serge Letchimy, maire de Fort-de-France et député de la Martinique (PPM), sont allés dans le même sens, le même jour et sur la même chaîne de télé. Curieusement, aucun d’eux n’a été l’objet de la vindicte des belles âmes qui nous vantent « les produits de haute nécessité » et autres âneries destinées à se faire mousser dans la presse française.

    Marie-Jeanne avait ajouté ce jour-là que si l’étau n’était pas quelque peu desserré, la situation risquerait de dégénérer. Et ça n’a pas manqué ! Quelques jours plus tard, Fort-de-France, Le Lamentin et Schoelcher ont été la proie d’une bande d’encagoulés évaluée entre 50 et 200 individus, se déplaçant à moto, armés de fusils et tirant à balles réelles sur les forces de l’ordre. Ces voyous ont dévalisé Guy Vieules (nègre), Casino (Chinois), L’Univers du pneu (nègre),CyberH (chinois), un bijoutier nègre du centre-ville, incendié une quinzaine devoitures, braqué des automobilistes pour utiliser leurs véhicules comme voiture-bélier. A ma connaissance, aucun bien appartenant à un Béké n’a été attaqué ou pillé !

   A la télévision,« Chaben » a eu - comme on le comprend ! - le triomphe modeste. Il avait prévenu les uns et les autres que la situation risquait de dégénérer. On l’a raillé, insulté même, des fonctionnaires-trotskystes-opportunistes l’ont traité de « Bissette » ou de « Lagrosillière », ces politiciens mulâtres du 19è siècle qui avaient décidé de « faire un bout de chemin avec l’Usine », c’est-à-dire de pactiser avec le patronat blanc créole. Un soir, à la sortie des négociations en préfecture, il a même été hué par une partie des manifestants !

   Le moment venu, lorsque cette grève sera finie, on fera le compte des manipulations, des ignominies et de la démagogie de certains. Du double-jeu surtout de certains.

   Pour l’heure, tout Martiniquais honnête devrait reconnaître à Marie-Jeanne au moins deux réalisations sans précédent :

   . il a réussi à dédiaboliser l’idée d’indépendance dans l’esprit des Martiniquais car il s’est toujours fait élire sans jamais mettre son drapeau dans sa poche. Les 74.000 voix qui se sont portées sur son nom et sa liste aux dernières élections régionales savaient pertinemment que« Chaben » est indépendantiste, pourtant elles n’ont pas eu peur de voter pour lui. « Chaben » est donc le premier à avoir réussi à pulvériser le « chantage au largage » de la Droite et d’une fraction de la Gauche-lapia.

   . il est le premier à avoir réussi à ouvrir une chemin vers l’autonomie grâce à des débats et des actions menées depuis1999, depuis 10 ans donc, lesquels se sont concrétisés le 18 décembre dernier par la réunion du Congrès de la Martinique (les deux collectivités réunies) et l’adoption d’une résolution, votée à une très large majorité, en partenariat avec le RDM (Rassemblement Démocratique de la Martinique) de Claude Lise, en vue de demander l’organisation d’une consultation visant à un changement institutionnel dans le cadre de l’article 74 de la constitution française.

   Il peut sembler paradoxal qu’un indépendantiste réclame l’autonomie, mais ce serait oublier que ceux qui pendant 50 ans, sous la houlette d’Aimé Césaire, avaient soi-disant l’autonomie pour mot d’ordre, n’ont jamais réussi ni à lui donner un contenu concret ni à convaincre le corps politique martiniquais de l’adopter. Le plus comique c’est qu’aujourd’hui, ces gens-là font la fine bouche sur la résolution du Congrès alors qu’ils devraient remercier « Chaben » d’avoir fait leur travail à leur place.

   Ce petit pays colonisé ne peut pas se libérer par les armes. Il ne le peut que par les urnes. A moins que certains ne s’imaginent que ce pourrait être par les émeutes et les pillages. Pour instaurer la dictature du lumpen-prolétariat, sans doute. Ce même lumpen qui s’est empressé de voler non pas des sacs de pommes de terre, des bouteilles d’huile ou des boites de pâtes alimentaires, mais ces « produits de haute nécessité » que sont les chaînes hi-fi, les télés à écran plasma et les motos 500cm3. Soyons sérieux !

   Ni dans la très communiste Cuba, tout au nord de notre archipel, ni dans la très capitaliste Barbade, au sud de celui, une grève n’aurait pu paralyser le pays pendant si longtemps. Pourtant, nul n’ignore qu’il existe de la pwofitasion dans ces deux pays. Tout le monde connaît celle pratiquée par la bourgeoisie barbadienne, pas la peine d’y insister. Peu savent, par contre, qu’à Cuba, il y a une minorité de 500.000 apparatchicks qui possèdent des dollars yankees et qui peuvent acheter dans des magasins approvisionnés exactement comme la Galéria ou Destreland et 11 millions 500.000 personnes qui ne disposent que d’une monnaie de singe, le peso, et qui sont obligés de faire la queue dans des magasins faméliques où la marchandise est rationnée.

   Il faut donc qu’un POUVOIR MARTINIQUAIS soit créé au plus vite pour que cesse la tragi-comédie coloniale dans laquelle certains semblent se complaire.

  Raphael Confiant