L'Appel de Maïmouna YOKESSA, 19 ans, étudiante école d'ingénieur agroalimentaire

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''Jénès, doubout ba péyi nou ! ''

Qui aime son pays et n’a pas mal en entendant un jeune de 20 ans, instruit, fort et vaillant dire qu’il s’en ira loin et ne reviendra pas ? Qui aime son peuple et n’a pas de peine en voyant des jeunes déchirés par la drogue qui ne reconnaissent plus ni manman ni papa ?

Moi, cela me torture de me retrouver face à de telles situations. Moi, ça me fait mal de voir des camarades que j’ai connus en bonne santé, vifs et fier, dépérir, rongés par le crac. Cela m’est insoutenable de savoir que dans mon peuple il y a une jeunesse qualifié, courageuse, obligée de s’exiler en Europe, aux États-Unis ou ailleurs, pour pouvoir travailler et se loger décemment, car il ne le peuvent pas aujourd’hui dans notre pays, la Martinique.

Cela m’est insupportable, de voir les forces vives de ma patrie s’en aller, lescerveaux fuir et ceux qui restent, ne pas pouvoir travailler, se loger, ouvivre, tout simplement. Qui donc ne voit pas que notre pays est en péril ?

Aujourd’hui, nous jeunesMartiniquais ne pouvons plus accepter cette situation. Car nous sommes jeunes,certes, mais responsables. Et je suis certaine qu’en tant que Martiniquaisresponsables, nous sommes entièrement capables et nous sommes prêts à déciderde notre avenir. Nous ne supportons plus que des individus qui se disent« démocrates » ou d’idéologie « progressiste » prennentplaisir à nous mettre des battons dans les roues. Nous n’acceptons plus que despersonnes mal intentionnées ou pas, viennent freiner l’ascension etl’émancipation de notre peuple, mettant le trouble dans les esprits, endiffusant des informations erronées pour effrayer la population, poursuivant letravail des gardes mobiles qui envoyaient des bombes lacrymogènes pourdisperser un peuple revendiquant ses droits les plus légitimes. Oui j’étais là,en février, quand des CRS venus de je ne sais où, nous chassaient comme desbêtes à coups de fumigènes, sans regarder qui était femmes enceintes ou enfanten bas âge.

En effet, nous étionsnombreux à manifester durant la grève de février mars 2009. Nous étionsplusieurs centaines de jeunes à avoir pris la responsabilité de descendre dansles rues pour demander spécifiquement, plus de moyens pour étudier correctementdans notre université, mais également pour dénoncer en tant que Martiniquaisaux cotés de nos ainés une dégradation conséquente, non acceptable de nosconditions de vie.

Ces gens qui attisent lapeur ont-ils mesuré l’ampleur des difficultés que rencontrent les jeunesaujourd’hui ? Ce sont-ils déjà honnêtement penchés sur notre sort ?Ce sont-ils déjà donné la peine de réfléchir objectivement aux problèmes de lajeunesse Martiniquaise ? S’ils l’on fait, pourquoi s’acharnent-ils àlancer des coups de griffes comme des fauves, par ici et par là pour se faire remarquer,au lieu de nous proposer un projet sérieux et fiable. Mais pour qui seprennent-ils ? Où se croient-ils ? Nous sommes en 2009, nous savonstous qu’aujourd’hui la vie est bien plus difficile qu’il n’y a 3O ans, surtoutpour les jeunes. L’heure est au travail, à l’action, à la responsabilité ;nous n’avons pas le temps pour les singeries et les « combats degueules » !

Ils nous montrent leurmépris pour notre peuple, pour notre histoire. Ils se moquent de nous ! Entous cas ceux qui se prêtent à ce jeu là, pèp la pé ké jwé épi yo !

Parce ce que oui, je le dis,car je le pense. En Martinique nous avons élu aux assemblées du Conseil Généralet du Conseil Régional, des hommes et des femmes qui pour la majorité ont eu lecourage et ont pris la responsabilité de proposer et de voter ensemble, mettantde côté leurs divergences, un vrai terrain de travail adapté à la situation denotre île, pour notre peuple, dans le cadre de la République française, de la« démocratie française », qui est la nouvelle collectivité régie parl’article 74 de la constitution française. C’est un travail considérable qui aété mené jusqu’à aujourd’hui.

Maintenant, c’est vrai qu’iln’est pas parfait. Bien sûr, ce n’est pas le remède qui guérira tous les mauxde notre pays ; il faut qu’on en soit conscient. Si certains s’attendent àce qu’avec cet article de la constitution française, tous les problèmes quitouchent le peuple Martiniquais soient réglés, il faut que ceux là aussicessent de rêver, car ce remède miracle n’existe pas. L’article 74 de laconstitution française est simplement le terrain qu’aujourd’hui nous pouvonsutiliser pour nous construire.

Alors, il y a-t-il desrisques ? Evidement, qu’il y a des risques ! Tous les choix que nousfaisons, toutes les décisions que nous prenons chacun dans notre vie,comportent des risques. Il faut simplement en prendre la mesure.

Qui, sachant venir unredoutable cyclone resterait dans une maison en tôle qui tombe en lambeau etpourrait lui être fatale, plutôt que d’aller s’abriter dans une maison plussolide dans laquelle, si il prend ses précautions, il survivra, parce qu’il yaurait des risques qu’en sortant de la maison en tôle qu’il glisse sur le solmouillé et tombe ? Aussi, n’y a-t-il pas plus de risque de rester dans lasituation désastreuse dans laquelle nous nous trouvons actuellement, sachantqu’elle empire et continuera à empirer si nous n’agissons pas au plus tôt, quede prendre la décision responsable de choisir pour notre avenir un cadreinstitutionnel qui nous permettra ensemble, de nous protéger et de consolidernotre pays afin de mieux résister entre autre à la crise économique qui frappele monde sans pitié, tel un ouragan de force 4 ?

Alors, quand je tombe surles écrits d’un universitaire de l’UAG, censé être un modèle pour ce qui tientde raisonnements intellectuels, qui ose sans profondeur aucune, fairemédiocrement l’éloge de la peur concernant l’évolution institutionnelle ;permettez-moi de sourire ! Car si la peur arrive à se glisser dans lestréfonds de l’esprit de ce professeur, au point de le faire tomber si bas, jevous assure qu’il n’est pas représentatif des universitaires de l’UAG et encoremoins des étudiants qui gardent la tête bien posée sur les épaules. Que lespeureux aillent se cacher pendant le combat, mais que leurs langues de vipèresse taisent et nous laissent en paix, prendre en main notre devenir. Car detoutes façons, « les chiens aboient, la caravane passe » ! Nousdevons nous mettre au pas d’un monde qui n’arrête pas de tourner. Nous sommesune jeunesse qui ne se laisse pas faire et qui marquera l’histoire, par soncourage, sa dignité et sa détermination. Tou sa ki paré frennen nou, ba noulè ! Pas sé douvan nou ka alé !

Car nous leur devons biencela, à nos ainées qui se sont toujours battus des années durant pour sauver lepays, ont travaillé depuis leur plus jeune âge pour nous assurer un avenirmeilleur. Je revoie encore les personnes âgées nous soutenir pendant lagrève : « Alé ! Goumen ba péyi-a ! Nou pé pa an lari-a ménou la épi zòt ! » Nous n’avons pas le doit, aujourd’hui, de laissernotre pays tomber en « friche ». Femmes Martiniquaises, courageusescombattantes et « djòk » que nous sommes, « poto mitan » denotre société, notre cœur ne nous permet pas de regarder notre peuple souffrir,sans rien faire. Nous devons agir dans le bon sens.

Camarades, parce que nousavons un rôle primordial dans l’évolution de notre société, prenons notreavenir en main ! Si nous aimons notre pays, si nous en sommes fiers,puisqu’on en voit partout avec des tee-shirts 972 et des bijoux symbole de laMartinique, cessons de nous dénigrer et de nous taper sur les doigts ;faisons plutôt ce pas qui nous permettra de choisir ce qu’il y a de mieux pournous.

En tant qu’hommes et femmesdignes, ne baissons ni les armes, ni les yeux, car c’est notre avenir qui esten jeux ! Laissons les marchands d’illusions à leur commerce ettenons-nous par la main afin de prendre les devant de notre histoire, en votantun OUI massif le 10 janvier 2010 pour l’évolution institutionnelle de laMartinique dans le cadre de l’article 74 de la constitution française. Ainsi,nous reprendrons confiance en nous, et nous réconcilierons notre peuple aveclui-même. MERCI !!!

Maïmouna YOKESSA, 19 ans,

Étudiante en écoled’ingénieur agroalimentaire.