Un investigateur du Canard aurait reçu des subventions du Gouvernement
"Nous critiquons les autres, donc nous sommes critiquables", disait Roger Fressoz, ancien directeur du Canard . C'est chose faite !
D'après le communiqué adressé à notre rédaction, il semblerait que Alain Guédé, investigateur du Canard enchaîné ait reçu une subvention d'Etat pour l'organisation de la commémoration de l'abolition de l'esclavage aux jardins du Luxembourg, le 10 mai dernier.
Alain Guédé, investigateur du Canard enchaîné en compagnie du Président de la République, en une du Parisien: c'était le 11 mai 2008. C'est l'homme aux cheveux gris sur la photo. Alain Guédé était l'organisateur de la commémoration de l'abolition de l'esclavage aux jardins du Luxembourg, le 10 mai dernier.
Après avoir écrit un livre Monsieur de Saint-George, le Nègre des Lumièresen 1999, retraçant l'histoire de celui qui fut, au 18e siècle, le premier compositeur noir de l'histoire de la musique occidentale, Alain Guédé a fondé l'association Le concert de M. Saint Georges. Il faut se rendre sur le site du Premier ministre pour apprendre que c'est Patrick Karam, le délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outremer - à gauche sur la photo - , « qui a choisi l'association Le Concert de Monsieur de Saint-George de M. Alain Guédé ».
Sur une vidéo de la cérémonie, on peut suivre également Alain Guédé durant sa visite de l'exposition en compagnie de Nicolas Sarkozy et de Patrick Karam.
Spécialisé dans les affaires de financement du RPR (co-auteur chez Stock, deLa razzia, enquête sur les fausses factures et les affaires immobilières du RPR, 1995, Péril sur la chiraquie, en 1996), Alain Guédé a expliqué aux auteurs du vrai Canard qu'il s'agissait pour lui d' «un engagement antiraciste et citoyen », et que son association travaillait «en totale indépendance. »
Son association a néanmois reçu des subventions de l'Etat pour organiser la cérémonie du 10 mai. L'appréciation de Patrick Karam dans un document de la délégation interministérielle est sans ambiguité.
«Le délégué propose de donner l'intégralité du montant demandé (sur un budget total de 130 000 euros). Alain Guédé a organisé le 10 mai et n'en a retiré aucun bénéfice pour un travail considérable. Il serait paradoxal qu'il soit pénalisé»
« C'est une grosse subvention. D'autant que l'association d'Alain Guédé n'avait pas l'intégralité des frais à sa charge. C'était une manifestation officielle. » a signalé un fonctionnaire aux auteurs. La demande de subvention évoquée dans ce document se rapporte au financement d'un opéra -écrit par Alain Guédé.
L'administration a été diligente, et le versement de la somme de 24 000 euros a été effectué pour Le Concert de Monsieur de Saint-George, et acté au second trimestre pour le financement de l'opéra. Un second versement a été effectué pour la prestation du 10 mai.
« La manifestation du 10 mai a été organisée à prix coûtant, commente Alain Guédé. Nous avons reçu une subvention spécifique, partagée entre les ministères de la Culture et de l'Outre-mer. » Alain Guédé a refusé de divulguer aux auteurs le montant de cette seconde subvention. « Je suis tenu par une certaine forme de secret », a-t-il jugé.
Alain Guédé assure être resté « complètement étanche » avec le pouvoir politique.
L'organisation par Patrick Karam de la commémoration du 10 mai avait été très discutée, dans les milieux gouvernementaux, et au-delà. Le Comité pour la mémoire de l'esclavage (CPME), associé les années précédentes, avait été tenu à l'écart. « Nous n'avons pas compris pourquoi le délégué interministériel à l'égalité des chances des Français de l'outre-mer s'est chargé de la commémoration, explique l'historienne Françoise Vergès, vice-présidente du CPME. Sa mission n'a rien à voir avec la mémoire de l'esclavage. Et cette commémoration dépasse la question de l'outre-mer. C'est une réflexion nationale sur l'histoire française. »
Incidemment, l'association d'Alain Guédé jouait donc les trouble-fête, dans le sillage de Patrick Karam, ancien porte-parole des comités de soutien de l'outre-mer à Nicolas Sarkozy.
Le site d'Alain Guédé, dont le travail historique fait par ailleurs débat chez les musicologues, est là.