LE FO KAL FAIT SON ENTREE AU VATICAN !

Le pape admet l'usage du préservatif dans des cas limités

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Dans un livre d'entretien à paraître mardi, Benoît XVI estime pour la première fois que l'usage du préservatif peut dans certains cas se justifier pour empêcher la transmission du sida, ce qui assouplit l'une des positions les plus controversées du Vatican

Dans des extraits du livre publiés samedi soir par le quotidien du Vatican, le pape évoque l'utilisation du préservatif par des prostitué(e)s comme "un premier pas vers la moralisation", tout en notant que les préservatifs ne sont "pas la façon de venir à bout du mal de l'infection par le VIH".

Certains dignitaires catholiques ont déjà présenté comme un moindre mal un usage limité des préservatifs pour enrayer la progression du sida, mais c'est la première fois que Benoît XVI mentionne publiquement cette possibilité.

L'Osservatore Romano, organe du Saint-Siège, a créé la surprise en publiant d'importants extraits de l'ouvrage intitulé "Lumière du monde - le pape, l'Eglise et les signes du temps", composé d'entretiens accordés en juillet au journaliste allemand Peter Seewald.

Le pape fait clairement comprendre que ses propos n'ont pas pour objet d'affaiblir l'opposition fondamentale de l'Eglise à la contraception artificielle, sujet de plainte de nombreux catholiques pratiquants.

PAS DE POSITION OFFICIELLE

La plupart des dirigeants de l'Eglise déclarent depuis des décennies que les préservatifs ne font pas partie de la solution dans la lutte contre le sida, bien qu'aucune position officielle sur ce point n'ait été inscrite dans un document du Vatican.

L'an dernier, le souverain pontife avait suscité un tollé de protestations en déclarant aux journalistes qui l'accompagnaient en Afrique que les préservatifs ne devaient pas être utilisés parce qu'ils risquaient d'aggraver la propagation du sida.

L'opposition du Vatican à la régulation artificielle des naissances est fortement contestée, même en milieu catholique, depuis son entérinement dans l'encyclique "Humanae Vitae" (De la vie humaine) promulguée par Paul VI en 1968.

Benoît XVI souligne que "les grandes lignes d'Humanae Vitae demeurent justes", faisant ainsi comprendre que ses propos sur les préservatifs ne doivent pas s'appliquer à la régulation des naissances mais seulement à la prévention du sida.

A ses yeux, le fait de concentrer l'attention générale sur le préservatif "implique une banalisation de la sexualité" où celle-ci n'est plus une expression d'amour "mais seulement une sorte de drogue que les personnes s'administrent".

Le livre, qui compte 219 pages, est constitué des réponses du pape aux questions que lui a posées Peter Seewald, journaliste catholique, pendant plus d'un mois à sa résidence d'été de Castel Gandolfo.

PROSTITUÉ OU PROSTITUÉE ?

Lorsque Benoît XVI lui déclare que l'usage de préservatifs peut être justifié dans des cas limités, par exemple par des prostitué(e)s, Seewald lui demande : "Voulez-vous dire que l'Eglise catholique n'est de fait pas opposée en principe à l'usage de préservatifs ?"

Le pape répond : "Bien entendu, elle ne considère pas cela comme une solution véritable ni morale, mais dans tel ou tel cas il peut néanmoins y avoir, dans l'intention de réduire le risque d'infection, un premier pas dans un mouvement vers une manière différente, une manière plus humaine, de vivre la sexualité."

Curieusement, dans les traductions anglaise, française et allemande du livre, le pape donne l'exemple d'une justification possible du préservatif lorsqu'il est utilisé par "un homme prostitué" - ce qui distinguerait ce cas de son utilisation comme moyen contraceptif, que l'Eglise condamne.

Mais les extraits en italien cités par L'Osservatore Romano lui attribuent les mots "una prostituta" (une prostituée). Il n'était pas possible dans l'immédiat d'obtenir une clarification à ce sujet.

Dans d'autres parties du livre, Benoît XVI présente Pie XII, qui fut pape durant la Seconde Guerre mondiale et que certains accusent d'avoir fermé les yeux sur l'Holocauste, comme "l'un des grands justes, (qui) a sauvé plus de Juifs que toute autre personne".

Le souverain pontife confie également que les scandales de prêtres pédophiles qui ont secoué l'Eglise ont constitué "un choc sans précédent", bien qu'il ait suivi ce dossier pendant des années. Il dit comprendre que des personnes puissent quitter l'Eglise en signe de protestation.

Il indique par ailleurs qu'il serait prêt à démissionner s'il n'était "plus capable physiquement, psychologiquement et spirituellement d'accomplir les tâches de sa fonction", ce qu'aucun pape n'a fait depuis 700 ans.

Philip Pullella, avec Tom Henegan à Paris; Jean-Loup Fiévet et Philippe Bas-Rabérin pour le service français