LE PALIMA N°16 : CAP SUR LE TOUT TOURISME...

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CAP SUR LE TOUT TOURISME… 


Le mardi 12 juillet, la plénière du Conseil Régional s’est penchée sur le « Projet de réforme du tourisme de Martinique », présenté par la majorité « Ensemble pour une Martinique nouvelle » et  le néo-ppm. Le Groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants a clairement mis en évidence les limites de ce document et s’est abstenu. Annoncé comme la révolution copernicienne du secteur touristique, ce « projet » reste décevant, pauvre et partisan dans son diagnostic, sans doctrine et stratégie pour l’avenir.


Vaine arrogance et procès en sorcellerie

L’exercice du pouvoirexige toujours hauteur de vue, intelligence et humilité. On peut regretter queces qualités aient été absentes des interventions du néo-ppm, à l’occasion dudébat sur le tourisme en Martinique. L’adoption, en décembre 1999, du Schéma deDéveloppement et d’Aménagement Touristiques (SDAT) avait eu lieu dans un climatautrement plus responsable qui a sans doute permis le vote unanime des élus (àl’exception d’une abstention au Conseil Général).

Ainsi, le refus ostensiblede la rapporteuse de l’originale Politique Unique du Tourisme de saluer letravail de son prédécesseur à la tête du Comité Martiniquais du Tourisme (CMT),Madame De Grandmaison, relève de l’absence du minimum de culture démocratiqueet de bienséance que l’on est en droit d’attendre d’un élu et d’une institutionpolitique. Cette arrogance peut paraître d’autant plus insupportable que, pourl’heure – et en souhaitant tout de même qu’il en soit différemment à l’avenir-la consistance du bilan de la nouvelle présidente du CMT est inversementproportionnelle à son exposition médiatique personnelle (Echec cuisant del’opération Benodet, en mai 2011, chute de 68,4 % de la croisière entre janvieret mai 2011, etc.).

Tout aussi navrantapparaît la tentation du diagnostic-règlement de compte qui fourvoie sesauteurs dans le dédale de leur propre amnésie. En effet, la stratégiepoliticienne du néo-ppm visant à imputer à ses adversaires la responsabilité dela crise du secteur touristique se heurte à un écueil de taille :

De 1986 à aujourd’hui, àl’exception notable de Miguel LAVENTURE (2001-2003), tous les responsables dutourisme, au Conseil Général comme au Conseil Régional, ont appartenu auPPM !

Aussi, s’il avait fallu, de manière simpliste,trouver des coupables, sans doute eût-il été plus judicieux de les chercheressentiellement dans les rangs de ceux qui se posent  aujourd’hui en coupeurs de têtes. C’est même l’un d’eux quia présidé à la faillite et à l’affreux naufrage d’Air Martinique (voir journal« Libération » du 06/11/1997), dans les conditions que l’on sait. Lenéo-ppm se trouve par conséquent être le parti le plus mal placé de l’échiquierpolitique pour dispenser aux autres des leçons sur ce qu’il aurait fallu faireen matière de politique touristique…

 

Les facteurs de la crise du tourismemartiniquais

En réalité, la crise dutourisme en Martinique - et en Guadeloupe aussi, d’ailleurs - mérite d’êtreanalysée avec des critères plus sérieux, si l’on veut vraiment élaborer unestratégie viable pour notre pays.

Le tourisme de masse dansle monde se développe  durant laseconde moitié du 20e siècle et prend rapidement une expansionconsidérable, y compris dans la Caraïbe et en Martinique. Dès 1965 s’ouvrel’hôtel Bakoua, aux Trois-Ilets ; le Méridien suivra en 1973. Mais, c’estsurtout le 6ème plan économique français (1971-1975) qui consacrerale tourisme comme axe fondamental de développement de la Martinique et de laGuadeloupe, avec l’ouverture à l’international ou encore l’apport des fondseuropéens. Il en résultera une croissance rapide et forte de ce secteur entre1971 et 1980 puis, de manière moins spectaculaire, entre 1980 et 1990.

Le néo-ppm et ses affidéssemblent regretter cette « belle époque » du tourisme et vouloir nousramener vers ce « paradis perdu ». Pour notre part, nous ne pleuronspas cette expérience touristique parce que, dans sa conception même, elle alongtemps exclu les martiniquais, elle s’est enfermée dans des enclaves, elle aprincipalement profité à des intérêts extérieurs et ne se fondait sur aucunevision du développement durable.

Si le chiffre de lafréquentation touristique subit une baisse constante depuis 1998, en dépit dequelques reprises ponctuelles, les facteurs de la crise sont plus anciens etremontent au tout début des années 90.

Ainsi, dans un rapportintitulé « Le tourisme dans les Dom-Tom » (août 1993), l’Institutd’Emission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM) notait :

Ø  « La Martinique et la Guadeloupe paraissentavoir trop investi dans un tourisme traditionnel en partie dépassé et vivementconcurrencé ».

Ø  « Les Antilles n’enregistrent, par rapport àla plupart des autres îles de la Caraïbe, que des résultats modestes. Ainsi,elles ne drainent qu’une faible part des touristes (hors croisiéristes)fréquentant la zone ».

A propos de la clientèleaméricaine et canadienne, le rapport de l’IEDOM précise :

Ø  « Les Antillesfrançaises n’ont toujours capté qu’une faible part de la clientèle nord-américaine,mais celle-ci tend à singulièrement diminuer (0,4 % en 1990, contre 1,5 % en1980) et surtout la chute en valeur des arrivées est particulièrement sensibleet va en s’accélérant, tant pour les Américains que pour les Canadiens. Cetteévolution est d’autant plus préoccupante que la tendance générale sur lesautres îles de la Caraïbe est au contraire à peu près à la hausse ».

Ø  « la dépendance desprincipaux DOM-TOM touristiques à l’égard de la conjoncture économique et desfluctuations monétaires est particulièrement significative si l’on observe lecomportement de la clientèle nord-américaine vis-à-vis des Antilles françaiseset de la Polynésie durant la dernière décennie. Au cours de la première phasedépressive qui  a duré jusqu’en1983, la fréquentation par cette clientèle de la Martinique a singulièrementrégressé (la fréquentation hôtelière a chuté de 21,5 % entre 1980 et1983) ».

Ø  « Le véritable tournant s’est situé en milieudes années 80, la reprise économique amorcée en 1984 culminant en 1987 et ledollar qui était tombé à moins de 5 francs au début de la dernière décennieatteignait presque 10 francs en 1985 pour ensuite progressivement retomber(5,69 francs en 1990). La Martinique a obtenu sa plus forte fréquentationaméricaine en 1985 (+45 % par rapport à 1980) puis l’a vue progressivementbaisser pour finalement chuter (-40 % en 1990 par rapport à 1980). LaGuadeloupe a enregistré sensiblement le même phénomène aux mêmes époques (-49 %en 1990 par rapport à 1980) ».

Le SDAT a élaboré le diagnosticde la chute de la fréquentation touristique en Martinique :

Ø L’environnement international,

Ø La concurrence des pays de la Caraïbe avec un rapport qualité/prix plusavantageux,

Ø L’absence d’une stratégie adaptée à ce contexte,

Ø L’inadaptation de nos produits et l’offre peu diversifiée centrée sur lebalnéaire,

Ø Le vieillissement du parc hôtelier,

Ø Les problèmes de desserte aérienne.

A bien des égards, lessituations guadeloupéenne et martiniquaise sont, sur le fond, assez proches.Une étude datant d’octobre 2008, intitulée « l’évolution de lapolitique touristique en Guadeloupe et son impact sur l’économie et l’emploi àl’aide de modèles appliqués » a été réalisée par Louis DUPONT de laGeorges Washington University et Alain SALZEDO, Consultant en tourisme. Ellemet en lumière des caractéristiques de ce secteur que nous pourrions aisémentreprendre pour la Martinique : « dépendance de la destination àl’égard d’une clientèle particulière », « dépendance vis-à-vis deformes très organisées du tourisme », etc. Le rapport conclut au constatd’une « destination en phase de stagnation-déclin », phaserévélatrice d’une crise profonde qui est aussi celle du tourisme martiniquais.

Nous voici donc bien loindes procès en sorcellerie intentés par ceux-là mêmes qui, si on suivait leurlogique de discrédit et d’excommunication des individus, auraient été lespremiers à faire honneur au bûcher ! Mais telle n’est pas notre logique.Nous n’aimons pas les immolations…

La Caraïbe : un « tourismeréussi » ?

Dans son « projet deréforme du tourisme », le néo-ppm et « Ensemble pour une MartiniqueNouvelle » nous invitent à prendre pour modèle le « tourisme réusside nos voisins » de la Caraïbe.

Tout en demeurant unedestination modeste au regard d’autres zones touristiques, la Caraïbe a, eneffet, connu en trente ans un essor considérable de fréquentation. Bienentendu, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne et certains commeCuba, la République Dominicaine et Porto Rico, font figure de leaders dans letourisme de masse. D’autres, à l’instar de Sainte-Lucie, ont plus dedifficultés à tirer profit de ces flux. De leur côté, Saint-Kitts etSaint-Barthélémy se sont spécialisés dans un tourisme haut de gamme. Parlerdonc de la Caraïbe sans distinguer la diversité des situations (dont certainesne sont pas éloignées de la nôtre) relève de la supercherie intellectuelle.

D’autre part, que signifie« le tourisme réussi de nos voisins » ? Selon quels critèresmesure-t-on « un tourisme réussi » ? Les seuls chiffres de lafréquentation touristique sont-ils suffisamment pertinents pour juger de laréussite de nos voisins ?

S’il faut saluer lesefforts de développement des pays de la Caraïbe, parfois couronnés de succès,on ne saurait cependant parler, à leur propos, et sans analyse au cas par cas,de « tourisme réussi ». Les Etats de la Caraïbe eux-mêmes en sontconscients. Plusieurs problématiques limitatives se posent à eux :

Ø La sous-rémunération des emplois : D’une manière générale, les emploisdu secteur touristique sont mal rémunérés et saisonniers.

Ø La dépendance vis-à-vis des produits d’importation : Les avantagesengendrés par les flux touristiques sont considérablement réduits à cause del’augmentation des produits d’importation. Ainsi, Sainte-Lucie est obligée de consacrerune bonne partie de ses revenus à l’importation de produits alimentairesconditionnés. En dépit de l’augmentation de la fréquentation touristique, onobserve une perte conséquente des revenus d’Antigua et Barbuda, du fait decette logique de dépendance.

Ø Le rôle des multinationales : A l’exception notable de Cuba, une partiesignificative des profits de tourisme se voit accaparée par les transnationaleset retourne vers les pays du nord. Cette appropriation des ressources decertains pays de notre région et le contrôle des flux touristiques serventprincipalement des intérêts étrangers qui n’hésitent pas à construire devéritables enclaves touristiques excluant les populations locales. Nous avonsconnu un tel phénomène en Martinique dans les années 70, voire même après…

Ø La mono-activité touristique et les aléas du marché : Dans «Tourisme desAntilles françaises » Stéphanie BESSIERE, Harmattan, 2010,  rappelle très justement : « LaCaraïbe est la région la plus dépendante au monde du tourisme, premiercontributeur de l’économie régionale (1er rang mondial) et égalementla plus fragile sur le long terme (13e rang mondial) ».

Cette activité estextrêmement sensible aux aléas internationaux. Ainsi, en 2000, le tourismemondial enregistrait une progression de 7,4 % d’arrivées de touristes. Mais lesattentats du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis, entraînaient une baisse de lacroissance touristique, jusqu’en 2004, date à laquelle on assistait à unredémarrage. Le baromètre de l’Organisation du Tourisme Mondial (OMT) faisaitalors état d’une progression de 6 % entre 2006 et 2007. Celle-ci se situait àseulement 2 % entre 2007 et 2008.

Dès le second semestre2008, un ralentissement notable apparaissait. La crise financière mondiale, néedes subprimes allait alors considérablement amplifier ce phénomène et entraînerun recul de 4,3 % des arrivées de touristes dans le monde. Le secrétairegénéral de l’OMT, Taleb RIFAI, a qualifié 2009 de l’une des « années les plus difficiles pour lesecteur touristique ».

La récession économique aaussi, inéluctablement, modifié les comportements des touristes qui, pour desraisons que chacun peut comprendre, limitent les dépenses : Recherche depromotions, de voyages à forfait ; réduction du nombre de déplacements etde la durée des séjours ; choix de la proximité et des marchésdomestiques. Ces nouveaux comportements contribuent, bien entendu, à réduire larentabilité du tourisme. Ce contexte génère des drames sociaux dans les paysfortement dépendants des flux touristiques.

La zone Caraïbes a, elleaussi, subi les contrecoups du climat de récession. La Banque de Développementdes Caraïbes a exprimé ses craintes que cette crise ne soit plus profonde etdurable que les précédentes. Wayne CUMMINGS, directeur administratif de SandalsResorts International, a confessé que « la situation estdécourageante ». A Saint-Domingue, le grand chantier de Cao Cana,comportant 4 hôtels de luxe, 3 terrains de golf et un immense port deplaisance, a été mis en arrêt. 500 travailleurs ont été licenciés en novembre2009. Il en va de même pour le projet de Kingston Wharf, en Jamaïque,reprogrammé pour 2011, compte tenu de la défection de plusieurs banquesinternationales.

Le « World Travel andTourism Council » a publié des chiffres éloquents sur le recul de lafréquentation touristique dans la Caraïbe, en 2009 :

Anguilla : - 22,6 %

Antigua et Barbuda : - 11,8 %

Bahamas : - 9,3 %

Barbade : - 8,7 %

Bermudes : - 10,5 %

Dominique : - 12,1 %

Iles Vierges Britanniques : - 17 %

Sainte-Lucie :  - 5,8 %

St-Vincent et les Grenadines : -11,2 %

Saint-Barthélémy : - 14,9 %

Ces données revêtentd’autant plus d’importance que, pour l’année 2009, le tourisme représentait67,6 % des emplois à Anguilla, 80 % à Antigua et Barbuda, ou encore 78 % àAruba. A titre comparatif, ce pourcentage est de 9,3 % en Martinique.

Comme nous le mentionnionsplus haut, les Etats de la Caraïbe sont conscients de ces insuffisances et ycherchent des alternatives. C’est dans cet esprit qu’a été mis en place, en2005, un Programme Régional de Développement du Tourisme Durable de la Caraïbe(CRSTDP). L’un de ses objectifs consiste à : «Développer et renforcer lesliens entre le tourisme et d’autres secteurs économiques pour renforcer l’effetdémultiplicateur et réduire les pertes dans ce domaine ».

En décembre 2001,l’Association des Etats de la Caraïbe créait la Zone du Tourisme Durable de laCaraïbe (ZTDC).

L’affirmation du néo-ppmdu prétendu « tourisme réussi de nos voisins » et son absence destratégie claire font légitimement craindre une fuite en avant dans letout-tourisme et ses dérives environnementales, sociales, culturelles,foncières et économiques.

 

L’art de ressasser

« L’heure est venuede repenser en profondeur notre stratégie de développement » annoncepéremptoirement le rapport sur « le projet de réforme du tourisme deMartinique », si joliment baptisé par ses propres concepteurs de laPolitique Unique du Tourisme (PUT).

Mais la révolutioncopernicienne promise n’a pas eu lieu et l’on a malheureusement bien du mal àidentifier dans ce « projet » « le repenser en profondeur »et la « stratégie », qui plus est « de développement ».

A vrai dire, lesconcepteurs de la PUT se sont livrés à une opération de pillage intellectuel duSDAT (Schéma de Développement et d’Aménagement Touristique) élaboré en 1999, dela « 1ère conférence du tourisme de la Martinique » (7 et 8 octobre 2002), etdu SMDE (Schéma Martiniquais de Développement Economique), conçu en 2006.

La démarche a consisté à« piquer » ça et là les recommandations phares de ces travaux, en lesdépouillant, délibérément, des diagnostics et des analyses de fond qui lesportaient. Si le SDAT, la conférence du tourisme martiniquais et le SMDEtentaient de définir une véritable stratégie, la Politique Unique du Tourismes’est contentée de faire dans la communication, se bornant à déclamer unflorilège d’opérations destinées à séduire le chaland.

Les EAT (Espacesd’Aménagement Touristiques), la formation des acteurs du secteur, lasensibilisation de la population, la signalétique sur les sites touristiques etles plages, la valorisation des sites, la diversification et la labellisationdes produits, la conquête des marchés de l’Amérique du Sud et d’ailleurs, riende tout cela n’est vraiment nouveau. Ce n’est donc pas du repensé mais duressassé 

Avouons cependant que l’onn’avait pas pensé à la « réhabilitation de la Fontaine Gueydon avec laville de Fort-de-France », projet promis depuis 2001 à la populationfoyalaise par l’actuel président de Région, alors candidat à une premièremandature municipale dans la « ville-capitale ».  Cette nouveauté est donc à mettre àl’actif de « Ensemble pour une Martinique nouvelle » !

Ce constat de plagiatfait, il convient de s’interroger sur deux illustrations de la politiqueinitiée par la « nouvelle gouvernance ».

D’abord « la sensibilisation de la population »

Dans le rapport, en page6, « la population », nous prophétise-t-on, « devient bâtisseurde paradis ». Peut-on, avec un minimum de sérieux et de bon sens, inviterla population martiniquaise à bâtir un « paradis » pour touristes, aumoment même où elle est confrontée à tant de difficultés etd’incertitudes ? Peut-on, avec l’argent du contribuable, faire pire dansle message publicitaire suranné dont on ne peut que douter del’efficacité ?

Un tel message, à luiseul, met en lumière le décalage tragique existant entre les projets decertains spéculateurs du secteur touristique et la réalité du vécu quotidiendes Martiniquais. Ce message et la démarche qui la sous-tend sont par naturecontre-productifs à court, à moyen et à long terme.

On n’éduque pas un peupleà coup de matraquage publicitaire. Il faut, au contraire, élaborer unestratégie participative d’éducation (et non de simple communication qu’il fautréserver aux marchés extérieurs) permettant de construire, avec la population,en partant de ses préoccupations et en se fondant sur ses intérêts, une visionet une attitude partagées sur le tourisme.

Il n’y a pas de paradis àbâtir, mais une activité économique à développer rationnellement avec lesMartiniquais et dans leur intérêt.

Ensuite, le mirage de Roissy

La desserte deFort-de-France dès novembre 2011, une fois par semaine, à partir de Roissy, estprésentée par l’actuelle équipe de la Région comme une formidable victoire. Onne doute pas que les fleurs et les discours pompeux seront au rendez-vous del’inauguration de cette grande affaire de notre nouveau siècletouristique !

Rappelons, tout de même,que cette expérience a déjà été tentée en Martinique : De 1999 à 2001 avecquatre vols par semaine et de 2003 à 2005 avec deux rotations hebdomadaires.Chacun sait qu’elle n’a pas été concluante.

On oublie trop souventqu’au-delà de la desserte, ce qui reste essentiel c’est le produit touristiqueque l’on propose.

 

Le postulat contestable du tout-tourisme

Dans son rapportd’information sur le tourisme, de mai 2011, le sénateur Michel MAGRAS reprendun des vieux poncifs de la doctrine économique de la France pour ses coloniesantillaises :

« …Le tourisme est lesecteur économique d’avenir pour les Antilles : C’est le gisement decroissance de ces départements pour les prochaines années, le seul secteurd’activité dont on peut espérer un développement économique durable ». (Page 17).

Et d’ajouter dans sa « recommandation n° 1 » :  « Faire du tourisme lapriorité des Antilles en matière de développement économique ».

C’était déjà là le postulat du 6ème plan économique de laFrance (1971-1975).

Mais, au-delà de lastigmatisation, si facile, des collectivités locales et de la populationmartiniquaise qui serait « réfractaire au développement du tourisme »et animée même « d’agressivité latente » (voir rapport de MichelMAGRAS – Page 23), la question reste de savoir où nous a conduit cette vision économiquefondée sur la spécialisation touristique de la Martinique et de la Guadeloupe.

Cette vision dudéveloppement constitue manifestement un échec absolu dont l’Etat françaisporte la responsabilité principale puisque la Martinique n’est pas un pays indépendantet que la politique économique est de la responsabilité de cet Etat.

La situation dedélabrement de notre économie et son impasse actuelle attestent de ce constatde mal développement, de faillite du modèle départementalo-colonial.

Il faut donc interroger lepostulat de la priorité absolue du tourisme lui-même. Certes, nous ne doutonspas que cette interpellation indispose les cerveaux habitués à la ritournelleéconomique du mirage du tourisme, mais nous parlons de l’avenir de notre payset de notre peuple. La frilosité intellectuelle, le mimétisme politique etl’affairisme de certains ne sont pas des attitudes qui nous permettront derépondre aux défis de notre temps.

De ce point de vue, ladémarche du SMDE avait toute sa pertinence. Sur la base d’un diagnostic globalde la situation de notre pays, ce schéma dessinait une stratégie dedéveloppement global à l’intérieur de laquelle il définissait la place dechaque secteur d’activités, dans une dynamique de cohérence.

Bien entendu, il n’y a denotre part nulle volonté de rejeter le tourisme comme axe de développement,mais nous estimons qu’il doit être conçu comme un axe à l’intérieur d’unevision et d’une dynamique de refondation de notre modèle économique et de notrestratégie de développement national (Martiniquais).

Le néo-ppm et« Ensemble pour une Martinique nouvelle » peuvent se gargariser depromesses ronflantes :

Ø « Création de 9 000 emplois » nouveaux « sur 10ans » (programme de campagne)

Ø « 400 000 à 500 000 touristes de croisières » (programme de campagne)

Ø « 1 million de touristes par an d’ici 10 ans » (PUT)

Ø « Augmenter la dépense moyenne annuelle des touristes surl’ensemble des segments : 380 millions en 10 ans » (PUT)

Ces chiffres sont lancés àl’encan, conformément à la méthode - désormais - connue decinq-mille-emplois-en-deux-ans.

Mais la Politique Uniquedu Tourisme ne définit pas une stratégie pour le tourisme martiniquais. Elletire dans tous les sens. Quelle cible est visée ? Veut-on poursuivre letourisme de masse ? Privilégie-t-on le tourisme de moyenne ou de haut degamme ? L’opacité semble totale sur ces questions qui déterminent pourtantla cohérence des actions qui seront mises en œuvre.

Un chapelet d’actions neconstitue pas une stratégie, avec une doctrine pertinente, des objectifsclairement identifiés, des lignes de forces, une hiérarchisation des actions etdes moyens adéquats.

Cette absence de doctrinese fait d’ailleurs ressentir dans la pauvreté de la réflexion sur le« tourisme durable ».

En page 4 du rapport(point 6), il est fait état d’  « un tourisme respectueux del’environnement qui tiendra compte de la préservation del’environnement ». Seulement le « tourisme durable » ne consistepas simplement à « tenir compte de l’environnement ». Il doit être auxfondations même de notre stratégie de développement et irriguer nos objectifs,nos actions et nos procédures.

Cette stratégie s’avèred’autant plus incontournable que, par nature, tous les types de tourisme ont unimpact sur le milieu. La massification des flux touristiques génère desperturbations considérables sur l’environnement physique et humain, entraînantsouvent une dégradation irréversible de certains milieux (« spirale de lamort »  de Mc Elroy et de Albuquerque, 1998). Certains, avec une indéniablepertinence, considèrent même l’explosion de ces flux comme « uneentreprise de subordination au modèle catastrophique du développementoccidental » (A. Bastenier, 2006) 

C’est, incontestablement,une raison supplémentaire pour inscrire notre modèle de développementtouristique dans le durable, d’autant que les écosystèmes de la Caraïbe, touten étant extrêmement riches, s’avèrent fragiles comme l’ont démontré denombreuses études. Tous les spécialistes s’accordent ainsi pour reconnaître quele milieu naturel de la Martinique est déjà fortement dégradé par laconjonction de l’agriculture, de l’industrialisation et de l’urbanisation(réduction de 30 % de la mangrove en 20 ans, pollution des eaux etc…). Lechangement climatique exerce aussi une pression négative sur tous les milieux.Le tourisme renforce ce phénomène sur les fonds marins (exemple de ladégradation des écosystèmes récifaux) et sur toute la biodiversité.

Le projet de réforme del’actuelle majorité ne fait aucune mention de ces phénomènes et des moyenspermettant de les prendre en charge :

Ø  Elaboration d’un guide dutourisme durable

Ø  Dispositifs de préventionet législation adaptée

Ø  Education de masse audéveloppement durable

Ø  Mise en œuvre des critèresde durabilité (indicateurs environnementaux et socio-économiques).

Par ailleurs, ledéveloppement durable présente l’avantage de favoriser une meilleureparticipation de la population à l’industrie touristique et une répartitionplus équitable de ses revenus.

En conclusion,l’orientation donnée par le néo-ppm au tourisme révèle une incapacitéd’analyser et de remettre en question un modèle qui a fait la preuve de soninefficacité. On ne saurait nier que le tourisme représente un axe dedéveloppement important pour la Martinique. Néanmoins, le tourisme de masse etla tentation du tout-tourisme constituent une impasse à terme. Le secteurtouristique doit être intégré dans un projet de développement national(Martiniquais) global et s’inscrire dans le durable.

Francis CAROLE Clément CHARPENTIER-TITY