Le lauréat :
Parallèlement à ses études de journaliste à l'université de La Havane, Pedro Juan Gutiérrez exerce les différents métiers de marchand de glaces, coupeur de canne à sucre, dessinateur industriel, soldat, dirigeant syndical, professeur ou animateur de radio.
Tant réputé que controversé, il s'adonne à la poésie comme aux essais qu'il intitule 'Verdad y mentira en la literatura', 'Viejas tesis sobre el cuento', 'Urgencia de la poesía' ou 'Carpentier en los otros'. S'il est entre autres auteur de 'Vivir en el espacio', 'Cuentos de La Habana Vieja', 'Melancolía de los leones' et 'Le Roi de La Havane', c'est avec 'Trilogie sale à La Havane' qu'il défraie la chronique et rencontre un succès international.
Par ailleurs récompensé par le prestigieux prix Alfonso Garcia-Ramos pour son 'Animal tropical' de 2002, il revient en 2007 avec 'El nido de la serpiente : Memorias del hijo del heladero', 'Corazón mestizo' et s'apprête à sortir 'Pobre diablo'.
S'il privilégie des sujets difficiles comme la violence, le sexe ou la mort au sein de sa littérature, l'homme est également un sculpteur et créateur de quatre séries picturales nommées 'Huellas del animal tropical', 'Besos de Gloria', 'Poesía visual' et 'Peces y manzanas'. Finalement marginal et libertin, Pedro Juan Gutiérrez travaille aujourd'hui avec plusieurs revues en Amérique latine, aux Etats-Unis et vit toujours à La Havane.
Extrait du nid de serpent :
Image-Je suis à la frontière. L'espace idéal. Ni dans un pays, ni dans un autre. Avant, j'étais le secrétaire du senor Rodriguez. Un vrai fils de pute, le senor Rodriguez. J'étais son secrétaire, son assistant et son esclave vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Lui, il était grossier et insultant. Il fallait beaucoup de patience, et être dans un très grand besoin, pour supporter le senor Rodriguez et son inculte d'épouse. Son incultissime épouse. Maintenant, les Rodriguez n'existent plus dans ma vie, et les communistes ne l'ont pas encore envahie.
Il a marqué une pause, sans cesser de me fixer du regard, avant de poursuivre :
- Pour le moment, donc, j'évolue... entre deux eaux.
Quand les communistes vont venir, ils me jetteront dehors, envahiront cette demeure et détruiront tout en deux jours. Sans que j'aie le droit de protester, puisque pour eux je suis invisible, un fantôme, un déchet social de la pire espèce. Mais avant que cela n'arrive, je jouis de ma liberté. Je vis parmi les poètes, les lesbiennes, les peintres et les musiciens, les bourreurs de cul les plus jeunes et les plus charmants qui soient, les troubadours et leurs guitares, les alcooliques et les drogués, les putes et les fous. En pleine décadence, quoi. L'abolition du bourgeois. L'enfer. C'est le bonheur, mon très cher et tendre, de vivre sur une terre vacante, au milieu du feu.
Le prix :
LE PRIX DES AMERIQUES INSULAIRES ET DE LA GUYANE - PRIX AMÉDÉE HUYGHUES DESPOINTES - a été fondé en juin 2000, à Saint-François, à l'initiative de l'écrivain, Maryse Condé et de l'industriel, Àmédée Huyghues Despointes, pour faire écho à l'imaginaire romanesque du grand bassin caribéen.
Au cours d'une semaine de rencontres et de lectures publiques, auxquelles participent le jury, les auteurs invités et les écrivains en sélection, cette manifestation biennale, centrée sur l'attribution d'un prix littéraire et de deux bourses d'écriture décernés à la Guadeloupe, apporte sa contribution à la connaissance et à la diffusion de la littérature.
Depuis la première édition dont certains auteurs invités comme Edwige Danticat, témoignaient de l'ancrage de la manifestation dans les zones francophone, hispanophone et anglophone de la Caraïbe, le Prix des Amériques insulaires et de la Guyane affermit aussi une vocation d'ouverture aux écritures du monde.
Après avoir reçu en 2002 Zadie Smith, l'édition 2004 a permis de mettre en évidence la vitalité littéraire de l'Océan indien grâce à la présence de Jean-Marie Gustave Le Clézio, membre du jury du Prix en 2006.
La venue, lors de la dernière édition, d'Alain Mabanckou et deYasmina Khadra a, pour sa part, apporté un éclairage particulier aux productions du Maghreb et de l'Afrique.
Pour confirmer cette dimension, la cinquième édition du Prix des Amériques insulaires et de la Guyane qui accueille notamment l'auteur dramatique et comédien Jean-René Lemoine, le romancier Pedro Pérez Sarduy et le journaliste écrivain Patrick Poivre d'Arvor, inaugure un nouveau passage au cœur d'un autre territoire de la Caraïbe.
Sous l'égide du Président, Dany Laferrière, les membres du juryÀlain Mabanckou,Gisèle Pineau, Simone Schwartz-Bart, le journaliste Michel Reinette et deux des trois écrivains en sélection : Pedro Juan Gutiérrez et Zoé Valdès, participeront - du 20 au 22 juin - avec Yanick Lahens, Emmelie prophète et Gary Victor à des échanges organisés par le Ministère de la Culture d'Haïti et l'institut français de Port-au-Prince.
D'autres auteurs tels Bonel Auguste, Duccha Charitable, Pierre Clitandre, Kerline Devise et Claude Pierre les accompagneront dans les rendez-vous programmés à Port-au-Prince et en province.