"L'I.U.F.M., ce que l'éducation a de pire ! " in Le Monde du 24 fév.2009
Des enseignants témoignent de leur période d'apprentissage en IUFM : "Une agence publique parasite que personne n'ose dénoncer" pour certains, "Un véritable gâchis !" pour d'autres. Au moment, où on semble vouloir tout mettre à plat sous les colonnes du temple de la rue Victor Sévère, il serait bon que l'on se penche, aussi, sur le bilan de cette institution aux Antilles.
Des enseignants témoignent sur LeMonde.fr de leur période d'apprentissage en IUFM. S'ils ne sont pas favorables à leur fermeture, conséquence de la réforme de la mastérisation des concours de l'enseignement, tous sont critiques envers cette institution qui les a formés.
Un stage de caporalisation avec tout ce que l'éducation nationale a de pire ! Les formateurs étaient souvent absents. Certains avaient peine à se faire écouter. Tous étaient des "amis" du responsable de la formation : agrégés sur liste d'aptitude (c'est-à-dire pour services rendus, sans concours, à discrétion de l'inspection), camarades de syndicats ou de partis... Tous les stages étaient prioritaires, au détriment même des heures de cours que nous avions à faire. L'ambiance était telle qu'un émargement avait lieu matin et après-midi.
Dans l'IUFM où j'ai été une année, des professeurs de collège et lycée apprennent à de futurs professeurs des écoles comment faire classe. Ces enseignants ne connaissent pas la tranche d'âge auxquels les futurs maîtres et maîtresses vont être confrontés. Quelle aide peut apporter un professeur de philosophie dans le cadre d'une leçon sur la division ? Le mien m'a conseillé d'aller voir un orthophoniste pour changer ma voix et de faire du karaté pour maîtriser mon rapport aux élèves.
Autre absurdité : il n y avait pas de cours en psychologie de l'enfant. Comment repérer l'enfant victime de maltraitance ? Quelle réponse donner à un enfant en deuil, un enfant violent, un enfant abusé sexuellement ? Est-il utile d'ajouter qu'en mathématiques, nous passions des heures à monter et démonter des jeux de construction ? Parce qu'il fallait se mettre à la place de l'élève !
Je garde des sentiments mitigés de l'IUFM. En effet, il m'a semblé qu'on nous obligeait à suivre des formations parfaitement inutiles, ou seule l'obligation d'assiduité poussait les stagiaires a venir. D'un autre côté, il y avait des cours utiles, mais il y reignait une sorte de "pensée unique" concernant les méthodes didactiques et pédagogiques, ce qui posait de gros problèmes d'adaptation à bien des stagiaires. De plus, le côté pratique de la formation était trop souvent occulté, on nous decrivait la réalité qui nous attendait (les collèges de banlieue pour la plupart) sans en dévoiler la totalité.
Je pense que les IUFM eux-mêmes sont a moitié responsables de la réforme qui les fera disparaître. Ils ont trop contribué a diffuser des cadres de pensée préétablis, à répandre des vieux schémas doctrinaux concernant la pédagogie. Leurs formateurs convaincus de détenir la vérité absolue dans le domaine de l'enseignement se sont eux-mêmes sabordés.
Les IUFM ne m'ont rien appris. J'y ai suivi des séances d'un vide sidéral. On a essayé de m'y nourrir d'un pédagogisme imbécile, distillé par des spécialistes en "sciences de l'éducation", parfaitement stérile par rapport à ce que je pouvais connaître pendant mon stage "en situation".
Pire, on m'y a appris que j'étais là pour "vendre des cours à des élèves qui ne voulaient pas les acheter". Belle conception du service public. Les IUFM, sous le vide apparent qu'ils semblent recouvrir, sont en réalité un magnifique outil idéologique, au service d'une conception de l'éducation où "l'apprenant" doit avant tout apprendre... un métier. Bref, on a fait de moi un bon mouton, qui saura effectuer les tâches qu'on lui demande.
L'IUFM, ce fut un an passé à entendre des docteurs en sciences de l'éducation, en sociologie, en psychologie pendant 3 à 4 heures de cours magistraux, ou à passer des après-midi entières en atelier pour "échanger ses pratiques éducatives" ou "partager son expérience".
Un an à perdre du temps à corriger ses copies (sans même se cacher ) pendant des journées entières. Car c'est bien là ma critique principale : le fossé entre la formation à l'IUFM et les besoins d'un prof débutant : faire ses cours, anticiper les devoirs, apprendre à être autoritaire, gérer les conflits et les élèves en difficulté, pour certains préparer les travaux pratiques qui demandent du matériel, et enfin, prendre du recul pour adapter ses cours aux différents élèves.
Beaucoup de jeunes profs se retrouvant l'année suivante en ZEP (c'est mon cas), il eut été préférable d'avoir des formations pratiques (sketch de mise en situation par exemple). Mais paraît-il, "cela ne s'apprend que sur le terrain".
Je suis passé par l'IUFM en 2000. Les cours étaient consternants par leur contenu. J'ai suivi un cours sur la trajectoire de la lune (10 séances), sur la linguistique par quelqu'un qui n'en savait pas plus que moi, sur la manière de faire cours (on buvait des cafés).
Les maîtres sont en général soit des inadaptés à l'enseignement réel aux élèves (beaucoup moins tolérants que les stagiaires totalement dominés symboliquement), soit des malins qui cumulent les postes (ma "maîtresse" attitrée était en même temps professeure de classe prépa et directrice d'un centre pédagogique). Une année, beaucoup d'argent et de crédibilité de l'institution de perdu. Exemple parfait d'une agence publique parasite que personne n'ose dénoncer, soit par peur, soit par indifférence, soit par intérêt.
Nous étions tenus d'aller à l'IUFM deux fois par semaine. Cela donnait une furieuse impression de perdre son temps. De temps en temps, un formateur avait préparé son travail et réfléchi à la question: c'était aussi rare qu'agréable. Bien entendu, les vraies questions n'étaient jamais abordées : il fallait supporter des discours abscons sur la psychologie de "l'adolescent difficile", forcément "en souffrance". J'ai un jour entendu : "Mais enfin, si un élève de cinquième ne finit pas une rédaction, c'est qu'il a peur de la mort !" Peu de réflexion, peu de véritable didactique. Encore aujourd'hui, je me demande comment deux formateurs IUFM peuvent se regarder sans rire.
J'ai réussi le concours l'année où les IUFM ont été créés, ce qui m'a valu d'être intégré directement en 2e année. Le souvenir que j'en ai gardé est un immense gâchis, une immense perte de temps : des journées entières à examiner les programmes du CP au BTS, des sessions passionnantes sur "Comment utiliser un rétroprojecteur ?" Quand on sortait de là, c'était en courant.
On a quand même eu deux séances intéressantes. Mais le reste du temps, tout cela aura été d'un ennui mortel. Nous attendions tous la même chose : comment tenir la classe ? Comment préparer nos cours ? Que faire avec les élèves difficiles ? Bref, du concret, pas du blabla...
On s'est mis en grève le "jour du rétroprojecteur". On a dit ce que nous attendions. On nous a écoutés. Et les choses ont repris leur train-train.
La majorité des formateurs, des inspecteurs du primaire ont fait l'école normale et sont titulaires uniquement du baccalauréat. Ils forment des étudiants qui ont une formation universitaire BAC+3 au minimum. Profonde contradiction. J'ai vécu durant 2 ans cet appauvrissement, cet ennui, ce gaspillage de moyens humains et financiers car il y a absence d'apport théorique, d'évaluation par les étudiants, que les formateurs compensent par des recettes pour la classe clés en main.