AN : LES DÉPUTÉS ADOPTENT LE NON-CUMUL D'UN MANDAT PARLEMENTAIRE AVEC CELUI D'UN EXÉCUTIF LOCAL

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Adoption par 300 voix contre 228...en première lecture !

Le seuil de la majorité absolue a été assez nettement franchi. Le texte prévoit d'empêcher les parlementaires d'exercer un mandat exécutif local en sus de leurs attributions, et ce dès 2017.

L’Assemblée nationale a adopté ce mardi en première lecture, par 300 voix contre 228, le projet de loi interdisant à partir de 2017 le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale. En dépassant nettement le seuil de la majorité absolue de 265 sièges, l’Assemblée pourra ainsi à l’automne surmonter l’opposition vraisemblable du Sénat à ce texte. Un second projet de loi, instaurant les mêmes incompatibilités pour les parlementaires européens, à compter de 2019, a également été adopté en première lecture, par 305 voix contre 228.

 

 

 

 

 

 

 

 

Croisé à la buvette de l'Assemblée quelques instants avant le vote solennel, le député socialiste Eduardo Rihan Cypel ne cachait pas son émotion : «Je suis vachement fier de ce texte. Ça fait plus de vingt ans qu'on le met dans nos motions au PS, et je pensais que ça allait être mis de côté. Mais non, on va le faire. C'est incroyable, c'est un bouleversement tellement énorme des institutions de la Ve République !». Pour lui, «à un moment où la parole politique est très discréditée», il était important de tenir cette promesse de campagne de François Hollande : «C'est une exigence démocratique et ce vote, même si le texte ne sera pas appliqué immédiatement, montre notre volonté de tenir nos engagements. Cela aura des répercutions sur la crédibilité de la parole politique». 

Application en 2017

Mais tous les députés socialistes, même s'ils ont massivement voté pour le texte - sept absents, quatre votes contre et dix abstentions ont été recensés, contre 269 votes favorables - n'étaient à l'origine pas favorables à cette réforme. «En ce moment, le PS est faible dans l’opinion, les députés socialistes essayent donc de se rassembler autour de ce texte. Mais c’est une instrumentalisation de l’opinion», analyse le député Alain Tourret, du groupe des radicaux, républicains, démocrates et progressistes (RRDP).

Pour éviter une fronde des députés socialistes auxquels l’interdiction du cumul «reste en travers du gosier» et apparaît comme un châtiment, l’entrée en application de la future loi a été fixée en 2017, année de futures législatives, et non en 2014 ou 2015, années d’élections locales comme le souhaitaient les écologistes et certains socialistes, et l’interdiction d’exercer plus de trois mandats parlementaires de suite a été rejetée dans l’hémicycle. 

Aux Quatre Colonnes, le socialiste Laurent Baumel n'était ainsi pas si réjoui : «C'était une promesse de campagne donc il était logique de la voter. Mais il aurait été plus logique de proposer sa mise en œuvre dès 2014. Cette réforme ne sera donc pas traduite immédiatement, et le bénéfice politique ne me paraît pas tangible». «Il n’était pas possible d’appliquer cette réforme en 2014 pour des raisons politiques évidentes que j’assume», a répliqué le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, lors du débat, où il a régulièrement appelé, comme le rapporteur du texte Christophe Borgel (PS), à préserver «l’équilibre» du texte.

Les trois députés du MRC (chevènementistes), apparentés au PS, prévoyaient quant à eux de voter contre une réforme qui va «déséquilibrer encore plus les institutions de la Ve République», parce qu’elle va «sacrifier» le député-maire et parce que «la proportionnelle (en) est la suite logique». Pour le groupe RRDP, il s'agissait d'un «projet de loi dogmatique» : «Nous ne ferons pas les frais des divisions du PS, a ainsi estimé Alain Tourret dans l'hémicycle, vous avez décidé de faire des maires les boucs-émissaires de la vie politique française. (...) L'absence de bon sens, mes chers collègues, ne peut tenir lieu de politique». Seuls quatre des 16 membres du groupe RRDP ont ainsi voté pour le texte. 

A l’inverse, les écologistes considèrent qu'«il est temps de poursuivre la marche qui a été entamée en 1985, de limiter encore davantage le cumul des mandats». Sur la limitation du cumul comme sur la transparence, «les écologistes seront les meilleurs alliés du président de la République et du gouvernement», a promis Sergio Coronado, dans une allusion aux dissensions au sein même du PS. Le co-président du groupe EE-LV à l'Assemblée nationale s'est également félicité devant les journalistes de voter ce texte : «Cette loi, qui a du mal à passer à droite mais aussi à gauche, met fin à un scandale», a déclaré François de Rugy. 

«Un vaste hara-kiri»

Quant au Front de gauche, il comptait apporter ses suffrages à «une avancée réelle et décisive» pour contribuer à restaurer la confiance des Français, à un dispositif «équilibré», même s’il est «en retrait» par rapport à plusieurs propositions de la commission Jospin. Après s’être opposés au projet de loi sur la transparence de la vie publique, les radicaux de gauche ont eux décidé de voter contre «un vaste hara-kiri», en «rupture avec la tradition de la République» qui «créera une fissure» entre le gouvernement et ses «meilleurs alliés», a prévenu Alain Tourret.

La quasi-totalité des orateurs de droite ont récusé la réforme au nom de l’ancrage des élus dans un territoire, clamant que les députés allaient devenir «hors sol» et que ce projet de loi «purement démagogique n’aura pour effet que de renforcer l’antiparlementarisme». Le président du groupe UMP et député-maire de Provins, Christian Jacob, a d’ailleurs appelé la centaine de ses collègues de gauche qui partagent avec lui «le bonheur d’être maire» à ne pas approuver le projet de loi. Assez isolé dans son camp, l’ancien ministre UMP Bruno Le Maire a reproché à l’inverse au gouvernement ne pas aller assez loin, critiquant particulièrement le report à 2017.

«On doit réduire le cumul des mandats mais il ne faut pas laver plus blanc que blanc, a estimé, aux Quatre colonnes, le député UMP Philippe Gosselin. On ne peut pas comparer un mandat de maire d'une grosse ville comme Marseille ou Bordeaux et une ville de 650 habitants ! Il est bon que les élus aient de la boue sous les chaussures, et [avec ce texte] l'élu pourra être davantage tenu par son parti...»

L'obstacle du Sénat

Dans l’opposition, la plupart des députés UDI prévoyaient de voter contre un projet de loi «liberticide» qui déboucherait sur «une Assemblée totalement composée d’apparatchiks». Au final, sur 31 députés constituant ce groupe, une dizaine s'est abstenue (9 sur le texte lié aux fonctions exécutives locales et 10 sur le texte lié aux mandats européens), soit près de 30% du groupe. En revanche, la députée FN Marion Maréchal-Le Pen avait annoncé qu’elle apporterait ses suffrages à une réforme d'«une nécessité criante». Elle a toutefois regretté le report de son application à la fin du quinquennat Hollande, risquant d’alimenter le soupçon d’une simple «loi d’affichage».

Le texte sera toutefois vraisemblablement rejeté à l’automne au Sénat vu l’opposition viscérale de la grande majorité des sénateurs. Il devra donc revenir en seconde lecture à l’Assemblée, où une majorité absolue des députés devra le voter pour qu’il soit définitivement adopté puisqu’il s’agit d’une loi organique. «C'est certain qu'elle ne passera pas, estime ainsi Alain Tourret. Le Sénat est l'assemblée des collectivités locale : un Sénat sans maire c'est paradoxal ! J'espère que pour la deuxième négociation, le PS ne sera pas braqué et saura écouter ses alliés.» L'écologiste François de Rugy, au contraire, appelle le gouvernement à ne pas reculer face au Sénat : «L’Assemblée Nationale devra tenir jusqu’au bout. Quant on veut faire le changement, on trouve sur sa route un certain nombre de forces conservatrices, et d’intérêts personnels établis. Mais une majorité établie sur le thème du changement ne peut céder face à cela.»

SOURCE : AFP