Face au renoncement social-libéral et à la menace d’extrême droite
Texte collectif
La déraison et l’inouï se sont emparés du monde. Nous sommes aujourd’hui à un véritable point de bascule civilisationnel. Le règne de la finance folle, l’explosion des inégalités, l’emballement du dérèglement climatique, la montée des intégrismes et le repli xénophobe mettent l’humanité en situation de perdre la maîtrise de son destin collectif. La crise que nous traversons n’est pas seulement économique, sociale, environnementale et démocratique. C’est aussi une crise morale qui piétine les valeurs de notre République. Le choix est simple : inventer ou renoncer ; oser ou mourir. La formule de René Dumont : « l’utopie ou la mort » est plus que jamais d’actualité. Nos concitoyens sont perdus. Ce gouvernement qui se dit de gauche utilise ouvertement le discours ultralibéral de la droite. Il rétrécit notre espace de débat public et a renoncé à modifier le cadre de la construction européenne.
L’hyperprésidentialisation affaiblit notre fonctionnement démocratique, dans une Ve République à bout de souffle. Pas une semaine sans son scandale au plus haut niveau de l’État, ces affaires qui ruinent la parole politique. Notre société est menacée par la précarité des conditions de vie de nos concitoyens, avec plus de 5 millions de chômeurs et 9 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, dont près de 3 millions d’enfants. Ce dernier chiffre devrait être la première préoccupation d’un gouvernement digne de ce nom. La politique ultralibérale menée par le gouvernement et l’Union européenne conduit des Français révoltés à croire aux promesses de Marine Le Pen. Comme si c’était par le rejet des étrangers que la prospérité et la solidarité pouvaient revenir dans notre pays. Lequel Front national s’est empressé de cumuler ses deux premiers mandats de sénateurs avec ceux de maire, au mépris de ses promesses…
Face à la perspective du Front national à la tête de la France en 2017 ou en 2022, face au spectre de la barbarie, toujours animées de notre confiance en l’insurrection citoyenne des consciences, qui fleurit aujourd’hui de Barcelone à Istanbul en passant par Rio et Athènes, notre responsabilité, notre impératif est d’offrir une alternative crédible et positive. Comme le dit Edgar Morin : « Une crise peut créer le sursaut créatif mais elle peut aussi créer l’effondrement. » Nous sommes à ce carrefour. Théodore Monod lui répond d’ailleurs en écho : « La civilisation, la vraie, se construit non sur des complicités faciles, des démissions, des esclavages mais sur des refus, des ruptures. » Nos histoires et nos élaborations sont diverses. Mais elles convergent sur un point majeur.
L’écologie remet en cause un modèle de société fondée sur l’exploitation sans limites et l’accaparement des richesses au profit de quelques-uns soucieux de leurs seuls intérêts de court terme. Le dérèglement climatique et la prise de conscience de la finitude de notre planète obligent à repenser sous le prisme de l’écologie les luttes pour la justice sociale et environnementale dans un monde sans croissance rejetant le mythe d’un illusoire destin dépendant d’un progrès techno-scientifique. L’humanité dispose aujourd’hui des savoirs et des outils pour offrir des conditions de vie décentes à chacun d’entre nous.
Battons-nous pour la défense des biens communs, et pour un système de solidarité et de coopération Nord-Sud. Il s’agit de rejeter la dictature de la financiarisation et de l’austérité sans fin, de refonder un projet démocratique débarrassé des lobbies ; de défendre les services publics en s’appuyant sur les usagers et le contrôle citoyen ; de repenser l’émancipation en articulant autonomie individuelle et justice sociale ; de réinterroger la valeur travail ; de réconcilier les communautés humaines avec la nature ; de repenser et de dépasser le régime représentatif professionnalisé et la figure de l’homme ou de la femme providentiel-le pour tendre vers des systèmes d’autogouvernement fondés sur la participation citoyenne et la subsidiarité ; d’inventer un nouvel art de vivre collectif ; de réhabiliter mais aussi de réensauvager la politique, la parole, la volonté politique et le récit par ces temps de résignation.
Nous appelons de nos vœux un mouvement citoyen de transformation écologique et sociale. En agissant à l’intérieur et à l’extérieur des institutions, nous pourrons provoquer le renouveau que tous attendent. Podemos nous montre la voie en Espagne, comme toutes ces énergies citoyennes qui bâtissent ici et maintenant des projets locaux innovants.
Ce mouvement des communs nous montre qu’il est possible de dépasser nos égoïsmes, d’inventer une société solidaire. Trois chantiers sont prioritaires dans les deux années à venir : – Inventer une alternative démocratique globale aux politiques d’austérité et pour cela mettre en œuvre des laboratoires citoyens pour la coélaboration de nouvelles politiques publiques dans le but de bâtir des dynamiques communes entre les collectifs citoyens et les militants des partis politiques se réclamant de l’écologie tels que EELV, le Front de gauche, Nouvelle Donne, les Socialistes affligés… – Mobiliser les citoyens autour du refus des grands projets inutiles fleurissant partout en France, de Notre-Dame-des-Landes à Sivens en passant par l’OIN de la plaine du Var ou le Center Parcs de Roybon et dans la résistance aux traités tels que Tafta, Ceta et Tisa qui ont pour objectif d’empêcher tout choix de société qui remettrait en cause la suprématie de la concurrence libre et non faussée. – Faire émerger des pépinières d’initiatives citoyennes et d’alternatives locales dans chaque région à l’instar de ce que fait Alternatiba autour de la question de l’urgence climatique ou les Fralib et leur projet de coopérative face au géant Unilever en matière de reconversion écologique et de relocalisation de l’économie.
Déjà nous nous retrouvons dans diverses initiatives, Collectif 3A, projet de chantiers pour une alternative politique, sociale et écologiste. Cette tribune se veut une petite pierre de plus dans la construction de cette démarche. Nous n’abandonnerons jamais l’espoir car nous voyons chaque jour des initiatives qui montrent qu’un autre monde est possible, et qu’il est déjà en germe.
Source : L'Humanité.fr
(1) Signataires : Isabelle Attard, députée Nouvelle Donne, Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble pour une alternative écologique et solidaire à gauche, Martine Billard, secrétaire nationale du Parti de gauche, Anne Le Strat, coporte-parole du mouvement Utopia, et Michèle Rivasi, députée européenne EELV.