La situation de la liberté de l'information s'est aggravée en 2014 selon Reporters sans frontières, qui publie jeudi son classement annuel. La France, elle, gagne une place.
La dégradation est mondiale. L'information et ses acteurs ont connu une très forte répression en 2014, Reporters sans frontières (RSF) qui a publié son classement mondial annuel jeudi. Si les pays nordiques gardent la tête du tableau et que les régimes totalitaires continuent d'occuper les dernières places, les pays européens inquiètent l'organisation non gouvernementale, qui note que «les 2/3 des 180 pays font moins bien que dans l'édition précédente», conséquence notamment de la résurgence de groupes terroristes.
«Il y a eu une détérioration globale, liée à des facteurs très différents, avec l'existence de guerres de l'information, l'action de groupes non étatiques qui se comportent en despotes de l'information», commente Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, dont le classement s'établit sur les critères suivants: niveau des exactions, étendue du pluralisme, indépendance des médias, environnement et autocensure, cadre légal, transparence et infrastructures.
La France gagne une place
Le classement ne prenant pas en compte l'attaque perpétrée le 7 janvier contre Charlie Hebdo, la France gagne une place et se classe 38e. Mauvais élève parmi les Européens, l'Italie enregistre une chute de 24 rangs et tombe à la 73e place, en raison des «menaces notamment de la mafia et des procédures en diffamation abusives». Dans son sillage, plusieurs Etats d'Europe chutent au classement, comme le Luxembourg qui passe de la 4e à la 19e place et le Liechtenstein de la 6e à la 27e place. «Ce sont des situations assez comparables, avec une proximité entre les pouvoirs politiques, économiques et médiatiques qui génère des conflits d'intérêts extrêmement fréquents et qui ne cessent de prendre en importance», explique RSF. En revanche, pour la cinquième année consécutive, la Finlande conserve la première place du classement, suivie par la Norvège et le Danemark.
Les conflits armés, vecteur d'instabilité
À l'extrême opposé, les Etats africains, ceux du Moyen-Orient et d'Asie figurent toujours parmi les plus mal classés. La Syrie, minée par la guerre, stagne à la 177e place, juste derrière la Chine (176e) et devant le Turkménistan (178e), la Corée du Nord (179e) et l'Érythrée qui ferme la marche (180e). Le Nigeria et l'Irak, respectivement 111e et 156e, constituent aussi des véritables «trous noirs de l'information». Ils sont les pays qui ont vu fuir le plus de journalistes de leur territoire en un an. En cause: la montée en puissance d'organisations islamiques, telles que Daech (pour l'Irak) et Boko Haram (au Nigeria). «De Boko Haram au groupe Etat islamique [...] le modus operandi est le même: réduire au silence, par la peur ou les représailles», écrit RSF.
Ainsi, le classement 2014 souligne logiquement la corrélation négative entre un conflit et la liberté d'information. «Dans un contexte d'instabilité, les médias sont des objectifs et des cibles stratégiques pour les groupes ou individus qui tentent de contrôler l'information en violation des garanties apportées par les textes internationaux», souligne RSF.
En outre, l'ONG publie sur son site une carte de la répression au nom des religions et de Dieu lui-même, constatant que nombreux sont les pays où l'information doit affronter une censure visant à interdire le blasphème.
Liberté d'information versus sécurité nationale
L'association précise également que dans certains pays «la liberté de l'information cède trop souvent devant une conception trop large et une utilisation abusive de la sécurité nationale, marquant un recul inquiétant des pratiques démocratiques». Un tel environnement nuit au journalisme d'investigation et permet d'expliquer, de fait, les 13 places perdues par les États-Unis (46e).
Contacté par Le Point, Christophe Deloire souligne que «la mise sur écoute administrative, dans un contexte où le secret des sources est mal protégé, est un indicateur très négatif». Cette mesure a notamment été introduite en France par la loi de programmation militaire (LPM) en 2013. «Au nom de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme, le juge, qui est pourtant le garant des libertés fondamentales, se voit retirer la décision de mise sous surveillance» des citoyens et donc des journalistes, regrette RSF.