MARTINIQUE - G : DISCOURS DU PREMIER MINISTRE JEAN-MARC AYRAULT AUX ACTEURS ÉCONOMIQUES

Martinique. 27 juin 2013 - Hôtel La Batelière. Discours de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, aux acteurs économiques et aux employeurs de la Martinique

Madame et Messieurs les Ministres,

Si vous voulez bien me rejoindre, venez avec moi, qu’on vous voit. Oui ! Mesdames, messieurs les parlementaires, je suis heureux de retrouver beaucoup d’entre vous, monsieur le préfet merci aussi de votre présence, monsieur le président du Conseil régional, madame la présidente du Conseil général, mesdames, messieurs les élus, les responsables économiques, les Conseils économiques et sociaux.


J’ai souhaité en effet, comme je l’ai annoncé à plusieurs reprises dans les médias, rencontrer - à l’occasion de ma visite en Martinique et en Guadeloupe - les acteurs du monde économique et de l’emploi, qui sont à la fois les acteurs privés mais aussi les acteurs publics, et puis m’adresser à vous et au-delà de vous à nos compatriotes des Outremer.

La Martinique c’est comme les autres régions françaises, elle vit dans le même contexte, qui est un contexte d’incertitudes économiques, avec des indicateurs qui font état d’un climat des affaires moroses, attentistes, mais avec aussi des préoccupations spécialistes - et quand je dis la Martinique, c’est vrai aussi de la Guadeloupe, c’est vrai de la Guyane, c’est vrai de la Réunion - et donc j’ai voulu en m’adressant à vous répondre à un certain nombre de questions qui se posent ou que vous vous posez et auxquelles il est temps d’apporter je dirais un éclairage et de rassurer.

J’ai évoqué hier plusieurs fois devant quelques responsables économiques la nécessité de la clarté, de la précision, de la stabilité, c’est vrai que quand on ne sait pas de quoi le lendemain sera fait - surtout en matière réglementaire, en matière fiscale, en matière des règles du jeu - c’est très difficile de se lancer, d’investir, de programmer, donc, il est important de lever les questions qui se posent sur la défiscalisation, des questions qui sont posées aussi : quel est le rôle de la Banque Publique d’Investissement dans les Outremer ? Aura-t-elle un rôle ? Sera-t-elle présente ? La mise en oeuvre du CICE Outremer mais aussi les incertitudes sur l’avenir de la Politique Agricole Commune.

Ca fait beaucoup de choses ! Donc, sur tous ces points, je voudrais vous adresser un message de confiance.

Quand je dis que le gouvernement est à vos côtés et le restera, ce n’est pas une formule de circonstance. On me demandait tout à l’heure, dans les rues de Fort-de-France, si j’étais bien accueilli en Martinique ? J’ai répondu que oui ! Et si j’étais aux côtés des Martiniquais ? Et j’ai répondu que oui ! C’est important que vous sachiez que les engagements qui ont été pris par le Président de la République et qui sont désormais ceux de ce gouvernement, doivent être respectés et seront tenus.
Mais avant d’en parler davantage, je voudrais aussi évoquer les atouts, les atouts dont vous disposez, les Antilles françaises particulièrement sont loin des images d’Epinal sur l’économie insulaire, d’ailleurs je constate qu’il y a une très grande méconnaissance de la réalité économique de vos territoires dans l’hexagone, c’est injuste et donc il m’appartient et aux ministres qui m’accompagnent, singulièrement le ministre des Outremer - et c’est ce qu’il fait tous les jours – d’expliquer ce que vous êtes, ce que vous faites, quelles sont vos capacités pour vous-même mais aussi pour notre pays.

Et je voudrais quand même qu’on souligne quand on compare - et notamment quand on compare en visitant les autres pays de cette région – c’est la qualité des infrastructures, c’est la qualité des services publics, c’est unique dans la région. Alors bien sûr ne croyez pas dans mon propos qu’il n’y a rien à améliorer en termes d’infrastructures et que les services publics fonctionnent de façon parfaite et, si on va dans l’hexagone, on verra qu’il faut faire des efforts pour améliorer les infrastructures de transport, de tout ce qui concerne la mobilité, qu’il y a une nécessaire remise à niveau et que nos services publics doivent aussi se réformer pour être encore plus performants.

Donc, ce n’est pas parce que l’on dit que nous avons des atouts que pour autant rien ne doit changer. Mais ne dénigrons pas ce que nous sommes, ne le faisons pas nous-mêmes, parce que beaucoup de pays envient notre niveau d’infrastructures, beaucoup de pays envient notre niveau de services publics.

Et puis je crois qu’il faut dire que la population des Antilles - certains y voient un problème, on peut y voir une chance - est jeune, plus jeune encore que sur le reste du pays et que, grâce à notre système d’éducation nationale, notre école, eh bien cette jeunesse est formée. Certes une partie d’entre elle ne l’est pas, qui sort du système scolaire en situation d’échec – c’est vrai dans d’autres régions de France, dans l’hexagone – mais parlons aussi de ce qui marche, toute la jeunesse ne sort pas sans être formée et sans aucun niveau de l’école. Et puis la création d’entreprises est restée stable l’an dernier, malgré les difficultés économiques. Donc, ce sont des indicateurs positifs que je voulais souligner.

Je ne voudrais pas non plus oublier le rôle des collectivités territoriales parce qu’elles sont présentes, très présentes, je l’ai constaté ; Elles savent aussi se réorganiser, ici en Martinique la décision que les électeurs ont acceptée de transformer les institutions régionales et départementales en assemblée territoriale unique ce n’est pas quelque chose de secondaire, c’est une décision lourde mais porteuse d’avenir ; Et quand je regarde aussi ce que les communes font en développant l’intercommunalité, en traitant les problèmes d’eau, en traitant les problème d’assainissement - tout ça c’est devant nous et ce n’est pas toujours facile - mais cet effort il est engagé, donc on n’est pas là dans une situation inerte où tout serait à refaire et tout serait en situation de déclin. Donc, je voudrais vraiment souligner vos atouts, nos atouts.

Mais si on veut poursuivre, si on veut amplifier tout ça, il faut une politique ambitieuse d’investissements publics. Conformément aux engagements du Président de la République, le gouvernement a mis en place un plan de rattrapage en matière d’équipements structurants, dès 2013 près de 40 projets ont été retenus Outremer - dont 6 en Martinique, 6 Guadeloupe - et un nouvel appel à projet va être lancé avant la fin de l’année.

Mais pour relancer l’activité je veux bien sûr aussi stimuler l’investissement privé, je sais que la réforme de la défiscalisation suscite des appréhensions c’est pourquoi je veux en parler sans détour et, là encore, je voudrais vous rassurer et vous expliquer quelle a été la démarche de mon gouvernement.

Quand on gère de l’argent public – et c’est vrai pour un maire, c’est vrai pour un président de département ou de région, on a des comptes à rendre et on a des comptes à rendre aux contribuables et, si on ne le fait pas, il y a la Chambre Régionale des Comptes qui vous donne son appréciation et, si ce n’est pas la Chambre Régionale des Comptes, c’est la Cour des Comptes.
Ça vaut ce que ça vaut, mais c’est un avis qu’il faut respecter, parce que c’est la question de l’usage de l’argent public pour les contribuables, on a des comptes à leur rendre. Donc, qu’est-ce que nous avons engagé ?

Nous avons engagé une politique d’évaluation des dispositifs existants - mais toujours en partant des engagements pris par le Président de la République – on connait ses 60 engagements pour toute la France et il y a aussi les 30 engagements spécifiques pour l’Outremer, je l’ai dit ils seront respectés, c’est donc notre feuille de route, c’est ma feuille de route, c’est celle de Victorin Lurel, c’est celle des membres du gouvernement concernant les Outremer.

Donc, qu’est-ce que nous avons fait ? Nous avons lancé une évaluation des dispositifs existants en matière de défiscalisation et c’est un comité de pilotage, qui a été créé, présidé par Victorin Lurel – ministre des Outremer – qui réunissait des représentants des milieux économiques, des élus nationaux et locaux et j’ai toujours dit que cette réforme ne se ferait pas sans les Outremer.

Mais cette réforme nous y sommes maintenant, il est donc temps de fixer les orientations, il est temps d’aboutir à des mesures précises, concrètes, parce qu’à la mi-septembre le gouvernement en conseil des ministres adoptera le budget 2014, la loi de finance 2014, donc c’est dans cette loi de finance 2014 que toute une série de dispositifs, fiscaux ou d’intervention seront inscrits.

Alors, soyons clairs, mon objectif c’est que les dispositifs qui ont fait leur preuve doivent être maintenus tout en améliorant leur efficacité et s’agissant de la défiscalisation – ça fait longtemps que ces dispositifs ont été mis en place - et l’évaluation a permis justement de voir les différents modes de défiscalisation : ce qui marche, ce qui ne marche pas.
On a vu aussi des problèmes qui ont été soulignés, je pense en particulier le coût des intermédiaires, et le coût des intermédiaires est trop élevé et ne bénéficie pas évidemment aux Outremer, je souhaite aussi simplifier ces dispositifs de défiscalisation et les rendre aussi plus justes.

Et puis, pour mieux encourager l’investissement productif, j’ai donc décidé de conserver le régime de défiscalisation pour les petites entreprises, pour les entreprises moyennes - celles qui sont les plus fragiles, celles qui n’ont pas de fonds propres ou très peu de fonds propres, celles qui ont une difficulté pour accéder aux crédits tant en termes de trésorerie qu’en termes d’investissement – donc pour ces entreprises-là à l’évidence c’est le constat que nous avons fait et en particulier avec Victorin Lurel c’est que le dispositif de la défiscalisation est favorable, donc ça fait consensus, je crois que ça fait consensus aussi avec vous.
Alors après vous allez me dire : Oui ! Mais quel est le seuil ? A partir de quand ? Est-ce que c’est vraiment que des TPE ? Non ! Evidemment, c’est les entreprises moyennes. Mais quel est le seuil ? Ce que je vous propose c’est de le définir ensemble, avec vous, donc le principe est là, les améliorations sont là, le seuil est à définir ensemble.

Pour les entreprises, celles qui sont d’une taille plus importante, je dirais surtout celles qui ont les reins solides, qui n’ont pas le même type de problème, j’ai décidé d’innover avec cette formule nouvelle du crédit d’impôt, c’est un nouveau crédit d’impôt, donc il vient parallèlement à la défiscalisation, là il s’agira d’une aide directe aux investissements ultramarins d’un montant équivalent à celui du Girardin industriel mais qui ne nécessitera plus d’intermédiaire pour monter les dossiers, ni l’apport de contribuables cherchant à réduire leurs impôts.

Donc, c’est une formule nouvelle pour des entreprises pour lesquelles accéder au crédit auprès des banques, quelles qu’elles soient et même pas la BPI, n’est pas une difficulté – et certaines entreprises nous le disent et qui verront un avantage à procéder ainsi – donc vous voyez bien il faut bien distinguer les situations.
Et puis si des entreprises, qui seront en-dessous du seuil bénéficiant de la défiscalisation, veulent opter pour le crédit d’impôt, elles en auront tout à fait la liberté. En réalité la cohabitation des 2 formules, la défiscalisation dans les conditions actuelles + le crédit d’impôt, c’est en fait une évaluation grandeur nature de 2 dispositifs et donc, à la fin, vous verrez ce qui est le meilleur, nous verrons ensemble ce qu’est le meilleur. Donc, au lieu de faire de prendre des décisions comme ça brutales et unilatérales, on va le bâtir ensemble, on va bâtir ensemble la solution.
Pour le logement social, là, je connais le besoin - qui est immense - et les outils actuels y répondent et je connais aussi leur impact sur l’activité économique dans les Outremer pour les entreprises des territoires, j’ai donc décidé de conserver ce dispositif de défiscalisation, mais là encore en créant à titre expérimental un nouveau crédit d’impôt.

Là il s’agira encore d’une aide directe aux bailleurs, d’une intensité au moins égale à celle du régime actuel de défiscalisation, ça sera donc aux acteurs locaux, aux entreprises et surtout aux bailleurs sociaux, avec le soutien des collectivités locales - parce qu’il faut aussi qu’il y ait des projets, des projets d’aménagement, des projets d’urbanisme – qu’il appartiendra de se saisir de ces nouveaux crédits d’impôt au service du développement des Outremer.

Donc, vous voyez, encore les 2 dispositifs. Donc l’approche du gouvernement vous le voyez est pragmatique, l’objectif c’est d’être efficace et de ne pas déstabiliser, mais elle est aussi d’inventer, elle est d’innover et, donc, c’est une démarche réformiste et progressive. La concertation, sur toutes ces orientations, devra se poursuivre dans le cadre du comité interministériel de modernisation de l’action publique et sous l’égide de Victorin Lurel.

Mais pour stimuler l’investissement Outremer il faut bénéficier bien sûr de toutes les mesures que nous avons prises au niveau national - et j’évoque là maintenant la Banque Publique d’Investissement et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi - dans le cadre des 35 mesures que j’ai annoncées en novembre dernier à la suite de la remise du rapport de Louis Gallois, c’est-à-dire toutes ces mesures qui visent à améliorer la compétitivité des entreprises, la montée en gamme, la formation, l’innovation, afin de donner du souffle à notre économie, dont le crédit d’impôt compétitivité emploi qui a pour objectif d’abaisser le coût du travail de 4% en 2013 et de 6% en année pleine à partir de 2015.

C’est un effort sans précédent, qui a un coût budgétaire qui est payé par le budget, donc par l’ensemble des contribuables, certains nous le reprochent, mais nous avons considéré que c’était nécessaire pour redonner de la marge de manoeuvre aux entreprises, les Outremer doivent bien entendu en bénéficier aussi.

Quant à la BPI, la Banque Publique d’Investissement, le décret…Pardon ! L’ordonnance d’extension et d’adaptation de la BPI Outremer, sera publiée très prochainement, avec le décret d’application. BPI France jouera un rôle d’autant plus important que les entreprises d’Outremer rencontrent des difficultés structurelles, spécifiques d’accès au crédit, j’ai donc demandé à BPI France de veiller à ce que l’ensemble de ces produits soit disponible de manière effective dans les Outremer et de développer une stratégie d’intervention spécifique pour prendre en compte les besoins de ces territoires.

BPI France m’a donné son accord, c’est bien le moins pour une banque publique d’investissement, mais enfin il fallait quand même que les choses soient précises pour que les choses se mettent en place rapidement, en concertation étroite avec les différentes parties prenantes.

Pour ce qui est de la gouvernance, nous avons voulu faire preuve là aussi de pragmatisme, dans la mesure où l’activité financement représente de l’ordre de 90 à 95% de l’activité financière de BPI France en Outremer, l’Agence Française de Développement continuera à distribuer les produits BPI financement. BPI France sera directement présente en Outremer, elle va nommer 2 directeurs interrégionaux, l’un sur la zone Antilles Guyane, l’autre sur la zone Océan Indien. Pour les entreprises, le dispositif sera simple, il sera lisible – comme en métropole – avec un guichet BPI France par région.

L’offre de services de l’Agence Française de Développement a été renouvelée, sous l’impulsion de sa nouvelle directrice générale qui a été nommée récemment, madame Anne Paugam, ainsi une importance accrue sera accordée à ce qu’on appelle les produits « mezzanine », c’est-à-dire de prêts à moyen et long terme, sans garantie demandée aux bénéficiaires. L’AFD, partenaire historique des entreprises dans l’Outremer, a marqué très clairement sa volonté d’une plus grande proximité en direction des entreprises et, ça, c’est quelque chose que nous lui avons demandée et qui était réclamée par les entreprises à juste titre.

En Martinique, mais aussi comme dans l’hexagone – et j’en reviens au CICE, au Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi – il y a quelque chose qui me frappe c’est qu’on a l’impression que c’est très compliqué pour en bénéficier et pourtant, dès le début de l’année, il est désormais possible d’utiliser le crédit compétitivité impôt en avance de trésorerie - et c’est valable pour toutes les entreprises - et il y a des entreprises qui ont besoin de trésorerie, qui ont du mal à y accéder par le système bancaire classique, des coûts trop élevés.

Donc dans les comptes 2013 de vos entreprises, mesdames et messieurs les chefs d’entreprise, vous aurez la baisse du coût du travail, vous aurez le CICE, mais, si certains veulent une avance, ils peuvent en bénéficier. Alors on me dit : C’est très compliqué ! Il y a des gens qui passent leur temps à dire que c’est compliqué, que c’est une usine à gaz, que si on avait diminué le taux de cotisations ça aurait été plus simple, oui sauf que vous auriez payé des impôts dessus… Bon ! Enfin, je veux dire il n’y a pas de système idéal, après c’est une question d’état d’esprit, de bonne ou de mauvaise volonté.

Moi je… vraiment je… je le dis, je crois que c’était il y a 15 jours, invité par « PLANETE PME » - organisé par la CGPME à Paris – et j’ai parlé de ça, et j’ai pris comme exemple président Roubaud, président de la CGPME, qui est un chaud partisan du crédit d’impôt compétitivité emploi et qui fait l’expérience lui-même en allant sur internet pour bâtir son propre dossier et il a dit : En 20 minutes, j’avais fait mon dossier, en 20 minutes, donc ça ne doit pas être compliqué, en 20 minutes.
Il suffit d’entrer 2 ou 3 données et puis vous faites clic et puis vous avez votre… Non ! Mais je n’exagère pas. Non ! Mais c’est parfois décourageant pour ceux qui votent des réformes ou ceux qui les initient - c’est le cas des gouvernements – parce que, après, on se dit : Mais non ! Ça ne marche pas, c’est trop compliqué.
Je vous demande de faire comme le président Roubaud de la CGPME et d’autres encore, et de dire : C’est simple ! Si vous en avez besoin, vous devez vous en servir, en tout cas c’est à votre disposition.

Alors s’agissant du financement des entreprises, je sais qu’il y a d’autres problèmes, qui sont plus anciens, ce sont notamment les dettes sociales et fiscales, bon nombre d’entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie… ont cessé de payer leurs contributions sociales afin de maintenir leurs activités, de payer leurs fournisseurs mais aussi leurs salariés. Le même problème se pose, parfois, pour les collectivités territoriales et d’autres personnes publiques.

Mais il va s’en dire que dans un état de droit, où les règles doivent être les mêmes pour tous, que le paiement régulier des cotisations doit demeurer la règle afin de garantir le financement de notre protection sociale.

Les mesures générales prises par le passé, faites de moratoires successifs, ont échoué, à l’avenir les dossiers seront examinés non pas de façon générale mais au cas par cas, aucune mesure générale de recouvrement n’interviendra par ailleurs sans étudier la situation de chaque entreprise ; il n’y aura pas non plus, ni de mesure négative, ni de mesure positive, sans qu’elle soit adaptée à chaque situation, avec donc l’accompagnement nécessaire.

Les conditions pour bénéficier des exonérations prévues par la LODEOM seront appliquées avec souplesse car je veux créer un cercle vertueux : tenir compte des difficultés des entreprises pour qu’elles soient en mesure à terme de respecter leurs obligations sociales et une circulaire vient d’être adressée aux préfets ainsi qu’aux directeurs de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale pour donner des instructions précises en ce sens, donc il y aura maintenant une feuille des routes, des dispositifs précis et qui permettront d’éviter qu’on soit dans le flou et donc l’objectif c’est d’aider les gens concernés à s’en sortir, à réussir.

Ce matin, accompagné de Victorin Lurel et de Guillaume Garot, j’ai visité l’exploitation agricole de monsieur Rivetti (phon), monsieur Rivetti est éleveur à Rivière Salée, et j’ai pu constater à quel point l’agriculture martiniquaise était en train de se diversifier - là encore c’est peu connu, enfin en tout cas dans l’hexagone – et j’ai vu à travers sa situation, ce fils d’agriculteurs, mais qui n’est pas un héritage familial de génération en génération, c’est son père qui a créé l’exploitation, c’est lui qui la développe avec un esprit nouveau, j’ai pu constater le changement qui est en marche ; j’ai pu voir le résultat ; j’ai pu voir à quel point on pouvait aboutir avec le désir d’entreprendre, grâce à la coopération, à la recherche, au soutien des pouvoirs publics, à mettre en oeuvre une filière complète de la viande bovine.

Et l’agriculture aux Antilles si j’en parle c’est parce que c’est un exemple, une référence à mon avis qu’on peut appliquer à beaucoup d’autres filières, c’est un secteur d’activités essentielles - je n’oublie pas qu’il représente 30.000 emplois - et là aussi je souhaite éviter les faux débats, le gouvernement est bien entendu favorable à la diversification de l’agriculture antillaise : comment ne pas l’être, comment ne pas vouloir créer de l’activité et des emplois en substituant aux exportations une production locale ?

Parce que c’est ça l’enjeu, c’est d’avoir une autonomie complète en matière de viande bovine, donc c’est vrai pour les autres filières. Mais si là je prends cet exemple et si je m’arrête un instant c’est que ce qui est organisé c’est à la fois au niveau de la production, de l’élevage, mais c’est vrai aussi de la recherche de la qualité agronomique, c’est vrai aussi de la transformation, c’est vrai aussi de la formation des professionnels de la boucherie… j’ai vu des jeunes qui étaient présents là sur le terrain et qui s’engagent dans ce métier et puis c’est vrai aussi de la distribution, de son organisation - là en coopérative - et donc ça peut valoir pour d’autres filières, je pense à des filières qui peuvent elles-mêmes être aussi exportatrices, c’est vrai de la banane, c’est vrai de la filière canne, sucre, rhum, ces productions assurent un socle de revenu aux exploitants qui peuvent aussi en parallèle se diversifier.
Le gouvernement d’ailleurs se bat pour soutenir ces filiales ! Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, aurait pu en témoigner - il avait prévu de venir et m’accompagner dans ce déplacement, mais je l’ai autorisé à ne pas venir puisqu’il devait terminer les négociations en conseil européen sur la réforme de la PAC à Luxembourg pour défendre les intérêts de notre conception de l’agriculture et les intérêts de l’agriculture française dans l’hexagone comme dans les Outremer - et Guillaume Garot, qui est ministre délégué, est présent et il a fait une visite ce matin, mais il a poursuivi je crois ces échanges, en tout cas il le fait et il le fera aussi en Guadeloupe.

Dans ces discussions, sur la réforme des programmes européens - et là je crois que le résultat auquel nous sommes arrivés en ce qui concerne la PAC est positif, positif, je crois qu’il faut vraiment le saluer, la position de la France a été ferme et je pense que ça a payé – mais, s’agissant du programme d’options spécifiques à l’éloignement et l’insularité, le programme POSEI, c’est la même méthode, le même état d’esprit en ce qui nous concerne. Tout en poursuivant l’aide à la diversification agricole, le futur programme devra consolider les deux filières, banane et canne à sucre-rhum, qui sont je l’ai dit pourvoyeuses d’emploi et source d’exportation, mais il devra aussi encourager la transformation des produits sur place et leur consommation sur les marchés locaux.

L’objectif du gouvernement se traduira et l’ambition du gouvernement se traduira dans le futur projet de loi pour l’avenir de l’agriculture, ce projet de loi pour l’avenir de l’agriculture comprendra un chapitre spécifique Outremer. L’objectif c’est de mieux territorialiser la politique agricole et rurale, de faire émerger des pratiques alliant production et respect de l’environnement ; le projet de loi renforcera les partenariats entre l’Etat et les collectivités territoriales pour l’affectation des crédits nationaux comme des fonds européens ; et comme le Président de la République s’y est engagé, la charge du développement durable sera confiée aux régions, donc mesdames, messieurs les élus, sauf à la Réunion où c’est le département qui s’en chargera, donc ça fait partie des spécificités que nous respectons et qui ont fait l’objet de négociations.

Dans le domaine de la pêche, l’actualité est particulièrement riche. Des négociations sont en cours sur la réforme de la politique agricole de la pêche. La France là aussi est résolue à faire entendre sa voix, à faire reconnaitre les spécificités de la pêche ultra marine. Nous avons déjà obtenu la mise en place d’un conseil consultatif régional, le CCR, et l’extension aux Outre Mer français du régime de protection des cent mille nautiques. Oui ! Les cent mille nautiques.

Mais notre priorité c’est désormais la négociation du nouveau fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAM. La France défend l’augmentation de la dotation pour les régions ultra périphériques et la mise en place d’un POSEI Pêche et aquaculture pour compenser les surcoûts rencontrés par toute la filière.
Enfin je voudrais aborder un sujet qui est délicat, qui peut même parfois faire l’objet de polémique, c’est l’impact économique et social de la pollution à la chlordécone. Des aides financières d’urgence sont en cours de versement, mais je connais aussi les problèmes liés à l’épandage, j’ai été interrogé plusieurs fois depuis mon arrivée ici, donc il faudra régler ce problème, il faut que dans les 2 ans la solution soit trouvée - et je sais, monsieur le préfet, que vous y travaillez, que ce n’est pas simple, on vous reproche parfois de signer des arrêtés – là c’est une question de rythme.
Il faut trouver la solution et j’ai fixé un maximum de 2 ans et, là, les professionnels le savent aussi, une solution alternative, protectrice de l’environnement, mais en même temps qui ne déstabilise pas la filière. Ce n’est pas facile mais ! Mais je crois qu’il y a un chemin, s’il y a une volonté - comme disait François Mitterrand - là où il y a une volonté, il y a un chemin, rien ne serait pire que de dire : On n’y arrivera pas, on ne va rien faire, et là ce n’est pas acceptable. C’est vrai de tout d’ailleurs, quand on renonce c’est le symbole même de l’impuissance, il faut se battre pour trouver une solution, être imaginatif, mettre autour de la table et nous y parviendrons.

Je n’ignore pas, par ailleurs, les difficultés que connait un autre secteur économique : le secteur du tourisme - et pourtant c’est un des atouts de la Martinique comme de la Guadeloupe - le potentiel touristique des Antilles est là mais force est de constater qu’il est sous-exploité. Il y a une offre hôtelière, déjà ancienne, mais qui s’est dégradée, avec une concurrence très forte des îles caraïbes, avec des établissements qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes et à la saisonnalité, qui ne sont pas non plus… vous ne jouez pas toujours exactement dans les mêmes conditions de compétition.

Voilà ! J’en suis conscient, la ministre - même si vous avez pu développer ici ou là des formes nouvelles d’accueil touristiques et qui sont performantes et appréciées des touristes et notamment de ceux qui viennent de l’hexagone – la ministre chargée du Tourisme, Sylvia Pinel, doit faire prochainement des propositions pour une démarche d’ensemble de relance du tourisme en France et donc avec un volet Outremer. Il y aura donc des mesures spécifiques, vos territoires bénéficient déjà d’aides à l’investissement et à la modernisation, c’est donc du côté de la maîtrise des coûts d’exploitation qu’il faudra innover et, sur ce sujet, il va falloir qu’une concertation accrue s’engage avec tous les professionnels.

Plus généralement, j’en ai parlé déjà hier, un projet de loi relatif au développement et à la modernisation de l’économie des Outremer sera bientôt présenté en conseil des ministres et programmé au Parlement afin d’y décliner le Pacte de compétitivité national pour la croissance et de l’emploi, avec sa dimension spécifique pour les Outremer. II s’agira de développer des filières d’avenir - et les Outremer sont concernés comme l’hexagone - l’économie numérique, l’agriculture et l’agroalimentaire, l’énergie, le tourisme, le BTP, et cela grâce aux outils de financements nationaux mais aussi grâce à la mobilisation de l’épargne locale et au recentrage des crédits d’intervention du Ministère des Outremer. Voilà donc comment mon gouvernement se bat pour les Outremer, se bat à vos côtés, se bat pour l’emploi et aussi pour le pouvoir d’achat des Outremer.

Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit sur le projet de loi de régulation économique et le bouclier qui a été pris, il commence à produire ses effets, c’est un fait, c’est une réalité et donc il y a eu aussi la loi sur le taux de sucre dans les aliments pour mettre à égalité des conditions de santé et de consommation pour tous, comme dans l’hexagone et dans les Outremer, donc beaucoup de choses qui progressent et qu’il faut poursuivre.

Mais l’urgence sociale n’attend pas, nous avons pris des mesures dès notre prise de fonction pour lutter contre le chômage et notamment contre le chômage des jeunes, les Emplois d’avenir sont désormais dans une phase de montée en puissance, plus de 30.000 contrats ont été signés - ce qui est déjà beaucoup dans un délai aussi court, ça n’a démarré qu’en début d’année – et ce que nous voulons c’est que le chiffre de 100.000, ce qui a été prévu, soit atteint à la fin de l’année.

Et quant aux Contrats de génération, ils démarrent tout juste - et ça avance vite - il y a un intérêt à maintenir un senior dans l’emploi avec son savoir-faire qu’il va transmettre et embaucher un jeune, avec le crédit d’impôt compétitivité emploi, les aides pour l’emploi d’un jeune en Contrat de génération c’est à peu près une aide de 6.000 euros par emploi créé. C’est considérable ! A ce niveau ça ne s’est jamais fait et pas une fois, c’est une aide durable, donc il faut s’en saisir là où les besoins d’embauche existent.

Et puis il faut aussi essayer d’accélérer le rythme - ça demande un effort de tous, je suis convaincu que ça dépend de tous les acteurs de terrain - mais je sais que vous en êtes conscients, c’est pourquoi j’en appelle à vous les représentants des employeurs publics comme des employeurs privés et aussi du service public de l’emploi que j’ai rencontré déjà à plusieurs reprises dès mon arrivée. C’est donc avec une grande satisfaction que je vais passer dans quelques instants aux travaux pratiques en signant plusieurs Contrats de génération… Pardon ! Un premier, un des premiers Contrats de génération de Martinique et plusieurs conventions relatives aux Emplois d’avenir avec le Conseil général, avec le Conseil régional et avec l’Association Martiniquaise pour la Promotion de l‘Industrie et le Medef, puisque les Emplois d’avenir ne sont pas réservés qu’aux emplois publics ou associatif mais peuvent aussi bénéficier aux entreprises - ce qui ne se sait pas assez – donc merci d’y contribuer.

Mesdames, messieurs, j’ai la conviction que le choix que nous avons fait pour conduire toutes ces réformes à travers la méthode du dialogue, du dialogue social, de la concertation - c’est le cas avec vous sur tous les points que j’ai évoqués il y a maintenant quelques instants – parce que c’est la clé de la réussite dans la durée, toute réforme qui n’est pas partagée, en tout cas qui ne fait pas l’objet d’un large accord, est vouée à l’échec.

La semaine dernière nous avons réuni la grande Conférence sociale pour l’emploi, il y a eu des décisions importantes de prises, c’est vrai que si je lis la presse et je me contente des réactions des organisations qui y participaient, on dirait que ça s’est mal passé et, en fait, ça s’est très bien passé, il y a parfois dichotomie -comme on dit - entre le discours tenu à l’intérieur de la Conférence sans la presse et à l’extérieur où chacun peut-être se positionne pour d’autres enjeux à venir.

Mais ce qui m’importe le plus c’est que dans toutes les tables rondes chacun a pris sa part et a apporté sa contribution, notamment sur un point précis, nous allons engager une négociation sur la réforme de la formation professionnelle et l’orientation.
Le ministre du travail Michel Sapin, qui vient d’ailleurs demain, il va s’y consacrer-là et a déjà commencé, mais nous avons voulu anticiper, on est partis d’un constat : ce sont les offres d’emploi non satisfaites - et il y en a aussi en Martinique – j’évoquais cette question ce matin à propos des métiers de la boucherie, des bouchers, il y a des offres d’emploi non satisfaites.

Alors parfois les métiers sont mal connus ou méconnus, ou on donne une image dégradée des métiers alors qu’ils ont évolué dans leurs conditions de travail et leur rémunération, dans leur parcours de carrière - mais personne ne sait ou personne ne le dit – et puis parfois il y a d’autres difficultés qui peuvent surgir, et puis il y a la question de la formation, il y a des métiers où il n’y a pas des gens à former.
Donc, nous avons réussi à cette Conférence sociale à obtenir des partenaires sociaux qu’ils dégagent pour les fonds paritaires qu’ils gèrent en matière de formation professionnelle les crédits aux côtés des Régions et de l’Etat pour tout de suite, dès septembre, engager un programme de formation par des contrats spécifiques de personnes au chômage ou de formation pour 30.000 personnes qui permettront de répondre à ces besoins d’emploi non satisfaits. Ca c’est positif, c’est quelque chose de concret et qui est sorti de la Conférence, mais j’espère que, avec la réforme de la formation professionnelle plus globale et de l’orientation, nous irons beaucoup plus loin parce qu’il y a là un vrai défi.

Mais c’est à nous de les relever ces défis, vous mesdames et messieurs, vous faites partie de ces acteurs, des acteurs qui gèrent des entreprises, qui gèrent des collectivités locales. Vous êtes aussi des représentants d’organisations professionnelles ou syndicales, vous avez donc une vision plus large que la seule situation qui est la vôtre et vous avez envie que ça marche – et je sais que c’est votre état d’esprit – vous avez envie d’être utiles aux territoires dont vous avez la responsabilité, là où vous vivez, vous travaillez, ici dans ce département de la Martinique, de la Guadeloupe ou aussi de la Guyane et de la Réunion, et, ensemble, nous pouvons réussir.

Moi je crois dans nos capacités, je décris les choses sans cacher la vérité et, en même temps, je cherche où sont les énergies, les intelligences, les capacités - et elles sont si nombreuses – simplement la responsabilité du politique et en ce qui me concerne de chef de gouvernement c’est de mettre en mouvement, de mettre en relation tous ces acteurs et de leur donner des perspectives, leur donner de l’espoir, de leur donner de l’énergie mais des moyens aussi et, après, c’est à eux de jouer. Nous ne ferons pas toujours à la place des autres mais nous pouvons faire ensemble et nous pouvons faire ensemble pour l’avenir de notre pays, pour l’avenir des départements des Outremer, pour l’avenir des Outremer et pour l’avenir de la France. C’est là notre mission, c’est là notre responsabilité, je vous remercie d’y contribuer