On dit que les victoires aident le pouvoir en place. Qu'en est-il quand une équipe perd ?
A part les supporters de l'Allemagne, difficile d'imaginer quiconque se réjouir de la combustion spontanée de l'équipe nationale brésilienne de football à Belo Horizonte mardi 8 juillet. Mais j'imagine que regarder la défaite 7-1 face à l'Allemagne a été particulièrement douloureux pour la présidente du pays; déjà en difficulté, Dilma Rousseff
De manière appropriée pour cette nation folle de football, les années d'élections brésiliennes correspondent avec la Coupe du monde. Fernando Henrique Cardoso a affirmé que l'euphorie qui avait entouré la victoire du pays à la Coupe du monde 1994 a contribué au succès du programme de libéralisation économique qu'il était en train de mettre en place en tant que ministre des Finances, et à son élection à la présidence un peu plus tard dans l'année.
L'effet n'est pas si clair que cela, et la victoire à la Coupe du monde 2002 n'a pas permis au successeur choisi par Cardozo d'éviter de se faire battre par le challenger de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, mais difficile d'imaginer que le résultat de mardi n'aura pas un minimum d'impact sur les prochaines élections dans le pays.
Lula et Rousseff ont sans doute imaginé il y a six ans que les bonnes ondes entourant le tournoi allaient les propulser vers la victoire. Mais tout ne s'est pas passé comme prévu.
Une majorité de Brésiliens, en colère contre l'inflation galopante, la corruption du secteur public et le coût de l'évènement, était opposée à la Coupe du monde. Si l'intérêt pour les manifestations de masse contre l'évènement s'est progressivement éteint, elles ont continué. Rousseff n'a plus assisté aux matchs de l'équipe nationale après avoir été insultée par les supporters lors du match d'ouverture contre la Croatie.
D'un autre côté, des signaux montraient que l'humeur du pays s'améliorait, tout comme la courbe de Rousseff dans les sondages.
Si le Brésil avait gagné le tournoi, cela aurait pu changer complètement la portée politique de l'évènement. Si le pays avait fait une sortie digne, cela n'aurait sans doute pas eu tant d'impact que cela non plus.
Mais une défaite aussi humiliante rappellera à de nombreux électeurs les raisons pour lesquelles ils étaient fâchés avec la Coupe du monde. Des chants anti-Dilma auraient déjà été entendus au stade mardi.
Comme le prédisait le spécialiste en sciences politiques Francisco Fonseca, de la fondation Vargas à São Paulo, au L.A. Times le 28 juin :
«S'il se passe une catastrophe qui humilie le Brésil devant le monde entier, cela aurait clairement des conséquences négatives pour le gouvernement aux élections.»
Je ne crois pas qu'il pensait à des évènements sur le terrain, et l'organisation elle-même de la Coupe du monde s'est plutôt bien passée vu les prévisions pessimistes d'avant-tournoi.
Mais si Aécio Neves, le candidat centriste qui recueille actuellement 20 % dans les sondages contes 38% à Dilma Rousseff, arrive à créer la surprise quand les Brésiliens se rendront aux urnes en octobre, il pourra probablement remercier en silence Müller, Klose, Kroos, Khedira et Schürrle pour leurs passes décisives.
SOURCE : SLATE.FR
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La présidente du Brésil ne « croit pas » que la défaite ravivera la contestation
In LeMonde du 9 juillet 2014
La présidente du Brésil, Dilma Rousseff, a déclaré mercredi 9 juillet ne « pas croire » que l'humiliante défaite (1-7) du Brésil contre l'Allemagne, mardi soir en demi-finale de la Coupe du monde de football, ravivera l'esprit protestataire de juin 2013.
Elle s'exprimait lors d'un entretien avec la chaîne de télévision américaine CNN :
« Nous avons eu l'expérience d'être le siège de la Coupe du monde (...) en paix et avec un grand sens de la fête. Il y a une caractéristique dans le football : il est fait de triomphes et de défaites, cela fait partie du jeu. Etre capables de dépasser la défaite, je pense que c'est la caractéristique d'une grande équipe et d'une grande nation. »
En 2013, en pleine Coupe des confédérations, considérée comme la répétition générale du Mondial, plus d'un million de personnes étaient descendues dans les rues pour protester contre les 11 milliards de dollars (8 milliards d'euros) investis dans l'organisation de la compétition et réclamer de meilleurs hopitaux, transports publics et écoles. Les manifestations s'étaient poursuivies pendant plusieurs mois tout en perdant en intensité au fur et à mesure qu'elles se radicalisaient. Elles ont pratiquement disparu après le coup d'envoi de la compétition.
Mme Rousseff a également reconnu qu'elle n'avait jamais imaginé une défaite aussi cuisante de son pays même dans ses pires cauchemars.
« Honnêtement jamais, jamais. Mes cauchemars ne sont pas si terribles et ne vont pas si loin. Comme supportrice, je suis évidemment profondément triste, et je partage la même peine avec les supporteurs. Mais je sais aussi que le pays a une caractéristique très importante : faire face à l'adversité et être capable de la dépasser. »
Mardi, la présidente avait appelé sur son compte Twitter le Brésil à ne pas se laisser abattre par la défaite historique de la Seleçao.