Chronique du temps présent
Moratoire en 1958 ! Moratoire en 1982 ! Moratoire en 2010 !!!
Les deux-trois pingouins qui forment le MODEM local se sont même permis de les traiter « d’ânes » ! Le PPM, lui, les traite de « cloches ». Pour ces messieurs-dames, si l’on a bien compris, il nous faut une sorte d’homme providentiel car dans leur conception ce n’est pas Monsieur-tout-le-monde, ce ne sont pas les masses qui font l’histoire, mais quelques individus. Individus doués, on suppose, de génie, de charisme et de compétence.
Nos73-zistes oublient que nous avons déjà eu cet homme providentiel.
Et pendant longtemps. Très longtemps. Un Homme Fondamental !
Allons droit au but ! 1981 : victoire de la Gauche en France. François Mitterrand arrive au pouvoir. Un an plus tard (en 1982 donc), Roland Dumas,alors ministre de l’Intérieur, envoie Christine Deviers-Joncour en mission en Martinique pour discuter avec l’Homme Fondamental et ses partisans. Celle, dont on ignore à l’époque qu’elle est la maîtresse de Dumas et qui n’a pas encore été éclaboussée par l’affaire des ventes des frégates à Taïwan (affaire qui lui vaudra le surnom de « putain de la République »), dit en substance aux membres de ce qui était considéré alors comme l’aile extrême-gauche du PPM :
« Voilà ! Roland Dumas, vous fait savoir que la Polynésie vient de demander un statut d’autonomie, nous pensons que ce serait une bonne chose aussi pour la Martinique. Seulement vous comprenez bien que cette demande ne peut pas émaner de nous. Il serait bon que vous la fassiez vous-mêmes. »
Nous avions donc en face de nous, en 1982, un pouvoir français désireux de nous aider à accéder à l’autonomie. Je ne veux pas en dire plus pour l’instant sur l’entretien entre Deviers-Joncourt et cette fraction du PPM. Je garde des munitions pour après, surtout pour le cas où ce parti aurait l’idée saugrenue (ou le culot) de nier l’existence dudit entretien. Attention, les gars, ne vous ridiculisez tout de même pas ! La Deviers-Joncour avait pris l’habitude de tout noter comme le prouvent les trois livres qu’elle a publiés sur sa relation avec Dumas et son rôle d’intermédiaire dans diverses affaires. En tout cas, l’Homme Fondamental n’a pas saisi la balle au bond et a préféré décréter le Moratoire au motif que « le peuple » avait voté Giscard un an plus tôt. Bravo les hommes providentiels, messieurs les 73-zistes !
Mais remontons un peu arrière…En 1958, le général De Gaulle fait un voyage aux Antilles, ce fameux voyage au cours duquel il s’écriera :
« Mon dieu ! Mon dieu, que vous êtes français ! »
Il a un entretien en privé avec l’Homme Fondamental en présence d’André Malraux, écrivain de renom et ministre de la culture de l’époque. L’homme du 18 juin déclare en substance à l’Homme Fondamental :
« Voilà : d’ici à deux ans, les colonies d’Afrique noire accéderont à l’indépendance. Une telle solution n’est bien sûr pas envisageable pour nos quatre vieilles colonies de Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion, mais une évolution vers une certaine forme d’autogestion est tout à fait possible. Est-ce que cela vous intéresse ? »
Effectivement, deux ans plus tard, en 1960 donc, le Sénégal, le Dahomey, le Congo, le Cameroun etc…deviendront des pays indépendants. L’entretien entre De Gaulle et l’Homme Fondamental est retranscrit par André Malraux dans sonfameux livre intitulé « Antimémoires ». Par charité chrétienne, je préfère ne pas citer le passage en question. Ceux qui voudront en savoir plus n’auront qu’à se plonger dans l’ouvrage. André Malraux n’est pas n’importe qui. Il est douteux qu’il ait pu mentir sur un sujet finalement de très peu d’importance pour la France (n’oublions pas que De Gaulle parlait de nous en termes de « poussières sur l’Atlantique » et qu’il a failli nous donner aux Américains en remboursement des dettes de guerre contractées par la France auprès des Etats-Unis !). Toujours est-il que l’Homme Fondamental n’a pas saisi la balle au bond. Il n’a pas saisi l’opportunité que lui offrait le général De Gaulle. Bravo les hommes providentiels, messieurs les73-zistes !
Résumons :
. en 1958, on me propose l’autonomie, je dis « Non » les larmes aux yeux…
. en 1982, on me propose à nouveau l’autonomie, je dis à nouveau « Non »avec des trémolos moratoiresques dans la voix…
Comprenne qui pourra ?
Pourtant, je me flatte d’être le parti à avoir porté le plus haut le fanion de la revendication autonomiste, cela durant 50 ans, et je dénie farouchement aux autres partis le droit de s’en réclamer ! Arrive 2010, où une nouvelle et troisième fois, on me propose d’accéder à un petit début de commencement d’autonomie par le biais de l’article 74. Et je dis une troisième fois « Non » !!! Je réclame dans un premier temps un article « 74-Martinique », puis je me rétracte pour réclamer un article « 73 constitutionnalisé », valse-hésitation tout à fait symptomatique d’un parti qui a toujours réclamé l’autonomie en paroles, mais qui à chaque occasion l’a aussi toujours refusé dans les faits. Pour ce troisième refus, l’Homme Fondamental n’est plus là. Il est monté en Galilée. Conclusion logique : qu’il soit présent ou pas, c’est toujours le même refus obstiné de l’autonomie concrète. Il s’agit de toujours reporter aux calendes (négro)-gréco-latines le moment où la Martinique devra s’occuper de ses propres affaires.
Moratoire en 1958 ! Moratoire en 1982 ! Moratoire en 2010 !
Et après ça, on a le toupet de nos parler de « sortir hors des jours étrangers » !!!
Autant en rire et, comme l’a fait Claude Lise lors du premier grand rassemblement des pro- 74 au stade Georges Gratiant du Lamentin, citer le fameux poème de Gilbert Gratiant (frère du premier nommé) :
« Man pè lannuit !”
Man pè Djab !
Man pè tonnè !
Man pè zéklè !”
(Ah, j’oubliais ! Il convient de rappeler que ces refus de l’autonomie étaient régulièrement accompagnés de rodomontades des dirigeants du PPM :
.« Je suis un Nègre marron » (au magazine guadeloupéen« Jougwa ») : les Békés ont dû trembler dans leur culotte.
.« La Martinique est à la veille de 1789 » (au magazine« Paris-Match », 1985) : les Français ont du vaciller dans leurs bottes.
.« Messieurs les Européens, partez avant qu’il ne soit trop ! » : Békés et Français ont dû faire dans leur froc. )
Raphaël Confiant