L'Afrique n'est plus hors jeu
PHOTO DU JOUR : Nelson Mandela au Soccer City Stadium de Johannesburg. Depuis juillet 2000, il se battait pour que l'organisation du Mondial soit confiée à l'Afrique du Sud. Lire article "It's time for Africa !".
A l’heure du coup de sifflet final de la Coupe du monde, les inquiétudes qui l’avaient précédée reviennent à l’esprit. Combien de médias occidentaux se demandaient si la Fifa ne s’était pas montrée déraisonnable en laissant un pays africain organiser pour la première fois un événement d’une telle importance? Comme le rappelle la presse africaine, des afro-pessimistes en venaient à penser que Sepp Blatter avait «cédé aux sirènes du politiquement correct en imaginant que l’Afrique du Sud pouvait organiser pareille manifestation sportive.»
Le Journal du Jeudi estime que «les Cassandre avaient prophétisé une débâcle organisationnelle. Premier pays africain à accueillir la phase finale de la Coupe du monde de football, l’Afrique du Sud devait être un nœud logistique indénouable et un nid d’insécurité. Mais le pays de Mandela n’a guère été pris en défaut. Les infrastructures sportives ont été livrées.»
L’hebdomadaire burkinabé ajoute:
Près de 500.000 supporters étrangers auraient fait le déplacement. Le pays qui enregistre habituellement cinquante homicides par jour semble même avoir relevé le défi de la sécurité. Le siège principal de la Fifa à Johannesburg a été cambriolé? Qu’importe. N’est-ce pas le secrétaire général de la Fédération, Jérôme Valcke, qui déclarait: «Nous pourrons dire que c’est un Mondial parfait?»
Il est vrai que les motifs d’inquiétude étaient réels. Le pays de Nelson Mandela n’est- il pas l’un des plus violents du monde? Le continent noir n’est-il pas connu pour sa mal gouvernance, ses difficultés de gestion, ses retards chroniques. Mais le jour J, la «nation arc-en ciel» était bel et bien prête. Un stade de plus de 94.000 places a vu le jour à Johannesburg, le Soccer City. Le Gautrain, un transport en commun rapide permet de lutter contre les embouteillages chroniques de Johannesburg, la capitale économique du pays.
Sécurité
Mis à part le cambriolage des locaux la Fifa, aucun acte de banditisme n’a été particulièrement médiatisé. La sécurité des touristes a été, semble-t-il, assurée dans la plupart des cas. Les violences des supporters ont été très vite canalisées, contrairement à ce qui s’est produit lors d’autres Mondiaux.
Les stades étaient pleins, malgré l’élimination dès le premier tour du pays organisateur. Selon la Fifa, avec plus de trois millions de spectateurs cette Coupe du monde restera l’une des trois plus fréquentées de l’histoire de cette compétition.
Ce Mondial aura aussi permis de montrer l’existence d’un sentiment d’appartenance commune à un continent. Les Sud-africains, tout comme les Nigérians ou les Camerounais ont soutenu le Ghana, seule équipe africaine qualifiée pour les quarts de finale. Cette équipe, les Black stars, a d’ailleurs été rebaptisée les Ba Ghana-Ba Ghana, en référence aux «Bafana-Bafana», le nom de l’équipe sud-africaine.
Lors qu’ils ont été éliminés aux tirs au but par l’Uruguay c’est tout le continent qui se désolait. Comme si leur défaite était aussi celle du reste de l’Afrique. L’Observateur Paalga de Ouagadougou, comme bien d’autres titres africains, n’hésitait pas à proclamer que le Ghana portait tous les espoirs du continent.
Plus que du sport
Sur le plan sportif l’Afrique a déçu, à l’exception du Ghana. Les cinq autres formations du continent ont sombré dès le premier tour. Mais là n’est pas l’essentiel. Grâce à ce mondial, l’Afrique a démontré qu’elle n’était pas hors jeu. Plus hors jeu. Qu’elle participait au concert des Nations.
Certes l’Afrique du Sud n’est pas à l’image du reste du continent, elle en est sans doute le pays le plus développé. Mais à travers elle, l’Afrique a montré qu’elle avait toute sa place sur l’échiquier mondial, sportif, mais aussi politique, économique et financier. Car la Coupe du monde est tout autant un événement économique, financier et politique qu’une compétition sportive. A preuve, Nelson Mandela a reçu les Black Stars du Ghana au lendemain de leur défaite malchanceuse face à l’Uruguay pour témoigner de la solidarité continentale.
Cette coupe a aussi contribué à l’émergence d’un sentiment de fierté africaine, au-delà des frontières héritées de la colonisation. Comme en témoigne l’éditorial de Kotch:
Pour se consoler de nos déconvenues à répétition au Mondial, l’on peut se dire que tout compte fait, le bain de sang redouté par les afro-pessimistes, à l’annonce de l’organisation de la Coupe du monde par l’Afrique du Sud, un des pays les plus criminogènes de la planète, ne s’est pas produit .
Le quotidien sénégalais ajoute:
Mieux, le pays de Mandela a rendu célèbre jusqu’en Laponie les vuvuzelas. Les «trompettes du diable», cauchemar des joueurs occidentaux avec leur vacarme assourdissant, sont devenues de véritables stars planétaires. Tout comme la petite danse de célébration de but du camerounais Roger Milla en 90 est désormais l’un des rituels les plus imités au monde. Et cela, au moins, personne ne pourra nous l’enlever!
Ce succès du premier Mondial made in Africa intervient au moment où les investisseurs cessent d’avoir peur de l’Afrique. Au moment où les capitaux y reviennent massivement. Et pas simplement dans le domaine des hydrocarbures et des minerais. L’Afrique n’est plus hors jeu puisque des puissances européennes, asiatiques et américaines s’y disputent chaque jour davantage «leur part du gâteau». Elles veulent une place de choix dans ce continent d’un milliard d’habitants qui connaît un taux de croissance de 5% par an depuis une décennie.
Il y a fort à parier que le prochain Mondial organisé en Afrique ne sera plus perçu comme une faveur faite au parent pauvre du monde. Mais comme un excellent investissement pour le juteux business du ballon rond.
Pierre Malet
Nelson Mandela : It's time for Africa !
Tout le monde se souvient de la date du 7 juillet 2 000. Pour la première fois de toute son histoire, le comité exécutif de la Fédération internationale de football association, Fifa est amené à procéder à un troisième tour du tirage au sort qui doit designer le pays organisateur de la 18ème édition de la phase finale de la coupe du monde football de 2006. Dans la course contre la montre, l’Afrique du sud est en rude compétition avec l’Allemagne, qui remporte finalement la partie sur le fil avec 12 voix contre 11, pour l’Afrique du sud. La nation passe ainsi à côté de l’opportunité d’organiser sa première coupe du monde de football et peut en vouloir au charismatique Franz Beckenbauer qui a réussi à faire pencher la balance en faveur de son pays, l’Allemagne. Loin de s’avouer vaincue, la délégation sud-africaine composée entre autres de Danny Jordan, fait preuve de fair-play. Attitude qui va montrer au Président de la Fifa, Joseph Sepp Blatter, que l’Afrique est prête à accueillir une telle compétition.
Le rêve de tout un peuple voire un continent, se réalise enfin. Nelson Mandela affaibli par la maladie depuis plusieurs années et touché par le décès de l’une de ses arrière-petites-filles n’a pu faire le déplacement du Soccer city stadium afin d’assister à la cérémonie d’ouverture de la 19ème édition de la coupe du monde. (NDLR : Toutefois, il a tenu à être présent pour la finale). Bienvenue en Afrique du sud