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La santé économique d'un pays se mesure aux chiffres fournis par son organisme statistique officiel (l'INSEE pour la France) : volume des importations et des exportations, nombre de créations d'entreprises et de faillites, solidité de la monnaie nationale, montant de la dette publique etc. La santé intellectuelle d'un pays se mesure aux nombre de brevets déposés, de découvertes scientifiques, de livres publiés dans l'année, de doctorats soutenus etc...Bref, dans chaque secteur, il y a des indicateurs fiables qui permettent de juger si ledit secteur va bien, s'il va mal ou s'il est carrément en danger.
S'agissant du secteur des médias, il y a certes le nombre d'exemplaires vendus pour les journaux-papier, l'audience mesurée par des organismes spécialisés pour les radios et télévision ainsi que les compteurs de visites pour les blogs et sites-web, mais s'ajoutent à ces données objectives, un certain nombre de principes, enseignés dès la 1è année d'école de journalisme, dont les trois premiers sont les suivants : la neutralité, l'objectivité et la déontologie.
Principes certes exigeants et difficiles à appliquer, mais qui ont le mérite de la clarté. A savoir :
. "Neutralité" : ne pas, autant que faire se peut, afficher dans l'exercice de ses fonctions une appartenance politique, confessionnelle ou sectaire (francs-maçons). Le mot important ici est "afficher".
. "Objectivité" : s'efforcer de relater les faits tels qu'on les a soi-même observés ou en citant le confrère qui les a observés en mettant ses propos ou son analyse entre guillemets et surtout en le nommant.
. "Déontologie" : plus vaste que les deux autres, il se réfère à l'idée qu'il faut s'interdire de manipuler les faits, de tricher avec la réalité ou bien de pécher par omission (en passant sous silence une information importante permettant de comprendre un événement).
S'agissant de l'application de ces principes, il convient de distinguer quatre types de médias :
__les médias officiels : ils appartiennent ou dépendent de l'Etat et nous payons une redevance (cf. notre feuille d'imposition) pour participer à leur fonctionnement.
__les médias semi-officiels : radios ou télés qui reçoivent de l'aide d'une municipalité ou d'une collectivité soit de manière directe soit en faisant payer, par exemple, la retransmission des réunions importantes ou plénières desdits organismes. Cette aide n'étant pas suffisante, ils vivent aussi de la publicité.
__les médias semi-libres : désignés également sous le nom de "médias privés" car il appartiennent à un individu ou à un groupe économique et vivent essentiellement de la publicité. Ils ne reçoivent donc pas d'aide publique sauf de manière ponctuelle dans le cadre de l'aide à la diversité de la presse. Cependant, ladite "liberté" est sous l'étroite surveillance des annonceurs publicitaires et des donneurs d'ordre. Un hebdomadaire saura, par exemple, jusqu'où il ne faut pas aller trop loin s'il écrit un article sur la pollution des villes par l'automobile et reçoit dans le même temps de la publicité de Peugeot ou de BMW.
__les médias libres : l'exemple le plus connu de ces dernières années est, en France, le site MEDIAPART et ses quelques 50.000 abonnés payants ou encore, plus anciennement, le mensuel LE MONDE DIPLOMATIQUE qui dispose de comités de soutiens dans nombre de grandes villes et même à l'étranger lesquels se chargent, entre autres, de faire des campagnes massives d'abonnement ou de récolter des dons en cas de passage à vide financier du journal.
Ces quatre types de médias ont l'OBLIGATION de respecter les trois principes énoncés plus haut, mais, en toute logique, plus un média est libre, plus il est...libre de prendre de la distance avec eux. Cela signifie, pour prendre un exemple concret, que l'article que vous êtes en train de lire présentement, publié sur le site MONTRAY KREYOL, vous n'avez pas payé pour le lire d'une part et de l'autre, ce site ne recevant aucune aide publique et n'acceptant pas de publicité, ses rédacteurs ne devant donc strictement rien à personne, n'ont aucune obligation face à vous, lecteur, et peuvent ou pourraient de ce fait prendre des libertés avec les grands principes.
Or, la Martinique marchant sur la tête depuis quelque temps, depuis que la "Génération à zéro" est en train de prendre place aux différents postes de commande, c'est exactement l'inverse qui se produit !!! Autrement dit les médias qui prennent le plus de liberté par rapport aux principes de neutralité, d'objectivité et de déontologie sont les médias officiels, semi-officiels et semi-libres. Ce qui est, on l'avouera, un comble ! Il suffit de prendre quelques exemples pour montrer sans discussion possible que nos médias officiels, semi-officiels et semi-libres et donc leurs journalistes passent allègrement outre les règles les plus élémentaires liés à leur métier :
. le scandale du chlordécone rebondit ces jours-ci et l'on voit certains parlementaires surfer démagogiquement sur cette vague porteuse (puisque l'inquiétude grandit chez les Martiniquais). Parlementaires qui, il y a onze ans, lorsque le scandale de l'empoisonnement de notre pays a été révélé, soit se sont tus soit ont cherché malproprement à décrédibiliser les écologistes. Nos journalistes leurs ouvrent tranquillement leurs colonnes, leurs antennes ou leurs plateaux-télé sans jamais une seule fois faire allusion à leurs positions passées et encore moins leur poser une seule question à ce sujet !!! Sans compter qu'un média a tenté de dédouaner les responsables de l'ARS-Martinique en faisant croire qu'ils avaient réagi favorablement aux demandes des écologistes et de certains agriculteurs (ceux de l'OPAM) en 2007.
. le conflit du PNM (Parc Naturel Régional) au cours duquel, pendant 127 jours, 22 grévistes ont imposé le blocage des principaux sites de l'établissement dépendant de la CTM, notamment de son siège, à cause du conflit opposant le président (un élu de la CTM) au DGS (un administratif) le premier souhaitant le départ du second pour "insubordination" (ou refus de mettre en œuvre des décisions votées par la CTM). Pendant toute la durée du conflit, nos médias n'ont cessé de donner en priorité la parole aux grévistes en ne soulignant jamais qu'ils n'étaient que 22 sur...149, en n'indiquant jamais que le syndicat qui était à la manœuvre n'était pas représenté dans l'entreprise, en ne divulguant jamais le salaire de ministre du DGS insubordonné à savoir 7.500 euros par mois et surtout en se livrant à un véritable "bashing" ("dékalaj" ou "dépotjolaj" en bon créole) du président de la CTM. Et ces mêmes médias de venir tranquillement à la présentation des vœux 2018 de celui qu'ils avaient lynché quelques semaines plus tôt....
. la convention du PPM à Rivière-Blanche au cours de laquelle la revendication d'autonomie, mise en sommeil en 1981 par Aimé CESAIRE avec son fameux "Moratoire" et réitérée par le refus de son parti de se positionner en faveur de l'Article 74, pourtant poussière d'autonomie, est redevenue sur le devant de la scène. Qu'est-ce qui motive ce virage à 180° au-delà des raisons avancées par les dirigeants de ce parti ? Y aurait-il quelque raison urgente qui ferait que subitement notre île aurait besoin de devenir autonome ? Ou ne serait-ce pas une énième manœuvre politicienne visant à pointer du droit l'alliance entre le GRAN SANBLE et BA PEYI-A AN CHANS dont l'un des articles du pacte de gestion signé entre eux le 06 décembre 2015 indique que la revendication institutionnelle sera mise en sommeil pendant les six années de la mandature ? Cette question, n'importe quel journaliste débutant l'aurait posée, mais aucun de nos soi-disant "confirmés" ne l'ont posée !!! Sans compter cette autre étrangeté : sur les 14 revendications du PPM définies lors de cette convention, la 2è est la promotion de la langue créole "à côté du français". Bizarre pour un parti qui compte nombre de créolophobes notoires comme tel vrai historien du Robert et tel faux historien du Bord de Canal. Nul journaliste n'a pourtant interrogé les dirigeants du PPM sur ce soudain amour débordant pour la cause du créole car la placer en 2è position sur une liste de 14 revendications, ce n'est quand même pas rien. Ce n'est en tout cas pas anodin...
. les remous qui affectent ces temps-ci le MIM (Mouvement Indépendantiste Martiniquais) et la rupture entre le président du parti et celui qui, tout en étant député de ce parti, est le chef de la majorité à la CTM. Là, on a carrément touché le fond avec deux journalistes, parfaitement représentatifs de la "Génération à zéro", qui n'ont pas hésité à accompagner l'une des parties en conflit, en l'occurrence le député, pour en quelque sorte lui servir de témoin alors qu'il s'apprêtait à défier le président du parti en imposant sa présence et celle de certains de ses affidés à une réunion du comité national. Il y avait là visiblement une volonté de piéger le président et pire, dans le compte-rendu de ce qui est un non-événement, l'un de nos "Génération à zéro" journalistique s'est permis de citer les noms de plusieurs militants présents qui auraient défié le président du parti en refusant d'obéir à son ordre de quitter les lieux (sa permanence politique). Indignés, lesdits militants ont exigé dès le lendemain des rectificatifs et ont protesté sur leur page Facebook contre ce qui n'est rien moins qu'une manipulation, mais à ce jour, rien n'a été fait. La vérité n'a pas été rétablie ! Pire : un autre journaliste a fait dire, dans un article publié sur le site-web du média qui l'emploie, à "des militants du MIM" qu'Alfred MARIE-JEANNE est frappé de "démence" pour finir son article en...endossant lui-même cette accusation à la fois gravissime et scandaleuse. Bon, il faut reconnaître, en effet, qu'il faut être un peu fou pour se rendre au Prêcheur dès le lendemain matin d'un épuisant voyage en France, où l'on s'était rendu pour défendre les affaires martiniquaises, afin d'évaluer la situation causée par les "lahars" et cela à 82 ans...
. en remontant un peu en arrière, en novembre 2017, le Conseil d'état annule la décision du CNESER (Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche) de révoquer le chef du trio de mafieux du CEREGMIA et de suspendre sans salaire ses deux comparses. Aussitôt, ces messieurs exultent et font circuler le bruit qu'ils ont été "blanchis par la justice", grossière contrevérité aussitôt reprise par divers médias. Or, n'importe quel journaliste un tant soit peu formé sait que le Conseil d'état ne juge jamais sur le fond, mais uniquement sur la forme. Autrement dit, il a trouvé dans la décision du CNESER une ou deux failles juridiques, mais à aucun moment il n'a porté de jugement sur le fond du dossier à savoir la volatilisation de 14 millions d'euros de subventions européennes au détriment de notre université. D'autre part, un journaliste devrait savoir que pour un fonctionnaire, il existe deux sanctions : d'abord, une sanction administrative (celle du CNESER en l'occurrence concernant le trio du CEREGMIA), sanction en général assez rapide ; ensuite, une sanction pénale (celle des tribunaux), en général assez tardive. Le trio du CEREGMIA n'a pas encore été conduit à la barre du tribunal (chose qui ne saurait tarder) et donc "la justice" n'a pas pu le "blanchir" !!! Colporter cette contrevérité est tout simplement honteux pour un journaliste...
On pourrait prendre cent exemples, des plus banals aux plus graves, qui démontrent que quasiment tous les jours, bon nombre de nos journalistes, souvent les plus en vue (ou plus exactement les plus "m'as-tu-vu") violent délibérément et en toute impunité, les règles les plus élémentaires de neutralité, d'objectivité et de déontologie attachés à leur profession. La "Génération à zéro" journalistique marchant, bien évidemment, main dans la main avec la "Génération à zéro" politique.
Matinik bel péyi, manmay !...
SOURCE : Montray Kreyol