Les partis sont nés de la révolution industrielle, vers 1850, où leur fonction était identifiée clairement. Ils représentaient des classes sociales ou des groupes sociaux déterminés. Le parti radical a, par exemple, longtemps représenté les commerçants, artisans et paysans ; les divers partis de droite, la bourgeoisie industrielle ou financière ; le Parti socialiste et le parti communiste, les ouvriers…
Cette situation a perduré jusqu’aux années 80 : les partis étaient l’expression de sensibilités sociales et jouaient le rôle d’intermédiaire par lequel transitaient les revendications et les aspirations de la population. Certains les exprimaient dans l’opposition par une fonction tribunitienne, d’autres dans l’alternance au pouvoir qui imposait à un moment donné la force de tel ou tel groupe social.
L’obsolescence des partis
Les élites issues des partis avaient une légitimité. Les classes populaires avaient leurs représentants. Ce système « partitocratique » fonctionnait d’autant mieux que la redistribution des richesses s’opérait dans le cadre de l’Etat-nation, garant d’un équilibre dans cette répartition. Avec la mondialisation financière, son rôle a été balayé, notamment par la volonté d’une partie de la classe politique, au point qu’aujourd’hui les partis politiques, comme les rois jadis, se retrouvent tous nus.
Ils ne représentent plus qu’eux-mêmes, c’est-à-dire une petite oligarchie ne se reproduisant que dans l’entre-soi, coupée du réel, hors-sol, moulinant dans le vide, mimant des combats et des idéologies du passé, avec une langue de bois incompréhensible pour le commun des mortels.
Il y a toujours eu des scandales et des « affaires » en politique, mais ils apparaissaient comme des transgressions. Aujourd’hui, ils sont perçus comme une finalité permettant aux clans de délimiter leur territoire.
Ce qui vient de se passer à l’UMP ne regarde finalement personne d’autre que les quelques hiérarques et leurs écuries qui ne pensent qu’à la prochaine présidentielle. Et ce, même si le hold-up de Bygmalion se fait en dernière instance sur le dos du contribuable. Quand à l’effondrement du Parti socialiste, il n’intéresse que ses députés qui ont peur pour leur réélection.
La thèse que je soutiens est que l’obsolescence des partis politiques de l’ère industrielle étant arrivée près de son terme, il faut d’urgence réinventer la forme parti si nous voulons sauver la démocratie.
Les partis deviennent liquides, transparents
Nous voyons bien qu’avec les primaires généralisées, l’armature des partis est en train de s’effondrer. Ils reviennent à ce qu’ils étaient à leur origine, des comités électoraux. Leurs fonctions d’écoles de formation, de pensée, de renouvellement des élites, disparaît. Les partis deviennent liquides, transparents, vides de sens, désertés par les forces vives.
Pour autant, une démocratie sans partis politiques peut-elle fonctionner ? L’illusion d’une démocratie directe, sans représentants, est une utopie dangereuse. La démocratie repose sur trois acteurs essentiels :
La question est donc de réinventer des partis permettant à la population de formuler ses choix, de renouveler ses élites, de décider de son destin, indépendamment des lobbies. Cela passe par une refondation de la politique qui suppose de profondes transformations.
Après le 21 avril 2002, la peur engendrée par l’arrivée de Le Pen au deuxième tour a certes suscité une mobilisation massive, mais elle a en même temps empêché de penser la transformation de la politique. L’effondrement de la droite et de la gauche actuelles nous en donne l’occasion. Ce chantier n’apportera pas la solution à la crise mais il est le préalable pour que le changement ne soit pas sans lendemain.
source : Noël Toute l'année, blog de Noël Mamère.