Ce genre de pub est également
injurieux à l’égard des hommes, auxquels elle ne prête ni intelligence
ni sentiments mais seulement des préoccupations au ras de la braguette.
La publicité est bien un discours puissant : même si on récuse ses images les plus stéréotypées, on sait qu’elles s’adressent à soi et servent de code de reconnaissance. Elles permettent à un groupe (en l’occurrence celui des femmes) de s’identifier. Même si les communications caricaturales, qui servent au mieux cette fonction, sont de moins en moins nombreuses, l’on n’échappe pas à un propos sinon sexiste du moins sexué.
Quatre Français sur dix se déclarent aujourd'hui heurtés par la manière dont on présente les femmes dans la publicité. Selon l'enquête Ipsos-Culture Mag, les femmes et les plus de 35 ans sont les plus choqués, mais la majorité des hommes comme des plus jeunes n'y voit rien à redire.
Globalement, 41% des Français se disent aujourd'hui "souvent choqués par la manière dont on montre les femmes dans la publicité, que ce soit à la télévision, la presse ou en affichage". Mais si cet avis est partagé par près d'une femme sur deux (48%), et par la majorité des plus de 35 ans, les hommes sont, pour les deux tiers d'entre eux, d'avis contraire : 63% n'auraient été que "rarement" (38%) ou "jamais" (25%) choqués.
Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes s'accordent en revanche sur l'évolution des thématiques abordés dans la pub. Une large majorité de Français, sans distinguo d'âge ou de sexe, estime aujourd'hui qu'il y a dans la publicité plus d'évocations à caractère sexuel qu'il y a un an ou deux, contre un tiers qui pensent que rien n'a changé.
Les femmes occupent un rôle central dans la publicité (en particulier française), et le plus souvent à leurs dépens.
Le sexisme dans la publicité
Le sexisme représente une discrimination envers un sexe, auquel on refuse l’égalité ou la dignité en stéréotypant des caractéristiques générales qu’on attribuera à ce sexe.
Dans la publicité, ce sont les femmes qui sont le plus généralement affectées par le sexisme. Elles sont représentées aussi bien idéalisées (top-models) que dégradées (prostituées), leurs capacités intellectuelles sont niées et le corps féminin est réduit à un instrument de séduction ou à un objet de désir.
Les publicitaires sont conscients de l’évolution des idées, des comportements, des mentalités. En fait, la publicité veut faire croire qu’elle participe à cette évolution, ou en est même à l’origine.
Puisque l’objectif principal de la publicité est de provoquer, d’accrocher le public, les annonces vont s’efforcer d’exploiter, d’utiliser, ou de parodier des thèmes socio-culturels, en particulier celui du statut social des femmes et du mouvement féministe. Cette stratégie est relativement nouvelle, elle dérive en grande partie de la critique grandissante faite envers la publicité.
Malgré un système de contrôle de la publicité, les atteintes à la dignité de la femme persistent, notamment à travers des stéréotypes et l’émergence du “porno-chic”. Des dérives qu’il convient de combattre, car aujourd’hui, l’enjeu est de garantir la sécurité des femmes et non plus seulement de s’assurer de la décence des images diffusées. La réalité des violences faîtes aux femmes, mieux prise en compte par les statistiques et la société, a changé « l’exigence sociale de décence en exigence sociale de sécurité des femmes », affirme la délégation, mais les moyens restent insuffisants pour imposer une autre vision de la femme.
« Les associations de lutte contre la publicité sexiste dénoncent des atteintes persistantes et pernicieuses à la dignité humaine concernant l’image de la femme, mais aussi parfois celle de l’homme. Par ailleurs, les représentations des femmes dans la publicité restent souvent stéréotypées, sans que ces dérives soient réellement sanctionnées », précise la délégation aux droits des femmes.
Le BVP (Bureau de Vérification de la Publicité) a constaté une baisse des atteintes aux règles déontologiques de la publicité en matière de respect de la personne humaine. Mais nombre de publicités arrivent à passer à travers les mailles du filet du BVP. Sur près de 82.000 visualisés en 2005, le BVP n’a constaté que 16 manquements, au lieu de 61 lors de la première étude en 2001. Le nombre de plaintes de consommateurs pour non-respect de la personne humaine a également diminué, le BVP en a reçu 472 en 2003 et seulement 89 en 2006.
Toutefois, le BVP, composé d’associations de consommateurs et de professionnels de la publicité, n’exerce un contrôle systématique que sur les publicités télévisées. L’affichage, l’Internet échappent encore largement à ce contrôle, malgré des études annuelles réalisées. « L’efficacité du contrôle du BVP apparaît donc variable selon le type de média concerné », souligne le rapport. « La délégation recommande, pour renforcer l’efficacité du contrôle du BVP, que soit envisagé d’étendre l’obligation de consultation préalable du BVP, déjà prévue pour les publicités télévisées, aux campagnes publicitaires nationales d’affichage ».
Violence et soumission
Des associations de lutte contre la publicité sexiste, comme La Meute, constatent un retour au “porno-chic” pour les publicités de marques de luxe, constat que partage également le BVP. Il existe aujourd’hui « une amorce de retour de cette tendance mêlant pornographie-violence-soumission, apparue au début des années 2000 ».
L’association La Meute a ainsi établi une liste des publicités sexistes sur son site Internet et a décerné le “Prix Macho”. Ces publicités ont pu être classées dans plusieurs catégories : le cliché sexiste, l’utilisation de la nudité et de la sexualité sans aucun rapport avec le produit, les thèmes de la prostitution, de la violence et de la pornographie.
Autre dérive, la persistance de stéréotypes. « La femme est tantôt une séductrice impénitente, tantôt une ignorante des questions mécaniques et techniques, uniquement préoccupée de l’esthétique ou du confort du véhicule... » ou encore elle est directement associée aux tâches ménagères. S’il est vrai que les femmes assurent encore la majeure partie des tâches domestiques, ce n’est pas l’image qu’elles revendiquent aujourd’hui. Ces représentations sont de nature à bloquer l’émancipation de la femme, estime la délégation aux droits des femmes.
Enfin, elle pose le problème de la minceur excessive des mannequins, qui peut déclencher l’anorexie chez les jeunes filles. « Il n’existe, à l’heure actuelle, aucune réglementation concernant la publicité susceptible d’inciter à l’anorexie, alors qu’un dispositif spécifique concernant les publicités pour les produits alimentaires a été adopté pour lutter contre le développement de l’obésité », souligne la délégation. 1,5% des adolescents sont ainsi touchés par l’anorexie en France, et si ce phénomène est le résultat de facteurs multiples, il peut aussi être déclenché par le culte de la minceur.
GRÉSY (Brigitte), L’image des femmes dans la publicité, Paris : La documentation française, 2002.
REMAURY (Bruno), Le beau sexe faible : les images du corps féminin entre cosmétique et santé, Paris : Grasset, 2000.
HERNE (Claude), La définition sociale de la femme à travers la publicité, Paris : l’Harmattan , 1993.
GOFFMAN (Ervin), Gender advertisements, in Studies in Anthropology of visuel communication, vol 3, 1976.