Un Antillais est parvenu à conduire devant la barre du tribunal de Paris un recruteur prévenu de discrimination à l’'embauche. Son procès s'est tenu le 20 mai devant la 17e chambre du tribunal de Paris.
PHOTO : Elie Domergue en compagnie de son avocat Jean-Claude Beaujour.
Elie Domergue, cadre au chômage expérimenté en matière de ressources humaines a failli être embauché en 2004 en tant que directeur du Conservatoire national des arts et métiers de Versailles. Son CV a attiré l’attention du recruteur, Thierry Cochois, directeur de l’Association régionale du CNAM, mais il lui a semblé que son accent avait agi comme un répulsif
Alors il a porté plainte. Classé sans suite. Alors il a raconté son expérience sur le Net et l’ancienne juriste du CNAM l’a appelé et lui a apporté sa fiche de recrutement
Elle était annotée d’un mot : « Antillais » et d’un symbole, un point d’exclamation enfermé dans un triangle
Il a porté plainte avec constitution de partie civile, un juge d’instruction a fait neuf mois d’enquête et, le 20 mai, Thierry Cochois comparaissait devant la 17e chambre correctionnelle de Paris, prévenu du chef de discrimination à l’embauche en raison d’une origine ethnique.
La victime, Elie Domergue, aujourd’hui conseiller au Pôle Emploi, a rappelé dans quelles circonstances, il avait postulé par mail, puis reçu une réponse positive. Le lendemain de ce mail, il reçoit un appel sur son portable vers 20 h 50 de M. Cochois. Ce dernier insiste pour parler à M. Domergue. C’est pourtant bien Elie Domergue au téléphone. « Mon accent l’a surpris et il a mis rapidement un terme à la conversation téléphonique»
« Ne pas travailler avec les Bamboulas »
Quelques jours plus tard, un nouveau mail : « Le jury de sélection n’a pas retenu votre candidature. » A la barre, Elie Domergue s’est déclaré « désolé d’être un autre, d’être un Antillais »
Thierry Cochois assure que la communication était mauvaise et refuse d’y voir une malice. « Vous ne l’avez jamais signalé lors de vos auditions par les enquêteurs », s’étonne la représentante du parquet. Et puis il y a cet « Antillais » et la signalétique « danger »
« M. Cochois a parlé de ne pas travailler avec des Bamboulas », témoigne L’ancienne juriste de la CNAM. Cochois dément et s’explique sur « Antillais ». « M. Domergue m’a renvoyé un mail pour me dire qu’il avait eu l’impression qu’il n’avait pas été pris à cause de son origine. C’est alors seulement que j’ai su qu’il était Antillais
et que je l’ai marqué. » « On entend pourtant bien l’accent de M. Domergue, a repris le ministère public, c’est celui d’une personne noire francophone. On sait qu’il n’est pas Breton ! » « M. Cochois a fait un choix de manager, mais un choix contraire à la loi », a plaidé Jean-Claude Beaujour, avocat de M. Domergue. Il évoque l’ombre du souvenir de Vichy et de la collaboration, « quand au lieu de marquer antillais, on marquait Juif ! ».
Pour la partie civile, ce procès est nécessaire car « c’est notre pacte républicain qui est en danger, s’enflamme Me Beaujour. Si nous laissons notre élite se comporter ainsi, quel exemple donnons-nous ? Il faut le sanctionner ! » Il demande pour son client un an de salaires qu’il aurait reçus, soit 45 000 euros, 10 000 de dommages-intérêts et 6 000 pour les dépens. Le procureur s’est « réjoui d’avoir ce dossier solide pour l’accusation pour une infraction difficile à établir ». Il salue la présence du mail annoté dans le dossier, « une pièce centrale », rappelle que l’enquête a déterminé qu’il n’y avait pas de jury si ce n’est M. Cochois tout seul, et contrecarre la défense de Thierry Cochois qui a fait signer des attestations par des gens qu’il a recrutés et qui sont sous sa subordination
En face, le parquet rappelle « l’avalanche de témoignages » contre lui. Cinq des huit salariés de l’ARCNAM ont démissionné
Le parquet requiert deux mois de prison avec sursis. Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 24 juin.
Source : FXG (agence de presse GHM)