L'ancien étudiant d'Harvard, Adam Wheeler, a plaidé non coupable mardi à l'accusation d'avoir menti dans son dossier de candidature pour l'université. Entre autres inventions, il avait prétendu avoir suivi les cours de la Phillips Academy, passé un an au MIT, et avoir obtenu 1.600 points au SAT [test national pour entrer dans les collèges américains, NDLE]. Selon le procureur, Wheeler a «vécu une vie de mensonges et de tromperies», et «sans ses parents, le comportement pathologique de M. Wheeler aurait continué». En quoi un menteur pathologique se différencie-t-il d'un menteur normal - et Wheeler peut-il être défini ainsi?
Non. Même s'il n'y a aucune définition officielle du mensonge pathologique, connu aussi sous le nom de mythomanie ou de pseudologia fantastica, les psychiatres utilisent en général le terme pour signifier des mensonges dits régulièrement mais sans utilité, et souvent sous la forme de récits complexes et extravagants. (Ce qui s'oppose aux petits mensonges servant de temps en temps à faciliter les rapports sociaux). Wheeler a certainement menti de façon répétée et audacieuse - il prétendait dans son dossier de candidature parler le vieil anglais, l'arménien classique et le vieux perse, et avoir écrit ou co-écrit six manuscrits de livres. Mais dans la mesure où ces affabulations étaient là pour le faire entrer à l'université et progresser sa carrière, elles étaient utiles et non pas pathologiques, selon le sens habituel.
L'âge du premier mensonge
Le mensonge pathologique ne se retrouve pas dans la version la plus récente du DSM [manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, NDLT], ce qui fait que le «menteur pathologique» n'a rien d'un diagnostic officiel. C'est plutôt un type de comportement dont les psychiatres débattent en le liant en général à d'autres troubles. La simulation par exemple -feindre des problèmes physiques ou psychologiques afin d'obtenir une attention particulière ou une compensation financière, ou d'éviter le travail ou le service militaire- peut impliquer un mensonge pathologique. De même avec le trouble de la personnalité narcissique, dans lequel une personne raconte des histoires extravagantes, et souvent manifestement absurdes, sur elle-même afin d'attirer l'attention.
D'autres maladies mentales décrites dans le DSM ressemblent au mensonge pathologique, mais ont certaines caractéristiques différentes. La confabulation, par exemple, arrive quand vous souffrez d'amnésie sélective et que vous inventez des mensonges servant à remplir les blancs entre vos vrais souvenirs. Les personnes souffrant du trouble de la personnalité borderline peuvent mentir sans arrêt, mais seulement parce qu'elles ne savent pas qui elles sont et n'arrivent pas à différencier le vrai du faux. Le syndrome de Ganser est un trouble dissociatif qui entraîne souvent des mensonges réguliers.
Le terme de pseudologia fantastica a été à l'origine inventé par un médecin allemand, Anton Delbrück, en 1891, après avoir étudié le cas d'une femme qui avait voyagé à travers l'Europe en prétendant alternativement être une princesse roumaine, un membre de la famille royale espagnole, et une pauvre étudiante en médecine. Depuis, les études significatives sur le mensonge pathologique ont été rares. Une première enquête, en 1915, concluait qu'environ 1% de ses 1.000 sujets observés mentaient de manière excessive. Une étude menée en 1988 montrait que l'âge moyen du premier mensonge était de 16 ans, et de 22 celui du dévoilement. Une étude de 2005 publiée dans le British Journal of Psychiatry [revue britannique de psychiatrie, NDLT] montrait que les menteurs pathologiques avaient plus de «substance blanche» -les cellules qui transmettent les signaux aux différentes parties du cerveau- dans leur cortex frontal que les autres. En d'autres termes, ils sont particulièrement performants quand il s'agit d'être sur le pied de guerre.
Christopher Beam