Au-delà de l’écoeurement qu’elles provoquent, voici un petit échantillon de ces énormités qui obligent à se demander si l’école gratuite, laïque et obligatoire est une nécessité quand, se rendant à l’étranger, dans les pays dits sous-développés, on rencontre des tas de gens qui ne savent ni lire ni écrire et qui pourtant sont à cinq barreaux au-dessus des Martiniquais sur l’échelle de l’analyse de leur réalité. Haïti en est l’un des meilleurs exemples. J’ai relevé donc des citations dans la presse écrite et sur Internet, citations dont je ne nommerai pas les auteurs (ils se reconnaîtront) et qui attestent de l’état de viscosité mentale qui affecte ce qu’il est convenu d’appeler « nos compatriotes ». REVOLTES ANTI-ESCLAVAGISTES « Toutes les luttes du peuple martiniquais depuis les révolutions anti-esclavagistes, puis plus récemment pour la départementalisation obtenue en 1946… » commence un scribouillard. Ce monsieur, si l’on comprend bien, met sur le même plan, les incendies d’habitations de Békés et de champs de canne, les départs en marronnage, les tortures infligées aux nègres qui étaient repris grâce à des chiens spécialement formés, les empoisonnements de bétail etc…, actions visant donc à jeter bas le système d’oppression mis en place par les Français avec une loi, celle de 1946, qui, elle, a eu pour objectif, de nous amarrer définitivement au giron…français. Cherchez l’erreur ! On a envie de rétorquer à ce monsieur : l’esclave Romain ne s’est pas révolté pour vous permettre de toucher les 40% et de rouler dans votre 4/4 à la con. N’insultez pas la mémoire de nos ancêtres ! La loi d’assimilation est le résultat d’une revendication formulée dès la fin du XIXe siècle par la bourgeoisie mulâtre, puis reprise et actée par la petite bourgeoisie noire au siècle suivant. Aucun rapport entre la lutte menée par l’esclave Romain et ses frères d’une part et celle menée par les bourgeois et petits bourgeois négro-mulâtres de l’autre. Aucune ! PASSAGE EN FORCE Continuons ce pénible inventaire… « Ceux qui se voudraient les seuls défenseurs d’une Martinique plus responsable veulent nous faire croire que Nicolas Sarkozy approuve, voire soutient, leur volonté d’imposer aux Martiniquais un passage en force à leur « article 74 conduisant à l’autonomie ». Vous avez bien lu : « imposer » et « passage en force » !!! Si l’on comprend bien, Lise et Marie-Jeanne ainsi que leurs collègues n’ont pas été élus par les Martiniquais suite à un vote démocratique dans le cadre des lois électorales « fouançaises ». Ils se sont sans doute imposés par les armes à la tête de la Région et du Conseil général. C’est vrai qu’ils ont tous les deux des têtes d’Amin Dada. Ensuite, ils n’ont organisé aucun débat sur la question du 74 (pourtant on a eu droit à la télé à deux fois 11H de débats lors des congrès des 18 décembre 2008 et 18 juin 2009 !) et n’ont pas obtenu l’aval de leurs assemblées (pourtant la presse a rapporté que leurs différentes résolutions avaient été adoptées par 74% de voix !). Et clou de l’opération : ils nous imposent le passage à l’article 74. Pourtant, on a cru entendre Sarkozy dire que le 17 janvier prochain sera organisée une consultation référendaire sur cette question et qu’en cas de victoire du « NON », une deuxième consultation serait organisée sur la question de l’assemblée unique cette fois. Donc Marie-Jeanne et Lise imposent quoi à qui ? Quel « passage en force » nous préparent-ils ? Une telle mauvaise foi de la part de l’auteur de cette « analyse » reflète, en fait, quelque chose d’absolument effrayant dans la Martinique telle qu’elle est devenue aujourd’hui : certains Martiniquais sont prêts à tuer père et mère, sont prêts à nier l’évidence, à mentir, à vilipender, juste par peur panique que leur tube digestif (et le bac à essence de leur voiture) ne se retrouvent vides un jour. Lamentable… RAPPORTS DE FORCE Continuons quand même… « Il n’est pas admissible que le peuple soit lancé dans une aventure dans laquelle sa seule manifestation de Liberté aura été d’avoir dit OUI à l’obligation d’assumer et de vivre ce que d’autres, en fonction de leur seul intérêt, décideront pour lui après une négociation dans laquelle les rapports de force sont manifestement déséquilibrés ». On croit rêver ! Quand y a-t-il jamais eu rapports de force équilibrés entre une île minuscule de 400.000 habitants et la 5è puissance mondiale peuplée de 63 millions d’habitants ? « Poussière sur l’Atlantique… » disait jadis le général De Gaulle. En fait, le seul rapport de force possible et imaginable est la volonté populaire exprimée soit par les urnes soit par les armes. Il n’y a pas de troisième possibilité. Or, par les urnes, le peuple martiniquais a dit son mot en faisant élire Lise et Marie-Jeanne à la tête de nos collectivités, obligeant Sarkozy à prendre en compte les desiderata des deux congrès. Car la France ne peut pas se proclamer partout à travers le monde la championne des droits de l’homme, exiger des élections transparentes en Guinée ou en Iran, et dans ses propres colonies refuser le verdict des urnes pour des élections que ses services déconcentrés ont eux-mêmes organisées ! Sarkozy est donc obligé de tenir compte de la volonté exprimée par nos deux collectivités. Il n’a pas le choix. Son discours de l’aéroport du Lamentin ne relève ni de la générosité ni de la grandeur d’esprit : il prend acte d’une réalité. Et il est obligé d’en prendre acte puisque cette réalité s’est forgée dans le cadre même de la démocratie française. Au moins Marie-Jeanne et Lise sont-ils entrés par la grande porte de l’Elysée pour aller en discuter avec Sarkozy. Ce n’est pas comme d’autre qui passent par derrière, par l’entrée des cuisines, et pour, en plus, aller lécher plus les graines d’obscurs conseillers du président. GREVE DE FEVRIER Continuons…Pour être honnête, il n’y a pas que dans le camp des pro-73 qu’on entend du n’importe quoi. Dans le camp du 74 aussi, on en trouve parfois. Citation : « Alors que dans notre pays, des commentateurs de salon, souvent mal intentionnés, s’acharnent, contre toute évidence, à dévaluer la grande grève de février-mars en prétendant que les manifestants terre-à-terre n’avaient en vue que leur porte-monnaie, alors qu’ils s’échinent à jeter, indistinctement, le discrédit sur toute la représentation politique martiniquaise… ». Là encore on croit rêver ! Notre grand analyste met donc dans le même camp les manifestants de février et la représentation politique martiniquaise !!! De méchants commentateurs de salon jetteraient leur discrédit et sur les grévistes et sur les politiques donc. C’est du n’importe quoi ! C’est carrément réécrire l’histoire (et l’on sait combien les staliniens sont passé maîtres dans cet art douteux). Car enfin qui a insulté Marie-Jeanne lorsqu’il a eu le malheur, au bout de dix jours de grève, de demander à ce que l’étau soit desserré pour permettre au peuple justement de se ravitailler ? Qui l’a traité de traitre, de Lagrosillière, de pro-Béké ? Des manifestants ! Qui a cerné Lise alors qu’il sortait de la Préfecture pour se rendre à pied au Conseil général et l’a abreuvé d’injures, menaçant même de s’en prendre physiquement à lui ? Des manifestants ! Et enfin qui a totalement décrédibilisé la représentation politique martiniquaise en donnant le beau rôle au préfet français lequel, à la fin du conflit, a eu beau jeu d’enfiler, devant les caméras, le tricot rouge du Collectif tout en serrant la main de son leader ? « La question de l’autonomie ou de l’indépendance ne m’intéresse pas ! Je défends les droits des travailleurs, c’est tout ! » nous asséna d’ailleurs froidement une égérie du Collectif sur ATV (si mes souvenirs sont exacts). Donc mettre sur le même plan les grévistes et la représentation politique, comme le fait l’auteur de l’article cité plus haut, relève de la manipulation des faits. Entendons-nous bien : le Collectif a parfaitement le droit de donner la priorité à la lutte des classes sur la question institutionnelle. De même, les politiques ont, eux aussi, parfaitement le droit de faire de la question institutionnelle une priorité. Ce qui relève d’une malhonnêteté crasse, c’est d’essayer de faire croire que syndicalistes et politiques marchent la main dans la main, parlent d’une même voix. Ne réécrivons pas l’histoire ! N’essayons pas de jouer sur les deux tableaux comme l’auteur de cet article ! En ce tournant de notre histoire, ou bien on accepte le postulat de Frantz Fanon ou bien on le rejette : le postulat qui dit que, dans une colonie, le combat pour l’émancipation nationale doit avoir la priorité sur la lutte des classes. (En français : « avoir priorité » signifie « passer avant » et pas du tout « ignorer » ou « rejeter ». Oui, la lutte des classes existe en Martinique…). Raphaël CONFIANT in Antilla