REGIONALES - REUNION : PAUL VERGES, LES RAISONS D'UN ECHEC

verges3.jpgLe PC perd sa seule Région / 26

À 85 ans, l’ex-président de la Région quitte les devants de la scène politique par la petite porte. La défaite était-elle prévisible et comment l’expliquer ? L’âge du chef de file de l’Alliance ? Les projets tram-train et MCUR ? Sa fusion avec Thien-Ah-Koon ?… Sans doute tout ça à la fois.


 

À n’en pas douter, les élections régionales de mars 2010 resteront gravées dans l’histoire politique de la Réunion. À plus d’un titre. Mais le fait le plus marquant reste la défaite de Paul Vergès, le président sortant de la Région depuis 12 ans. Il serait hasardeux de pointer du doigt une seule raison susceptible d’expliquer la chute du leader communiste. Plusieurs éléments peuvent néanmoins donner un début d’éclairage.

L’âge de Paul Vergès d’abord. À 85 ans fêtés le 5 mars, le leader du PCR n’a pas voulu rendre les armes et s’est jeté dans la bataille en dépit des critiques qui lui sont probablement parvenues jusqu’aux oreilles. “Ils veulent casser tout ce que j’ai construit. C’est pour cette raison que je suis candidat”, se justifie-t-il. Mais si l’esprit reste vivace, chacun aura pu voir un président-candidat physiquement affaibli par le poids des ans, se déplaçant difficilement, cherchant ses mots le soir du débat télévisé sur Antenne Réunion. Et l’avantage est tout naturellement parti vers son adversaire plus jeune de 40 ans et auquel les électeurs, notamment de la nouvelle génération se sont plus facilement identifiés.

“Trop sûr de lui”. Une remarque qui est souvent revenue hier soir chez les différents commentateurs. On se rappelle en effet que Paul Vergès affichait une certaine arrogance à l’annonce de sa candidature pour les régionales. “C’est une simple péripétie”, disait-il misant non pas sur une victoire de l’Alliance, mais sur “l’ampleur de la victoire” qui devait être sans précédent. “À en croire le candidat communiste, ce n’était même plus la peine de faire campagne, le jeu était fait. L’Alliance devait retrouver les fauteuils moelleux de la “pyramide inversée”, rappelait hier soir Dominique Fournel, élu de l’UMP.

L’absence de mobilisation. Le constat vient sans doute de ce qui s’est dit plus haut. Rarement les communistes se seront aussi peu mobilisés pour un scrutin. Les soutiens sont apparus tardivement. À Saint-André, les prises de parole du maire se sont faites très rares. Paul Vergès a été contraint de célébrer son anniversaire à Saint-Louis pour mobiliser dans une commune détenue pourtant par Claude Hoarau. Au Port, la mobilisation n’aura jamais été aussi faible au soir d’un premier tour de scrutin mettant en scène le leader du PCR. Et le résultat est là. Au-delà de la défaite, Paul Vergès parvient difficilement à distancer son adversaire à la Possession. Il est battu à Saint-André. Il n’y a qu’au Port où il creuse véritablement l’écart. Mais est-ce une surprise ?

La déclaration d’Huguette Bello. S’il devait y avoir un seul élément qui aura fait basculer l’électorat d’un camp à l’autre, l’intervention d’Huguette Bello pourrait être celui-là. Depuis un moment déjà, le ciel avait viré au gris entre la députée-maire de Saint-Paul et Paul Vergès. Huguette Bello qui a dû ramer seule face à l’appareil UMP pour décrocher la mairie saint-pauloise n’a pas manqué de se tenir à l’écart lors de ces régionales. Au premier tour, seulement 35% des électeurs saint-paulois se sont déplacés jusqu’aux urnes plaçant Paul Vergès légèrement en tête devant Didier Robert. La déclaration d’Huguette Bello dans nos colonnes entre les deux tours a permis au candidat de l’UMP de refaire son retard et même de distancer son adversaire de près de 3000 voix. La sortie de Monica Govindin quelques jours après est venue brouiller un peu plus encore l’image du leader charismatique du PCR.

La fusion avec Thien-Ah Koon. Beaucoup ne l’ont pas comprise. À commencer par Huguette Bello, d’où sa fameuse confession. Les socialistes ensuite qui posent ce rapprochement comme l’un des prétextes à leur désunion avec l’Alliance. Les militants communistes enfin. Ces derniers, surtout au Tampon, qui ont combattu durant des années la politique de Tak pouvaient difficilement l’encenser à travers un vote. D’ailleurs, le “mariage Tak Vergès” ne profitera pas à l’Alliance dans la commune sudiste. Lors du premier tour, l’addition des résultats des deux candidats donnait près de 11500 voix. Paul Vergès n’a obtenu que 8 927 voix alors que dans le même temps Didier Robert améliorait son score de près de 8000 bulletins. Il est évident que les électeurs du Tampon et même ceux de l’Entre-Deux ont condamné cette alliance à contre nature.

La désunion avec le Parti socialiste. À qui la faute ? On ne parviendra probablement jamais à les départager, les deux camps se rejetant la faute. Paul Vergès a tout de même une petite avance sur la balance des responsabilités. Avant même le premier tour, sûr de lui, il affichait de l’arrogance vis-à-vis des socialistes, « ces démolisseurs » disait-il. Le chef de file de l’Alliance ne pouvait admettre que ces derniers refusent sa Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise (MCUR) et veuillent rediscuter du tram-train. Inévitablement, les discussions ont longtemps buté sur ces deux points lors des tractations. Mais les deux partis voulaient-ils réellement s’entendre ? Rien n’est moins sûr, surtout au PS qui voyait là une occasion rêvée de laver l’affront du chemin Bœuf Mort six ans plus tôt et surtout d’écarter le parti communiste de la route des socialistes.

MCUR, tram-train. Paul Vergès a voulu faire de ce scrutin des régionales un référendum sur ces deux projets. Erreur fatale. Au fil des semaines, des voix se sont élevées contre la réalisation d’une MCUR. Un rejet amplifié par la présence de Françoise Vergès à la tête de la structure. Quant au tram-train, 75% des Réunionnais le souhaitent, néanmoins ils lui préfèrent la route du littoral. Mais Paul Vergès est resté sourd aux remarques de ses proches, des militants et de manière générale de la population, s’entêtant sur ces deux seuls dossiers.

Volonté de changement. Et si c’était ça, tout simplement, la véritable raison de l’échec de Paul Vergès ? Certes, le président sortant avait un bilan. Sûr, il avait des projets. Mais l’argument du renouveau, le message mettant en avant de nouvelles têtes en politique aura été plus fort que tout. Pour le leader du PCR, incontestablement les régionales de 2010 auront été le combat de trop

Jacky Ferrere