Dans les formes légères ou modérées de la maladie, ces médicaments, très prescrits, ne font pas mieux qu'un placebo.
L'efficacité des antidépresseurs est toutefois bien supérieure à celle du placebo, dans les cas de dépressions sévères
En revanche, les bénéfices de ces molécules apparaissent minimes, voire inexistants, chez les personnes avec une dépression d'intensité légère ou modérée. Jay Fournier se dit même surpris par le niveau élevé de sévérité des symptômes nécessaire pour constater une supériorité des antidépresseurs par rapport au placebo. «Les prescripteurs, les décideurs et les consommateurs ne sont peut-être pas conscients du fait que l'efficacité de ces médicaments a été en grande partie établie sur la base d'études incluant exclusivement des patients avec des formes sévères de dépression, écrivent les chercheurs. Ce fait important n'apparaît pas dans les messages de promotion de ces médicaments auprès des médecins et du public.» Pour les psychiatres français, cette méta-analyse va dans le même sens que d'autres travaux récents et, selon eux, le message essentiel à retenir est d'abord que les antidépresseurs doivent être réservés à certains malades. «Dans les dépressions sévères, ces médicaments sauvent des vies, il ne faut pas les stigmatiser», prévient ainsi le Pr Chantal Henry, psychiatre à l'hôpital Chenevier (Créteil). Qu'en est-il des formes plus bénignes ? En France, les prescriptions se sont stabilisées ces dernières années, après plusieurs décennies d'envolée. Les recommandations officielles, telles celles de la Haute Autorité de santé et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sont de ne pas traiter d'emblée par médicaments les symptômes dépressifs isolés ou d'intensité légère (selon la définition du manuel de psychiatrie DSM IV). Encore faut-il distinguer les signes dépressifs réactionnels à un événement de la vie et qui vont régresser en quelques semaines, d'une réelle dépression, ce qui n'est pas toujours évident, ni pour les médecins généralistes (qui prescrivent 80 % des antidépresseurs), ni même pour les psychiatres. «Nos outils cliniques de diagnostic de la dépression sont fragiles, et il peut y avoir une réelle difficulté à discriminer des symptômes dépressifs d'une dépression d'intensité légère, explique le Pr Jean-Pierre Olié (hôpital Sainte-Anne, Paris), qui vient de publier Guérir la souffrance psychique (éd Odile Jacob). Il faut utiliser les critères officiels des manuels, mais aussi faire appel au bon sens, à l'intelligence clinique.» «C'est comme les antibiotiques, pas automatique» Dans le doute, selon lui, il est préférable de pas prescrire d'antidépresseur d'emblée lors d'une première consultation. «C'est rarement une urgence, d'autant que ces médicaments mettent plusieurs semaines pour agir, ajoute-t-il. De plus, ce sont des traitements longs, il faut que le patient comprenne et se prépare.» «Les antidépresseurs, c'est comme les antibiotiques, pas automatique, relève aussi le Pr Michel Lejoyeux, récent auteur de l'ouvrage Les Secrets de nos comportements (éditions Plon), qui regrette le flou entretenu en général dans la société entre des souffrances psychiques qui ne relèvent pas d'un traitement médical et les réelles dépressions où celui-ci est indispensable. En France, selon Jean-Pierre Olié, 5 à 6 % de la population consomme des antidépresseurs, ce qui correspond à la fréquence de la dépression dans la population générale. Il n'y aurait donc pas de réelle surprescription. Des études montrent toutefois que les prescriptions sont loin d'être optimales : plus d'un tiers des dépressifs ne sont pas traités. Et beaucoup de traitements sont sans doute inutiles, si l'on considère leur très courte durée. Chez un patient sur deux, le traitement dure moins d'un mois, selon le Pr Hélène Verdoux (Bordeaux). Une durée tellement courte, qu'elle est incompatible avec un effet thérapeutique. Source : Sandrine Cabut in Le Figaro Jay Fournier (université de Pennsylvanie) et ses collègues ont repris six essais thérapeutiques comparant les effets d'un antidépresseur à ceux d'un placebo. Au total, leur analyse a inclus plus de 700 malades, atteints d'une forme plus ou moins grave de dépression. Selon les études, ils étaient traités soit par imipramine, un antidépresseur classique dit tricyclique ; soit par la paroxétine, une molécule «moderne» de la famille des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (à laquelle appartient aussi le prozac). Au final, quel que soit le médicament, le constat est le même. Pour les patients avec une dépression très sévère, l'efficacité des antidépresseurs est bien supérieure à celle du placebo (produit dénué de substances actives).