La protection des ouvriers du bitume ne sera plus négligée.
Un tribunal de Bourg-en-Bresse a reconnu coupable lundi la société Eurovia, filiale du groupe Vinci, de «faute inexcusable» dans le cas d’un ouvrier «du bitume» décédé en 2008 d’un cancer de la peau, ce qui constitue une première nationale.
Quand on voit les conditions dans lesquelles travaillent les ouvriers du bitume aux Antilles, il faut espérer, après cette décision de justice, que leur protection ne sera plus négligée par des sociétés peu scrupuleuses.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) «a pu trouver que la conjonction de projections, voire d’inhalations, du bitume avec les UV favorisait, soit le risque né des UV, soit le risque né du bitume».
Il y a donc une «faute inexcusable de la part d’Eurovia», a estimé le tribunal dans son délibéré. Même si seule une décision de la cour de cassation peut faire jurisprudence, ce jugement «propose un début de jurisprudence car ce dossier ne peut s’arrêter à un tribunal de premier degré», souligne le tribunal. Par la voix de son avocat, Eurovia a aussitôt annoncé qu’elle faisait appel.
La décision du TASS a été accueillie avec beaucoup d’émotion par la veuve et les deux fils de José Francisco Serrano, mort à 56 ans d’un cancer de la peau. «C’est un soulagement que quelqu’un les oblige à reconnaître leur responsabilité. On a une petite victoire mais on se doute qu’ils ne vont pas lâcher comme ça», a déclaré son fils, Luis Andrad, rappelant que c’était à la demande de son père que la famille avait saisi la justice. «Mon mari, s’il me voit, il est fier», est parvenue à balbutier sa veuve, Maria.
«Une première nationale»
L’avocat de la famille a salué cette «première nationale professionnelle»: «C’est la première fois qu’un tribunal en France reconnaît qu’il existe un lien entre la maladie professionnelle de M. Andrade, sa mort atroce, et les fumées cancérigènes toxiques dans le bitume étendu à 150 degrés sur les routes», s’est félicité Me Jean-Jacques Rinck.
«C’est une complète victoire, qui va faire jurisprudence, qu’un tribunal ait le courage de dire qu’en ne protégeant pas ses salariés, l’employeur a violé une règle de sécurité et commet une faute grave inexcusable, qui permet à la famille d’obtenir une indemnisation complémentaire de son préjudice», a-t-il ajouté.
Me Rinck a également appelé les pouvoirs publics «au titre du principe de précaution», à «s’emparer immédiatement de ce dossier comme ils l’ont fait pour l’amiante» et à «légiférer avec les scientifiques pour interdire en France l’usage du bitume et du goudron».
«C’est une décision stupéfiante», a déclaré pour sa part l’avocat d’Eurovia, Me Franck Dremeaux, rappelant, comme lors de l’audience du 12 avril, «qu’un comité d’experts indépendants, saisi par la sécurité sociale, avait sans ambiguïté conclu que la maladie était consécutive à une exposition solaire» et «non à l’inhalation de produits toxiques».
«Toutes les études scientifiques concluent qu’il n’y a pas de lien entre cancer et fumée de bitume», a-t-il assuré. L’Union des Syndicats de l’Industrie Routière Française (USIRF) a réagi en disant sa «totale incompréhension» après cette décision de justice, dénonçant «les contre-vérités exprimées sur la santé et la sécurité des travailleurs de la route» et «l’association faite entre bitume et cancer».
José-Francisco Serrano Andrade, qui avait travaillé «de très nombreuses années» dans l’épandage du bitume et du macadam sur les routes et autoroutes, avait succombé le 3 juillet 2008, à un cancer de la peau qui s’était déclaré sur le visage.
(Source AFP)