SANTE : QUE FAIRE DE LA LISTE DES 77 MEDICAMENTS "SOUS SURVEILLANCE" ?

Une liste noire pour rassurer ou pour ... inquiéter ?

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Les difficultés techniques rencontrées par le site internet de l’Afssaps en témoignent : la liste de médicaments «sous surveillance» est très demandée. Elle contient cependant des cas très hétérogènes de médicaments et ne doit pas être considérée comme une "liste noire". Sciences et Avenir.fr propose une liste exhaustive mais hiérarchisée de ces produits pharmaceutiques.


Après l’annonce de la publication d’une liste de 77 médicaments et 12 classes de médicaments faisant l’objet d’un suivi renforcé ou d’une enquête de pharmacovigilance, le site de l’Afssaps a été pris d’assaut... Résultat, depuis hier soir le site est inaccessible. Le problème devrait être réglé pour vendredi, indique-t-on du côté de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

Cette publication est présentée par l’Afssaps comme une opération de transparence, alors même que des dysfonctionnements de son système de vigilance sont pointés dans l’affaire du Mediator. L’objectif affiché est de rassurer en montrant que de nombreux médicaments sont suivis. Le risque est d’inquiéter davantage les patients en ne donnant pas les clefs, déplore Bruno Toussaint, rédacteur en chef de la revue Prescrire, qui qualifie cette communication de l’Agence de «balbutiements maladroits». 


La présence d’un médicament sur cette liste ne signifie pas qu’il faille arrêter de le prendre. Aucun traitement ne doit être interrompu sans avis médical. La surveillance de ces médicaments n’est pas nouvelle. Elle répond à différents cas de figures : il y a les nouveaux médicaments qui font l’objet d’un suivi de pharmacovigilance, ceux pour lesquels l’Afssaps jugent nécessaire de renforcer le suivi, enfin ceux pour lesquels des signaux de risque peuvent déclencher une réévaluation et aboutir éventuellement à un retrait.


La liste de l’Afssaps est alphabétique. Nous présentons ici un classement permettant de différencier et de hiérarchiser des situations très diverses concernant ces produits. 

Pour les médicaments, le nom commercial est suivi du nom de la molécule entre parenthèses. AMM signifie autorisation de mise sur le marché.


Les 77 médicaments


Retrait annoncé ou à l’étude :

 -Di-Antalvic, Propofan (dextropropoxyphène). L’AMM sera retirée le 1er mars. Rien de neuf : suite à des risques de surdosages, le retrait progressif de ces antidouleurs a été annoncé en juin 2009. Décision prise en France après un avis de l’Agence européenne d’évaluation.

- Lipiocis (esters éthyliques d’acides gras iodés). Utilisé notamment dans le traitement de cancers du foie, sa commercialisation a été arrêtée en octobre 2010, suit à des atteintes pulmonaires graves. Les essais cliniques ont été suspendus et la suspension de l’AMM va être bientôt examinée.
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Noctran (acépromazine, acéprométazine, clorazépate) : le retrait est proposé pour ce traitement des troubles du sommeil. Motifs : association sans intérêt des trois principes actifs, utilisation chronique. Prochain examen en commission en mars 2011.
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Celance (pergolide) /traitement de la maladie de Parkinson : Arrêt de la commercialisation demandée par le laboratoire. Risque de valvulopathies.


Réévaluation en cours ou envisagée du rapport bénéfices/risques (B/R) :


 La balance entre les bénéfices apportés par un médicament et ses effets indésirables (risques) est un critère important d'évaluation d'un produit pour sa mise sur le marché et son suivi.

- Fonzylane (buflomédil) : ce vasodilatateur pourrait fait l’objet d’un retrait. La réévaluation du B/R a abouti en janvier 2011 à un avis défavorable de l’Afssaps. Les risques : surdosage, mésusage, toxicité cardiaque et neurologique.
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Hexaquine (contient de la quinine) : traitement des crampes. Risques de réactions allergiques, hépatiques. Réévaluation du B/R en cours.
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Actos (pioglitazone) : traitement du diabète. Etude européenne en cours sur les risques cardiovasculaires et de cancer de la vessie. Réévaluation du B/R envisagée.
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Alli (orlistat) : ce médicament qui réduit l’assimilation des graisses lors des repas est vendu sans ordonnance pour le traitement de l’obésité. L’examen de sa toxicité pour le foie est en cours. Son mésusage (hors cas d’obésité) est souligné. Réévaluation du B/R envisagée.
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Ketum (kétoprofène topique) : c’est un cas particulier. L’Afssaps avait décidé la suspension du Ketum en décembre 2009 mais le Conseil d’Etat, saisi par le laboratoire, a fait annuler la suspension. Réévaluation du B/R au niveau européen.
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Mynocine (minocycline) : anti-infectieux, acné. Réactions d’hypersensibilité signalée. Réévaluation du B/R en cours.
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Multaq (dronédarone) : traitement de l’arythmie cardiaque. Réévaluation du B/R en cours au niveau européen suite à des alertes sur des atteintes du foie.
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Furantadine, Microdoïne (nitrofurantoïne). Traitement de la cystite. Problème de toxicité pour les traitements longs. Réévaluation du B/R en cours.
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Nexen (nimésulide) : douleurs aiguës. Risque hépatique et gastro-intestinal. Avis négatif de la France en 2008. Nouvelle réévaluation du B/R en cours au niveau européen, décision attendue en mai 2011.
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Parlodel (bromocriptine): pour stopper la lactation. Risques de complication neuro-vasculaires. Réévaluation du B/R envisagée.
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Vastarel (trimétazidine) : traitement des vertiges, acouphènes, angines de poitrine.. Enquête pour plusieurs effets indésirables. Réévaluation du B/R en cours. 


La surveillance après commercialisation:


De nombreux médicaments font l’objet d’un suivi de pharmacovigilance dans les 6 mois ou 1 an (ou plus) après leur commercialisation, pour surveiller la tolérance, les effets secondaires et les risques éventuels de ces nouveaux produits. Apparaissent ainsi sur la liste : Colokit, Efient, Prevenar (vaccination contre le pneumocoque chez le nourrisson et l’enfant, commercialisé depuis 6 mois), Valdoxan (dépression), Zypadhera (schizophrénie).



Protection des grossesses:
Le registre des grossesses est un programme permettant de suivre des grossesses exposées à certains médicaments. Dans ce cadre sont actuellement surveillés : Ellaone (contraceptif d’urgence), Cervarix et Gardasil (vaccins contre le cancer du col de l’utérus à HPV), Isotrétinoïne (acné) –qui pose aussi des problèmes au niveau psychiatrique, Soriatane (psoriasis), Toctino (eczéma).


Les mauvais usages, le risque d’addiction


Le mésusage (usage d’un médicament hors de son indication donnée par l’AMM) voire l’usage détourné, le surdosage et l’addiction sont des risques cités pour de nombreux médicaments présents dans cette liste. 


Effentora (et autres produits contenant du fentanyl) ; Intrisa (testostérone), Antasol, Entonox, Kalinox et Oxynox (oxygène, protoxyde d’azote), Ritaline (le médicament utilisé contre les troubles de l’attention chez les enfants), Praxinor (caféine, théonédraline), les benzodiazépines Rivotril (antiépileptique) et Rohypnol (troubles du sommeil), le Stilnox (somnifère), Tramadol, Stablon (anti-dépresseur), Xyrem.
Méthadone et Subutex, traitements substitutifs pour les toxicomanes, font aussi l’objet d’un suivi à cause des risques d’abus.
Deux médicaments sont pointés à cause des risque de surdosage volontaire pouvant entraîner la mort :  
Méprozinine (contre l’insomnie) et Equanil (sevrage de l’alcoolisme).


Enquêtes de pharmacovigilance et suivi renforcé:


 De nombreux médicaments suivis pour des raisons très diverses, généralement suite à des signalements d’effets secondaires (réactions d’hypersensibilité, risques hépatiques, risque de cancer...). Certains font l’objet d’étude de cohortes de patients, au niveau français ou européen.

Arcoxia (même famille que le Vioxx, retiré en 2004 au niveau mondial), Arixtra, Bleu patente V, Byetta, Cimzia, Cymbalta, Exjade, Ferrisat, Galvus, Eucreas, Isentress (VIH), Janumet, Januvia, Lantus, Lyrica, Onglyza, Pedea, Pholcodine, Pradaxa, Primalan (rares troubles du rythme cardiaque signalés), Procoralan, Protelos, Protopic, Revlimid, Roacterma, Stelara, Trivastal, Tysabri, Vfend, Victoza, Xarelto, Zyban (sevrage tabagique, risque dépressif, suicidaire) Zypadhera, Zyvoxid.


Quelques cas particuliers :


Thalidomide celgène : ce médicament est indiqué en France pour traiter un cancer du sang, le myélome multiple. Cependant le thalidomide traîne un sombre passé : prescrit dans les années 50 et 60 aux femmes enceintes souffrant de nausées, il a entraîné des milliers de naissances d’enfants malformés. Sa prescription et sa délivrance font l’objet d’un suivi particulier.
Champix (varénicline): utilisé pour le sevrage tabagique. Des problèmes de troubles psychiatriques et de tendance suicidaires ont été signalés. L’examen du renouvellement d’AMM est en cours.

Glivec : anti-cancéreux utilisé contre les leucémies myéloïdes chroniques. L’AMM a été obtenue sous circonstances exceptionnelles, précise l’Afssaps, en raison du mécanisme d’action de la molécule. Risque de cancer secondaire signalé récemment.

Levothyorx : traitement des hypothyroïdies. En juin 2010 a été signalée l’inefficacité des génériques. Les résultats des études de bioéquivalence entre le princeps et le générique sont conformes, selon l’Afssaps. Une inspection pharmaceutique est en cours.

Les 12 classes de médicaments


h1n1.jpgComme pour les médicaments, les classes sont surveillées pour des raisons très variées. Il y a le suivi de nouveaux produits : on trouve ainsi dans cette catégorie les vaccins antigrippaux de cette saison (2010-2011), ainsi que les vaccins contre la grippe H1N1. Il y a également les vaccins contre l’hépatite B, surveillés depuis 1994 après que des cas de scléroses en plaques ont été attribués à cette vaccination, chez l’adulte ou l’adolescent.

Les agonistes dopaminergiques : utilisés pour soigner les symptômes de la maladie de Parkinson ou le syndrome des jambes sans repos. Surveillance de routine maintenue.
Les antidépresseurs (IRSS, inhibiteurs de la recapture de sérotonine) : l’usage de ces traitements chez l’enfant et l’adolescent est suivi de près à cause des effets indésirables sur la croissance. Ces IRSS ont également été mise en cause aux États-Unis pour le risque de suicide chez les ados.
Les anti-TNF (anticorps monoclonaux) : indiqués pour des maladies inflammatoires chroniques, comme la polyarthrite rhumatoïde. Suivi renforcé et mise en place d’un observatoire pour la recherche sur les anti-TNF.

Les suppléments en vitamines D, A, C et E pour les nourrissons.
Les
biphosphonates : contre l’ostéoporose. Risque d’ostéonécrose de la mâchoire mis en évidence depuis 2006 qui justifie un suivi renforcé.
Collyres mydriatiques anticholinergiques : pour la dilatation de la pupille en ophtalmologie. Réexamen de la posologie pour les enfants et nourrissons.
Immunoglobulines IV : en cas de déficit immunitaire. Enquête en cours sur un risque de thrombose.
Sclérosants veineux : risques signalés d’AVC transitoires, en cours d’évaluation.
Les
solutés de dialyse péritonéale Baxter à cause d’un risque de contamination de certaines poches de soluté. Un suivi hebdomadaire est en place, précise l’Afssaps,

Cécile Dumas
Sciences et Avenir.fr